Cette nouvelle affaire de voile qui sème l’émoi dans l’école française
Un proviseur, victime de menaces de mort, a dû prendre une retraite anticipée. Vingt ans après la loi interdisant le port de signes religieux à l’école, cette énième affaire conduit le gouvernement à prendre des mesures de sécurité exceptionnelles.
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Un proviseur, victime de menaces de mort, a dû prendre une retraite anticipée. Vingt ans après la loi interdisant le port de signes religieux à l’école, cette énième affaire conduit le gouvernement à prendre des mesures de sécurité exceptionnelles.
Une force mobile scolaire sera déployée dans les écoles en difficulté. Objectif : rassurer les enseignants, les équipes éducatives, et bien sûr, les élèves. Telle est la réponse de la ministre de l’Education après la dernière affaire liée au port du voile qui sème l’émoi en France depuis plusieurs jours. « Ce sera une force nationale, une force physique, qui pourra se projeter dans les établissements qui en feront la demande. Les enseignants ne sont pas seuls et nous formons tous un bouclier autour d’eux », a expliqué Nicole Belloubet lors d’un déplacement à Bordeaux. Cette équipe, composée d’une vingtaine d’agents de l’Education nationale, sera mise en place à la rentrée prochaine. Sa mission sera d’apporter de la sécurité, mais aussi de ramener l’apaisement et de faire de la pédagogie.
Le proviseur d’un établissement du 20e arrondissement de Paris, l’école Maurice Ravel, a été conduit, pour des raisons de sécurité, à anticiper sa retraite de plusieurs mois. Il était la cible de menaces de mort après avoir intimé, le 28 février, à une élève d’ôter son voile, conformément à la loi qui interdit le port des signes religieux à l’école. La jeune femme, majeure, avait expliqué que le proviseur l’avait agressée. Des menaces de mort visant le responsable scolaire s’en étaient suivies sur les réseaux sociaux. Dénonçant « l’entrisme » de l’idéologie islamiste à l’école, le Premier ministre Gabriel Attal, qui avait déjà fait interdire l’abaya et le qamis en septembre dernier en tant que ministre de l’Education, a fait savoir que l’Etat avait porté plainte contre l’élève pour dénonciation calomnieuse. Il a tenu à recevoir le proviseur pour lui témoigner son soutien. Un homme décrit comme « très anxieux » par son avocat, mais « réconforté par de nombreux messages ». Pour l’heure, il n’a pas sollicité de protection policière.
Une affaire prise très au sérieux
L’affaire fait suite à plusieurs séismes qui ont ébranlé l’école française. L’assassinat de Samuel Paty, décapité par un terroriste islamiste en octobre 2020 près de son lycée de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) parce qu’il avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Puis celui de Dominique Bernard, un professeur à Arras (Pas-de-Calais), poignardé dans l’enceinte même de son école trois ans plus tard par un ancien élève radicalisé. Professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis, Iannis Roder, membre du Conseil des sages sur la laïcité décrivait il y a quelques mois pour Le Soir une « pesanteur omniprésente » dans l’Education.Ce vendredi, un rassemblement a eu lieu devant l’établissement scolaire parisien. Plusieurs dizaines d’élus et de parents se sont réunis à l’appel du Parti socialiste. Alors qu’une partie de la gauche est accusée depuis plusieurs années de complaisance vis-à-vis de l’islamisme, le PS appelle à sortir du réflexe « pas de vague ». « C’est un échec collectif », a réagi cette semaine le chef de file des députés PS, Boris Vallaud.
Les professeurs ne sont plus seuls intimidés. Ces derniers jours, des centaines d’élèves, dans 44 départements, ont aussi été victimes du piratage de leurs espaces numériques de travail, les interfaces scolaires sur internet. Des menaces de mort, parfois accompagnées de photos de décapitations, leur ont été adressées. Le ministère a suspendu ces espaces numériques le temps de l’enquête et le temps de mettre en place un « bouclier numérique ». Un mineur a été arrêté dans le cadre de cette affaire à Malakoff, en banlieue sud de Paris. L’affaire est d’autant plus prise au sérieux que la France vient de relever son niveau d’alerte au terrorisme après l’attentat de Moscou, revendiqué par l’Etat islamique au Khorassan, le pays étant lui aussi la cible de cette branche de Daesh.
Voilà vingt ans tout juste que la loi interdisant le port des signes religieux à l’école a été votée à une très large majorité en France. Mais aujourd’hui, une fracture générationnelle s’est créée. Près de deux tiers des 18-30 ans estiment que la défense de la laïcité est instrumentalisée pour dénigrer les musulmans.