Wattrelos, l’Hôtel-Dieu à Paris et désormais Pont-à-Mousson, et d’autres à venir, comme Juvisy. Malgré les promesses des politiques, les structures d’urgences sont détruites les unes après les autres. La méthode est toujours la même, introduite par Mattei du temps de Chirac et conduite par Bachelot du temps de Sarkozy. Rien n’a changé.
En voici la sordide recette : comment casser le service public...
.
SOUS LA COUPE DES ARS
Sournoisement, le 29 juillet dernier, la direction de l’hôpital de Pont-à-Mousson et l’agence régionale de santé (ARS) de Lorraine ont décidé de fermer tout simplement les urgences. Environ cinquante malades sont accueillis aux urgences chaque jour. Ils devront faire une heure de voiture pour aller consulter dans les services de Metz ou de Nancy, déjà saturés. Cette mesure montre combien les ARS sont devenues des dictatures technocratiques méprisant totalement les élus, les organisations sociales et les malades, afin de s’assurer des primes rondelettes qui récompensent les « économies » prétendument effectuées. Car le « surcoût » de la proximité est bien moindre que les frais engendrés par les transports en ambulance ou par les pompiers… Il n’empêche, une bonne ARS est une ARS qui ferme un maximum de structures.
Il n’y a évidemment pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Beaucoup de médecins embauchés dans ces agences donnent une caution médicale aux regroupements. Et il y a plus d’un directeur d’hôpital qui se bat contre ces agences. Il existe aussi des syndicats qui roupillent en facilitant la déconstruction sociale par leur attente stérile. Mais la plupart du temps, la partition est la même et elle est jouée par les mêmes musiciens. Pourtant, ils en ont fermé, des urgences : en 1988, tous les établissements de santé avaient un accueil et des services d’urgences, soit trois mille en France.
En 2013, il nous en reste neuf cent cinquante. Où est passé l’argent de toutes ces économies? Nul ne sait.
POUR TUER TON CHIEN, DIS QU’IL A LA RAGE
Évaluations, statistiques, audits… Le néolibéralisme fournit les produits pour réaliser l’euthanasie d’un service. Ainsi, les médecins qui devraient soigner les malades, veiller à l’encadrement et à la bonne humeur des équipes, prévoir les plannings et les protocoles thérapeutiques, se voient chargés de statistiques, de codages. Combien de vieux de plus de 75 ans par an, par heure, par jour ? Combien de réanimations ? Combien de nains, de sourds, de muets, de galeux ? Le nouveau médecin est vissé devant son ordinateur à contempler des courbes et à rendre des chiffres. Que font de ces chiffres la direction de l’hôpital et l’ARS? Rien, car un bon chiffre est un chiffre qui sert à fermer.
SEMER LA DISCORDE POUR MIEUX RÉGNER
Il y a une chose que les directions des hôpitaux ne supportent pas : la convivialité et les syndicats. Rien ne vaut le discrédit pour s’en débarrasser. Soit une infirmière super sympa, qui fait du bon café, de bons gâteaux : faites courir le bruit qu’elle couche, et la rumeur va la pousser à bout. Soit un médecin jovial et épicurien qui met une bonne ambiance et soigne bien : écartez-le des réunions, enlevez-lui quelques moyens, noyez-le sous les gardes, pourrissez sa vie privée. Tout est toujours fait pour les virer : brimades, harcèlement moral, diminution de leurs fonctions… Ainsi, les médecins et le personnel finissent toujours par craquer, démissionnent ou demandent leur mutation. À Pont-à-Mousson, doucement, les médecins sont partis.
LE CONTRAT DE RETOUR À L’ÉQUILIBRE FINANCIER
La spirale sociale infernale est engagée, le personnel démotivé. Plus l’administration dit «on ne trouve personne» sans chercher, plusceux q ui restent sont sur les genoux. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, ce qui dégoûte les personnels de travailler plus. Vu le pouvoir d’achat en chute libre et les galères pour les bas salaires, très vite, le personnel se barre ou cumule des emplois pour s’en sortir. De l’autre côté, pour faire encore des « économies », apparaît un plan pour fermer tout ou partie de l’hôpital.
Pourquoi commencer par les urgences ?
