CINEMA •Un engagement israélien salué au Liban

http://www.courrierinternational.com/article/2009/09/14/un-engagement-israelien-salue-au-liban


Lion d'or 2009, Liban de Samuel Maoz aborde le sujet délicat de la guerre de 1982 lorsque les chars israéliens ont envahi le territoire libanais. La justesse du réalisateur israélien a impressionné le critique d'An-Nahar qui ne tarit pas d'éloges sur ce film.

14.09.2009 | Hauvick Habéchian | An-Nahar

Levanon, le film de Samuel Maoz
Tous les journaux et revues spécialisées s'étaient trompés dans leurs pronostics. Les éminents critiques de cinéma, qui ne sont pas tous de bonne foi et dépourvus d'arrière-pensées, avaient un faible pour l'Américain Todd Solondz [le réalisateur de Life During Wartime] et l'avaient désigné comme le candidat légitime pour le prix du Lion d'or de la 66e Mostra de Venise. Finalement, chacun a eu son lot de récompenses. Solondz a eu les étoiles des critiques, mais c'est Samuel Maoz qui a remporté le Lion d'or pour son film Liban, ou Levanon en hébreu.

Le jury présidé par Ang Lee a bien fait. C'était l'un des meilleurs films de la compétition. Ce prix, l'un des plus prestigieux du monde, est une publicité gratuite pour le Liban. Le nom du pays du Cèdre a été sur toutes les lèvres pendant le festival. En sortant de la projection, de nombreux spectateurs avaient envie d'en savoir davantage sur l'invasion israélienne de 1982. Il faut dire que la manière dont Samuel Maoz filme est particulièrement discrète. En effet, pendant tout le film, la caméra est à bord d'un char, et le viseur constitue pour les soldats le seul lien avec l'extérieur. Leur gros blindé représente l'omnipotence israélienne, indifférente à la vie humaine et aux destructions.

C'est par le regard de ces soldats à travers le viseur que nous découvrons l'horreur du champ de bataille. C'est peut-être cette mise en scène qui explique le choix du jury. A moins que ce ne soit sa façon stupéfiante d'utiliser le son ou son idée de transformer le minuscule espace du char en scène de tensions qui contrastent singulièrement avec la bataille qui se déroule au dehors. Liban revient sur l'histoire d'Israël et sur ses guerres successives contre son voisin, du point de vue d'un réalisateur qui a servi dans Tsahal [l'armée israélienne]. L'ambiance est proche de Valse avec Bachir, d'Ari Folman. Ces deux films ont ceci en commun qu'ils abordent des points nodaux de la société israélienne.

Ils sont portés par une vague qui pousse le cinéma israélien à aborder les grandes questions sur le sens de l'occupation et de la guerre, avec ses morts est ses destructions. Loin du petit jeu politicien, la proposition de Samuel Maoz est d'une grande profondeur psychologique. Cela rappelle la série de films américains sur le Vietnam dans les années 1970. Evidemment, le point de vue est israélien. Et même celui d'un cinéaste qui a été soldat chez notre ennemi. La proposition de Maoz est une invitation au débat. On ne saurait la rejeter d'un revers de la main. Car le film est honnête et il reconnaît la défaite. Ce qui est plus important encore est qu'il ne comporte pas d'"exploits héroïques" typiques d'autres films de guerre. Le héros ne connaît pas grand-chose à la vie jusqu'à ce moment fatidique de son existence où il tue un être humain par "instinct de survie", selon ses termes.

"Je dédie ce prix à ceux qui sont revenus du front comme moi, qui se sont mariés et qui ont eu des enfants, mais qui sont toujours habités par la douleur", a déclaré le réalisateur lorsqu'il a reçu le Lion d'or des mains d'Ang Lee. Qu'il soit sincère ou non, lui seul peut le savoir. En tout cas, la mémoire de la guerre et de ses souffrances résonne désormais dans les festivals internationaux.
 
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