En général, un jeune de 20 ans est assez fortement polarisé à gauche, et participe assez souvent à des mouvements revendicateurs... 30 ans plus tard les mêmes personnes vont être nettement plus à droite et confortablement installées dans leur petite vie et leur petit confort.
Les options politiques se comprennent largement en considérant l’intérêt personnel : autant un jeune qui entre dans la vie avec peu de bagages essaie d’arracher des privilèges aux vieux, quitte à déstabiliser l’ordre social, autant les vieux, avec leurs privilèges acquis péniblement et lentement au cours de leur carrière, ont peu à gagner à questionner et contester le statu quo. Chacun va sécréter des idéologies pour se justifier, mais la lutte n’est pas principalement au niveau de l’idéologie, mais plutôt au niveau des rapports de forces dans la distribution des ressources et des statuts.
Au final, les gens accorderaient leur soutien, non pas à ce qui retranscrirait leur conception profonde de ce qui est juste, mais prioritairement à ce qui permettrait de favoriser leurs desseins personnels ?
Ma foi, cela me semble juste et cela rejoint le concept sociologique de dichotomie entre la vie objective et la vie subjective.
En fait, ces deux formes d'existence sociale se distingueraient de par le fait que la vie objective constituerait les relations de travail que l'on entretient, toutes les relations régies par des normes informelles (interactions avec des personnes dans un cadre précis comme le chauffeur de bus etc...) ou formelles (en ce qui concerne le travail).
Tandis que la vie subjective caractériserait les relations que l'on entretient avec sa famille et son cercle d'amis.
Là où le concept est intéressant c'est qu'il énonce que l'humain favoriserait, sciemment ou non, sa vie objective au détriment de sa vie subjective afin de ne pas subir d'anathème social, de ne pas se faire symboliquement exclure de la société, afin de monter les échelons dans son travail, afin d'avoir de l'argent, des "amis", de soigner son paraître. Tandis que son "être" en subirait les conséquences en voyant sa morale, ses convictions profondes reléguées/modérées dans leur expression afin qu'elles ne fassent pas obstacles aux ambitions qu'il entretient dans sa vie objective.
Ce qui fait que l'on existe sous deux formes sociales, de même que l'on existera en tant que "jeune de gauche" et "vieux de droite" au cours de notre vie.
Cela s'accorde bien avec ce que tu viens de dire, à savoir que l'on crée une "théodicée de notre positionnement idéologique" au risque que ne se développe un hiatus profond entre ce que l'on énonce ouvertement, ce que l'on soutient et ce que l'on est réellement au fond de soi. Car je ne pense pas que l'individu soit si versatile que cela.
Je pense qu'il garde une certaine cohérence et ce de sa jeunesse à sa vieillesse (mais il est vrai que cela relève du domaine de l'intuition) et que malgré ses revendications, malgré ce dont il tente de se convaincre, il garde, plus ou moins enfoui au fond de lui, une ligne qui se trouve quasi intangible (et qu'il peut retrouver suite à certains événements survenus dans sa vie ou à une profonde réflexion/remise en question).