Comment comparer nos représentations mentales à la réalité?

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Bonjour :timide:

Au 17e siècle, les philosophes ont pris conscience que notre esprit n'a pas de contact épidermique avec la réalité. On ne perçoit pas le monde en soi : on perçoit des représentations du monde, construites par le cerveau à partir d'interprétations (largement inconscientes) d'informations sensorielles et de souvenirs.

On a dépassé la posture connue sous le nom de « réalisme naïf ».

Les neurosciences ont depuis confirmé les conclusions de ces philosophes.

Quand je vois la table devant moi, je n'ai pas un accès direct à cette table (ce que j'ai appelé « contact épidermique »). La table que je perçois est une reconstruction par mon cerveau du monde extérieur, fondé sur une « analyse » inconsciente de données sensorielles, comme les photos qui frappent ma rétine et qui deviennent des influx nerveux du nerf optique. Donc chacun est en quelque sorte dans une bulle créée par son propre cerveau, qu'il considère comme la réalité du monde extérieur...

Bien sûr, on peut dialoguer avec d'autres personnes, et on comprend alors que nos perceptions coïncident largement avec celles des autres. Donc on vit aussi dans une réalité socialement partagée, bien que personne n'y ait d'accès privilégié. Par contre nos perceptions dans les rêves ou les hallucinations ne sont pas socialement partagées, donc cela est considéré comme irréel, « inexistant » (quoique dans plusieurs cultures, le rêve soit une voie d'accès à des vérités spirituelles).

Cela pose néanmoins le problème de la vérité. Depuis longtemps, on définit la vérité comme étant la conformité de notre jugement (« cela existe », « cela est tel », « cela n'existe pas », « cela n'est pas comme ça ») à la réalité. Par exemple je crois qu'il pleut. S'il pleut « réellement » à ce moment, alors je suis dans la vérité. Ma croyant qu'il pleut sera alors conforme aux faits.

Sauf que nous venons de dire qu'on n'a pas accès directement à la réalité. On perçoit seulement des représentations. Et donc la question est : quelle raison a-t-on de croire que ces représentations sont vraies? Oui il y a d'autres personnes qui les partagent. Mais dans mes rêves, il y a aussi d'autres personnes, imaginaires, qui « vivent » dans le monde imaginaire du rêve!! Il est vrai que mes représentations ont une cause, que je ne les crée pas à volonté. Mais cette cause n'est pas obligée de ressembler par nature à la représentations. Par exemple si quelqu'un me raconte un mensonge, je peux croire ce qu'il dit, donc me former une représentation de ce que j'imagine être vrai, mais la cause de cette représentation, le menteur, n'y ressemble pas du tout!

Descartes a imaginé qu'un démon pouvait exister et nous induire systématiquement en erreur. Il pouvait faire que tout ce qu'on croit savoir soit des illusions. Plus tard le film « Matrix » a posé le même problème de façon plus réaliste (même s'il y a des choses dans le scénario de ce film qui sont absurdes).

Le problème est : pour savoir qu'une croyance est vraie, il faut tester la croyance en faisant des observations. Mais si nos observations se réduisent finalement à des représentations, alors tout ce que nous faisons en fin de compte, c'est comparer des représentations à d'autres représentations (que peut-être nous imaginons être plus fiables). Et même si on cherche la source des représentations : ce que nous trouverons sera, cela aussi, simplement une représentations de plus. Donc il semble qu'on soit prisonnier de notre bulle mentale!

Selon Descartes, la solution est Dieu : Descartes croit que Dieu, étant moralement parfait, ne saurait nous laisser prisonnier de l'erreur si nous usons correctement de notre raison. Dieu ne nous mentira pas, et il ne fera pas un monde illusoire. Sauf que de nos jours, cette solution est loin d'être convaincante pour plusieurs, surtout qu'on est sceptique envers les preuves que Descartes donne de l'existence de Dieu.
 
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