Corps et frontières : quand l’État dicte les droits reproductifs des migrantes

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اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Dina El Sayed

“Pouvoir prendre soi-même les décisions concernant sa santé, son corps et sa vie sexuelle est un droit humain fondamental”[1]. Pourtant, lorsque les femmes entament un parcours migratoire semé d’obstacles, ce droit, est bien d’autres, leur est souvent arraché. La vulnérabilité décuplée de ces femmes en situation de précarité à tous les niveaux les placent au croisement de discriminations multiples, du sexisme au racisme en passant par la discrimination économique. Là où les violences physiques et psychiques que ce lourd parcours implique semblent évidentes, la question plus insidieuse du contrôle de leur corps et de leurs droits reproductifs par les États reste un phénomène méconnu malgré sa pratique bien plus répandue que ce que l’on pourrait penser. Ces pratiques de contrôle de la population par le contrôle de la procréation révèlent une tendance systématique à l’instrumentalisation des corps des femmes marginalisées, notamment les migrantes. Héritage eugéniste que l’on retrouve encore aujourd’hui dans des centres de détention et des camps de réfugiés à l’échelle globale, ces actes ne relèvent pas uniquement d’une politique de contrôle migratoire, mais traduisent également une volonté plus large de gestion biopolitique des populations marginalisées. Ainsi, dans quelle mesure le contrôle reproductif des migrantes est-il symptomatique de la tendance xénophobe des États à instrumentaliser le corps des femmes à des fins politiques et économiques ?

Pour apporter des éléments de réponse, cet article explore les manières dont le contrôle reproductif aux frontières répond à une volonté de préservation de l’identité nationale perçue et d’une vision étroite et xénophobe de l’intégrité d’une nation. Il aborde ensuite l’objectif démographique de ces campagnes de stérilisation contrainte, qui visent à réguler ces populations marginales et les dépenses qui les accompagnent. Cela interroge sur les violations des droits fondamentaux qui sous-tendent ces violences de domination.
 
Contrôle reproductif aux frontières : une réponse aux préoccupations d’intégrité et d’identité nationale

Le contrôle migratoire ne se limite donc pas aux frontières géographiques. Il s’opère également à travers la domination des corps, dans une logique où la gestion des naissances devient un outil de défense contre “l’altérité”, comme l’illustre les discours politiques qui présentent l’arrivée de certaines populations migrantes comme des « invasions », justifiant ainsi des mesures violentes et illégales sous couvert de sécurité nationale.

La stérilisation contrainte, avérée lorsque le consentement donné n’est pas réellement libre et éclairé car obtenu sous “la menace, la désinformation, l’omission d’informer et de toute autre forme de pression visant à inciter une personne à réclamer ou à autoriser sa propre stérilisation”[2] s’inscrit dans un héritage eugéniste profondément ancré dans les sociétés occidentales qui ne peut être négligé. Fondé sur l’idée que l’on peut « améliorer » l’espèce humaine en contrôlant la reproduction des personnes jugées « inaptes », l’eugénisme trouve ses racines dans un rejet systématique de l’altérité, du racisme et de la xénophobie. Les États-Unis offrent un exemple édifiant de la manière dont ces idées eugénistes se sont traduites en politiques publiques, ciblant systématiquement des populations marginalisées.

Dès le début du XXe siècle, des programmes de stérilisation contrainte ont été mis en place dans le pays pour des populations considérées comme « socialement inaptes », principalement les minorités ethniques et raciales. Les Afro-Américaines, déjà marginalisées par des siècles de racisme systémique, furent particulièrement ciblées, surtout dans le Sud des États-Unis, où la ségrégation raciale était en vigueur sous les lois de Jim Crow. Ces pratiques étaient légitimées par le poids du discours scientifique des psychologues de l’époque qui utilisaient des tests d’intelligence, comme ceux de Binet-Simon, pour justifier la prétendue infériorité des populations migrantes et noires...........

https://igg-geo.org/2025/03/28/corp...-dicte-les-droits-reproductifs-des-migrantes/
 
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