Première brokenité :
Kant dit, dans l'esthétique transcendantale, que :
""" Cette théorie qui attribue au temps une réalité empirique, mais qui lui refuse la réalité absolue et transcendantale, a soulevé chez des esprits pénétrants une objection si uniforme que j'en conclus que la même objection doit naturellement venir à la pensée de tout lecteur à qui ces considérations ne sont pas familières. Voici comment elle se formule : il y a des changements réels (c'est ce que prouve la succession de nos propres représentations, dût-on nier tous les phénomènes extérieurs ainsi que leurs changements); or les changements ne sont possibles que dans le temps; donc le temps est quelque chose de réel. La réponse ne présente aucune difficulté. J'accorde l'argument tout entier. Oui, le temps est quelque chose de réel ; c'est en effet la forme réelle de l'intuition interne. Il a donc une réalité objective par rapport à l'expérience intérieure, c'est-à-dire que j'ai réellement la représentation du temps et de mes représentations dans le temps. Il ne doit donc pas être réellement considéré comme un objet, mais comme ^m? mode ta/représentation de moi-même en tant qu'objet. Que si je pouvais avoir l'intuition de moi-même ou d'un autre être indépendamment de cette condition de la sensibilité, ces mêmes déterminations que nous nous représentons actuellement comme des changements nous donneraient une connaissance où ne se trouverait plus la représentation du temps, et par conséquent aussi du changement. Il a donc bien une réalité empirique, comme condition de toutes nos expériences; mais, d'après ce que nous venons de dire, on ne saurait lui accorder une réalité absolue. Il n'est autre chose que la forme de notre intuition interne*. Si l'on retranche de cette intuition la condition particulière de notre, sensibilité, alors le concept du temps disparaît aussi, mr il n'est point inhérent aux choses mêmes, mais seulement au sujet qui perçoit """
Je suis désolé, mais Kant ne répond pas à l'objection de façon satisfaisante. Que le temps soit objectivement réel (Kant dirait : du côté de la chose en soi), cela est si évident qu'il est futile de tenter de le nier. Le temps est postérieur logiquement au changement, et le changement est une des évidences premières de la conscience qu'on ne peut nier sans se décrédibiliser complètement. Même si le monde n'était qu'un rêve, il y a quand même du temps dans ce rêve, et ce temps est peut-être mal perçu, mais il n'est pas une pure création subjective...
Je ne vois pas comment on peut nier sérieusement la réalité en soi du temps alors que cela éclate partout avec une évidence aveuglante. La philosophie doit partir des faits et non redéfinir la réalité. La philosophie interprète la réalité, elle ne l'invente pas. Il y a pour cela la littérature.
Ce qui est juste dans la critique de Kant, c'est que la façon intuitive de se représenter le temps n'est pas tout à fait adéquate. Mais cela exige seulement de discipliner notre esprit plutôt que de nier l'évidence.