Les deux tiers des malades entrent à l’hôpital par là, alors c’est facile pour assécher la demande. Comme la direction n’embauche pas, des lits sont fermés. Et en aval, le travail aux urgences devient infernal, donc les équipes craquent, burn-out et harcèlement devenant le quotidien. L’alibi est tout chaud et prêt à être servi : on ne trouve pas de médecins ni d’infirmières, il faut regrouper avec d’autres centres. Dans un pays où nous n’avons jamais eu autant de médecins, il n’y en a plus ? Les infirmières ? Environ soixante mille ont abandonné leur profession pour faire autre chose, tellement le manque de considération et d’attractivité est fort.
Les services d’urgences étant les plus difficiles à vivre en termes de stress, de conditions de travail, de violences physiques et morales, l’acte final est arrivé: il faut fermer.
THIS IS THE END
Comme à Pont-à-Mousson, l’administration, l’air triste, compatissante, assène au ministère et aux élus cette célèbre phrase de Thatcher, mère du néolibéralisme : « Il n’y a pas d’alternative.» Grâce aux statistiques, ils sortent le nombre de passages et en font un argument. Pour Pont-à-Mousson : il faut fermer, car il y a douze mille passages, «c’est trop faible ». Pour l’Hôtel-Dieu à Paris, avec quarante mille passages, « ce ne sont pas de vrais malades », c’est de la « bobologie »… Chaque fois, «les malades qui viennent aux urgences n’ont rien à y faire». Vient enfin le discours très convenu du «ça ira mieux en faisant autrement». Les ARS et leurs conseillers médicaux expliquent que les malades n’ont qu’à aller vers la médecine de ville. Mais il n’y en a presque plus, car, il y a dix ans, Mattei a mis fin à leur obligation de participer à la permanence des soins. Ajoutons que, dans certains secteurs, il n’y a même plus de docteur… Alors l’ARS sort l’alibi Pompiers et SAMU. C’est un peu comme un pays où il n’y aurait plus ni sécurité ni justice, juste le GIGN ou la BAC pour éviter le chaos. Maintenir un SMUR, ça fait bien devant les élus et les caméras du 20-heures, mais ça ne sert que pour les urgences vitales, soit 5% des urgences. Quant aux pompiers, le contre-argument vient de leur puissante fédération ; les véhicules de secours vont de plus en plus loin et attendent des heures que des brancards se libèrent dans des centres d’urgences sursaturés. Et les malades dans tout cela ? Ils sont bien loin, car les ARS ne s’occupent que des euros, pas des êtres.
http://www.charliehebdo.fr/news/comment-fermer-un-service-d-urgences-940.html
En voici la sordide recette : comment casser le service public...
.
SOUS LA COUPE DES ARS
Sournoisement, le 29 juillet dernier, la direction de l’hôpital de Pont-à-Mousson et l’agence régionale de santé (ARS) de Lorraine ont décidé de fermer tout simplement les urgences. Environ cinquante malades sont accueillis aux urgences chaque jour. Ils devront faire une heure de voiture pour aller consulter dans les services de Metz ou de Nancy, déjà saturés. Cette mesure montre combien les ARS sont devenues des dictatures technocratiques méprisant totalement les élus, les organisations sociales et les malades, afin de s’assurer des primes rondelettes qui récompensent les « économies » prétendument effectuées. Car le « surcoût » de la proximité est bien moindre que les frais engendrés par les transports en ambulance ou par les pompiers… Il n’empêche, une bonne ARS est une ARS qui ferme un maximum de structures.
Il n’y a évidemment pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Beaucoup de médecins embauchés dans ces agences donnent une caution médicale aux regroupements. Et il y a plus d’un directeur d’hôpital qui se bat contre ces agences. Il existe aussi des syndicats qui roupillent en facilitant la déconstruction sociale par leur attente stérile. Mais la plupart du temps, la partition est la même et elle est jouée par les mêmes musiciens. Pourtant, ils en ont fermé, des urgences : en 1988, tous les établissements de santé avaient un accueil et des services d’urgences, soit trois mille en France.
En 2013, il nous en reste neuf cent cinquante. Où est passé l’argent de toutes ces économies? Nul ne sait.
POUR TUER TON CHIEN, DIS QU’IL A LA RAGE
Évaluations, statistiques, audits… Le néolibéralisme fournit les produits pour réaliser l’euthanasie d’un service. Ainsi, les médecins qui devraient soigner les malades, veiller à l’encadrement et à la bonne humeur des équipes, prévoir les plannings et les protocoles thérapeutiques, se voient chargés de statistiques, de codages. Combien de vieux de plus de 75 ans par an, par heure, par jour ? Combien de réanimations ? Combien de nains, de sourds, de muets, de galeux ? Le nouveau médecin est vissé devant son ordinateur à contempler des courbes et à rendre des chiffres. Que font de ces chiffres la direction de l’hôpital et l’ARS? Rien, car un bon chiffre est un chiffre qui sert à fermer.
