Dix meurtres au tableau des néonazis

Un gang d’extrême droite était derrière deux des plus grandes énigmes criminelles de la décennie.



Les policiers de Zwickau, dans l’est de l’Allemagne, ont mis la main vendredi sur l’arme la plus recherchée du pays : un Ceska 7,65 mm, au cœur d’une des plus épineuses énigmes criminelles de la dernière décennie. Entre 2000 et 2006, ce pistolet a tué neuf hommes entre Rostock et Munich ; à une exception près (un Grec), tous étaient des commerçants d’origine turque ; parmi eux, plusieurs vendeurs de sandwiches döner kebab criblés de balles en plein jour et sans témoins.

Avec la découverte de l’arme dans les décombres d’un appartement incendié, la police boucle l’une de ses plus importantes enquêtes. L’affaire du tueur au Ceska ou « tueur aux döner », comme la presse à grand tirage l’avait rebaptisée, a mobilisé plus de 130 enquêteurs. Onze mille suspects ont été entendus. Mais jamais le trio qui habitait l’immeuble incendié de Zwickau : Beate Zschäpe, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, des néonazis de 34, 36 et 38 ans, bien connus des services de police après la réunification, mais dont on avait perdu la trace depuis 1998.

Chez eux, des documents apportent la preuve qu’ils sont bien les meurtriers des neuf étrangers abattus au Ceska. Leur mobile : la xénophobie. Le gang de Zwickau, qui vivait de braquages de banques, pourrait aussi être l’auteur de deux attentats à la bombe qui avaient fait des blessés, à Cologne en 2004 contre la communauté turque, et à Düsseldorf en 2000 dans un quartier juif.

Après le "tueur aux döner", le "fantôme de Heilbronn"

L’Allemagne découvre, atterrée, qu’elle n’est pas à l’abri d’un terrorisme d’extrême droite bien plus violent et déterminé que les services de renseignement le prétendent depuis des années. Le trio, déjà auteur de graves délits à Iéna en 1997-98, n’aurait jamais dû échapper à la surveillance des agents de l’antiterrorisme. Ou bien a-t-il bénéficié d’appuis haut placés, peut-être en échange d’informations? L’affaire tourne au scandale.

D’autant plus que ces trois néonazis sont très probablement les assassins de Michéle Kiesewetter, une policière de 22 ans tuée dans le centre de Heilbronn en 2007. Cette fois encore, les coups de feu sont tirés de jour. Et personne n’a rien vu, comme si Michéle avait été victime d’un spectre. Les meurtriers se sont servis de l’arme de service de la fonctionnaire. Le lien ne sera donc jamais établi entre ce "fantôme de Heilbronn" et le "tueur aux döner".

La police allemande part sur une fausse piste, suivant la trace ADN d’une femme, trace qu’on retrouve dans une vingtaine de crimes et délits dans la région. Au bout de deux ans, les enquêteurs réalisent que l’empreinte génétique est celle d’une employée de l’entreprise d’emballage des Coton-Tige utilisés pour les prélèvements d’ADN! Le cas semblait désormais impossible à élucider.

Jusqu’à ce qu’on retrouve l’arme du crime dans le véhicule des néonazis de Zwickau, que les deux hommes du gang ont aussi incendié avant de se donner la mort début novembre. Du trio inséparable, en cavale avec de faux papiers depuis treize ans, il ne reste que Beate. En se rendant à la police mardi, elle a juste dit : "Je suis celle que vous cherchez." Depuis, elle garde le silence.
 
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