Constat (sur Trump) de Tahar B.

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Concernant la politique de Donald Trump, j’avoue avoir été complètement à côté de la plaque.

Comme la plupart des gens, j’ai hurlé, j’ai condamné, je me suis insurgé… mais je n’ai pas vu ni compris la mécanique de Trump. Laissons de côté le jugement moral.

Ce qu’il fait est-ce du bien ou du mal? Le problème n’est pas là. Et ceux qui sont victimes de sa politique (immigrés expulsés manu militari; habitants de Gaza bombardés avec son consentement) n’ont même plus le temps de se poser la question.

C’est un politique qui a bouleversé les règles et les comportements habituels. Il a cassé les règles et les lois. Il a tout simplement intégré la violence comme un élément de langage. Il s’adresse à des gens censés être violents qui comprennent ce qu’il veut dire et visiblement, il est écouté. Il prend des décisions injustes, il le sait et n’a que faire de ce qu’on pense de lui. Il n’a pas de surmoi. Pas de distance. Pas de pensée humaniste.

L’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, rappelle dans un entretien au journal «Le Journal» que Donald Trump admire le président américain Andrew Jackson qui avait déporté à l’ouest du Mississippi tous les Indiens qui vivaient à l’Est.

L’Amérique actuelle s’est faite sur une montagne de morts Peaux-Rouges et de l’ensemble des tribus indiennes. Les films de John Ford sont une bonne référence sur l’histoire de ces massacres. Les Indiens d’Amérique ont été systématiquement décimés. Seuls quelques écrivains new-yorkais criaient au scandale.

Trump a fait en sorte que toute action vienne de lui. Tout processus politique ou militaire est entre ses mains. Il ne le subit pas. Il est le patron et comme patron, il ne s’encombre pas de nuances ou de subtilités de langage, chose propre aux Européens. Il avance et se moque pas mal de ce que va penser cette chère et vieille Europe.

L’Europe, la Méditerranée, l’huile d’olive et le bon vivre-ensemble n’existent pas dans son logiciel.

Quand il est arrivé la semaine dernière à la réunion de l’OTAN, il s’est conduit comme étant le chef, le boss, le patron de l’OTAN à tel point que le président actuel de cette organisation l’a appelé «Daddy» (Papa). Cela lui a fait plaisir.

Zéro filtre.

Il dit ce qu’il pense sans essayer de faire passer la pilule. Rien à faire de l’effet que cela produit. Il fait la guerre, pas la morale. Et pour cela, il piétine les lois et les règles du bon comportement. Il ignore les lois de la guerre et le droit international. Ce que son collègue israélien fait depuis toujours.
 
Et il avance et réussit. Il a fait exploser les conventions. Il se dit: «Le monde est violent, je serai aussi violent».

Les Européens ne comprennent pas ce langage. Il pense qu’ils sont «hors-jeu».

L’arrogance européenne patauge dans l’incompréhension de ce nouveau mode d’action. Les responsables européens n’en reviennent pas. Ils font des déclarations et Trump ne laisse rien passer. Ainsi, il a rappelé à propos du président Macron qu’il «se trompe et de toute façon il ne parle pas à ma place».

Quand on lui dit qu’il change souvent d’avis, il répond: «Je peux changer d’avis, j’ai le droit de changer d’avis et alors?»

S’il y a un prédécesseur à qui il fait penser, en dehors d’Andrew Jackson, on cite le nom de Ronald Reagan, l’acteur médiocre des séries B et des westerns de mauvaise qualité. Mais arrivé à la Maison-Blanche, il a vite fait oublier ce passé d’acteur sans talent et a décidé de régner sur le monde à sa façon, directe, sans concession, sans diplomatie. Le libéralisme sauvage sans pitié, c’est lui.
 
Le lien fusionnel entre l’Amérique et l’État d’Israël est une réalité incontestable. Je me souviens d’une déclaration de l’ancien premier ministre israélien Shimon Perez disant: «Aucun candidat à la présidence américaine, quel que soit son parti, ne sera élu sans l’accord des juifs en général et d’Israël en particulier».

Comme disait l’autre jour le spécialiste du terrorisme Alain Bauer, «les trois H–Hamas, Hezbollah et Houthis– ont réuni chez Trump et Netanyahu la même volonté, avec en prime une violence sans aucune retenue».

Nous, pauvres spectateurs, nous observons ce champ de ruines et nous n’avons pas les mots pour enterrer des milliers d’enfants et de femmes, avec en outre le bruit des vainqueurs qui nous fait tant de mal aux oreilles.

Ainsi, c’est une nouvelle ère qui commence; c’est la fin du droit international, la fin de la diplomatie, la fin des conciliabules dans les couloirs des Nations-Unies, c’est la fin de la civilisation telle que nous l’entendons. Et Trump est celui qui entrera dans l’histoire pour avoir enterré le droit international.
 
Le Maroc, connu pour sa sagesse et son esprit pacifique, s’est tenu à l’écart des derniers événements qui ont secoué le Proche-Orient. Pourtant il aurait toutes les raisons de se réjouir des actions israélo-américaines contre l’Iran, un État dont la politique a toujours été anti-marocaine, allant jusqu’à entraîner dans ses camps les séparatistes du Polisario. Il a entériné le discours belliqueux de l’Algérie et ses fantasmes stupides.

Le Maroc n’entretient plus de relations avec l’Iran depuis mai 2018.

À présent que les mouvements que l’Iran finance et arme au Liban, à Gaza, et au Yémen ont été très affaiblis, il ne lui restait que le Polisario qui pourrait être bientôt reconnu mouvement terroriste par les Américains.
 
Et le Maroc, fidèle à sa stratégie, émerge du lot du monde arabo-musulman et poursuit sa politique avec fermeté et intelligence. Comme vient de le faire remarquer le politologue français Frédéric Encel dans l’hebdomadaire «L’Express»:

«Nul coup de menton ni logorrhée complotiste, pas de grands effets de manche, le doigt vengeur pointé sur l’ennemi animalisé à éradiquer, mais un discours et une politique frappés au coin de l’équilibre et de la modération».
 
En cartésien et patriote, j’ai fait un effort pour comprendre la personnalité de Trump. Cela ne m’empêche pas de continuer à soutenir en même temps les Accords d’Abraham et la cause palestinienne avec l’espoir de la création de deux États. Comprendre n’est pas approuver. Je constate, c’est tout.

 
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