SEMER LA DISCORDE POUR MIEUX RÉGNER
Il y a une chose que les directions des hôpitaux ne supportent pas : la convivialité et les syndicats. Rien ne vaut le discrédit pour s’en débarrasser. Soit une infirmière super sympa, qui fait du bon café, de bons gâteaux : faites courir le bruit qu’elle couche, et la rumeur va la pousser à bout. Soit un médecin jovial et épicurien qui met une bonne ambiance et soigne bien : écartez-le des réunions, enlevez-lui quelques moyens, noyez-le sous les gardes, pourrissez sa vie privée. Tout est toujours fait pour les virer : brimades, harcèlement moral, diminution de leurs fonctions… Ainsi, les médecins et le personnel finissent toujours par craquer, démissionnent ou demandent leur mutation. À Pont-à-Mousson, doucement, les médecins sont partis.
LE CONTRAT DE RETOUR À L’ÉQUILIBRE FINANCIER
La spirale sociale infernale est engagée, le personnel démotivé. Plus l’administration dit «on ne trouve personne» sans chercher, plusceux q ui restent sont sur les genoux. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, ce qui dégoûte les personnels de travailler plus. Vu le pouvoir d’achat en chute libre et les galères pour les bas salaires, très vite, le personnel se barre ou cumule des emplois pour s’en sortir. De l’autre côté, pour faire encore des « économies », apparaît un plan pour fermer tout ou partie de l’hôpital.
Pourquoi commencer par les urgences ?
Les deux tiers des malades entrent à l’hôpital par là, alors c’est facile pour assécher la demande. Comme la direction n’embauche pas, des lits sont fermés. Et en aval, le travail aux urgences devient infernal, donc les équipes craquent, burn-out et harcèlement devenant le quotidien. L’alibi est tout chaud et prêt à être servi : on ne trouve pas de médecins ni d’infirmières, il faut regrouper avec d’autres centres. Dans un pays où nous n’avons jamais eu autant de médecins, il n’y en a plus ? Les infirmières ? Environ soixante mille ont abandonné leur profession pour faire autre chose, tellement le manque de considération et d’attractivité est fort.
Les services d’urgences étant les plus difficiles à vivre en termes de stress, de conditions de travail, de violences physiques et morales, l’acte final est arrivé: il faut fermer.
THIS IS THE END
Comme à Pont-à-Mousson, l’administration, l’air triste, compatissante, assène au ministère et aux élus cette célèbre phrase de Thatcher, mère du néolibéralisme : « Il n’y a pas d’alternative.» Grâce aux statistiques, ils sortent le nombre de passages et en font un argument. Pour Pont-à-Mousson : il faut fermer, car il y a douze mille passages, «c’est trop faible ». Pour l’Hôtel-Dieu à Paris, avec quarante mille passages, « ce ne sont pas de vrais malades », c’est de la « bobologie »… Chaque fois, «les malades qui viennent aux urgences n’ont rien à y faire». Vient enfin le discours très convenu du «ça ira mieux en faisant autrement». Les ARS et leurs conseillers médicaux expliquent que les malades n’ont qu’à aller vers la médecine de ville. Mais il n’y en a presque plus, car, il y a dix ans, Mattei a mis fin à leur obligation de participer à la permanence des soins. Ajoutons que, dans certains secteurs, il n’y a même plus de docteur… Alors l’ARS sort l’alibi Pompiers et SAMU. C’est un peu comme un pays où il n’y aurait plus ni sécurité ni justice, juste le GIGN ou la BAC pour éviter le chaos. Maintenir un SMUR, ça fait bien devant les élus et les caméras du 20-heures, mais ça ne sert que pour les urgences vitales, soit 5% des urgences. Quant aux pompiers, le contre-argument vient de leur puissante fédération ; les véhicules de secours vont de plus en plus loin et attendent des heures que des brancards se libèrent dans des centres d’urgences sursaturés. Et les malades dans tout cela ? Ils sont bien loin, car les ARS ne s’occupent que des euros, pas des êtres.
http://www.charliehebdo.fr/news/comment-fermer-un-service-d-urgences-940.html