Le double diplôme en école de commerce, un facteur d’attractivité ?

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L'éventail de doubles diplômes proposés par les business schools est un facteur d'attractivité pour recruter les futurs étudiants. Mais l’inflation de l’offre n'amoindrirait-elle pas la valeur de la formation dispensée ?

À la rentrée 2018, l’Essec a lancé un double diplôme de manager-architecte avec l’ENSA (École nationale supérieure d’architecture) de Versailles. Une formation qui vient s’ajouter à une offre de cinq doubles cursus français déjà proposée par l’établissement de Cergy-Pontoise (l'ESM de St Cyr-Coëtquidan, CentraleSupélec, l'École du Louvre, l'ENSAE et l'ENS Ulm).


En septembre 2019, ce sera au tour de SCBS (South Champagne Business School) d’ouvrir, avec l’École de design de Troyes, un double diplôme en management et design. Depuis quelques années, les écoles mettent le paquet pour développer une offre de doubles diplômes. Un produit d'appel sur lequel les établissements misent pour attirer les faveurs des étudiants, mais qui, en réalité, ne concerne qu'une petite partie des profils.


Se démarquer de la concurrence


Chaque année, les business schools redoublent d’efforts pour proposer à leurs étudiants des cursus originaux par le biais de partenariats. Sur un marché particulièrement concurrentiel, les écoles de commerce se doivent de se différencier dans leur offre de formation.

"Aujourd’hui, ne pas proposer de double diplôme reviendrait à envoyer un mauvais signal sur la qualité de notre cursus", estime Nicolas Arnaud, directeur du programme grande école d'Audencia.


"Je me souviens de deux étudiantes, acceptées dans deux écoles relativement proches au classement Sigem [Système d'intégration aux grandes écoles], qui ont choisi de nous rejoindre pour les doubles diplômes que nous proposions, même si nous occupions un rang inférieur.
C’est un élément de différenciation important et un vrai facteur d’attractivité", renchérit-t-il.
"C’est un élément de différenciation important et un vrai facteur d'attractivité"
(N. Arnaud)
D’autant plus que les doubles diplômes répondent à des demandes diverses.
"Différentes logiques motivent ce cursus.

C’est d'abord un parcours permettant aux étudiants d’aller au bout de leur passion. Si un élève a toujours eu envie d’assister à des cours d’histoire en licence ou en master, c'est possible grâce à nos partenariats", rappelle Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble École de management.

Ces parcours s'adressent également aux étudiants qui ont suivi des cours dans des disciplines très variées de façon poussée en prépa mais qui, une fois en école de commerce, n'ont plus la possibilité de les approfondir, à moins de poursuivre un double diplôme.

Autres candidats pouvant être intéressés par un double diplôme : ceux qui ont un projet professionnel nécessitant l’apprentissage de compétences dans différents secteurs. Obtenir un double diplôme en management et en droit peut ainsi être un atout pour un étudiant souhaitant intégrer un cabinet. Et un double cursus manager-ingénieur s’avère utile pour travailler dans un groupe industriel.

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Anticiper les demandes des employeurs

Le double diplôme n’est toutefois pas destiné aux seuls étudiants : il répond également à la demande des employeurs. "Notre offre de formation doit refléter les besoins du marché du travail.
Aujourd’hui, des profils de "slasheurs" sont très demandés pour des nouveaux emplois émergents tels que des ingénieurs-managers", souligne Dan Evans, directeur des programmes à Audencia.

"Aujourd’hui, les entreprises s'attendent à ce que les étudiants soient opérationnels dès leur premier jour. Le double diplôme, en leur apportant des compétences et des connaissances précises dans le secteur qu'ils visent, les y aidera", ajoute Jean-François Fiorina.

De nouvelles exigences pour un marché du travail en pleine évolution. Désormais, les entreprises recherchent des individus à la fois spécialistes et généralistes, afin de répondre aux défis de l’évolution rapide des métiers.
Les compétences exigées sont amenées à se renouveler régulièrement : ce que l'on apprend actuellement en termes de comptabilité devrait, selon toute vraisemblance, évoluer d'ici à cinq ans.


Approfondir les "soft skills"


Les accords conclus avec des partenaires internationaux répondraient peut-être davantage à cette logique d’adaptation. Contrairement aux cursus français, ils n’ont pas pour objectif de spécialiser leurs élèves dans un domaine particulier.

Les étudiants en double diplôme dans une université ou école étrangère y suivent des matières proches de celles enseignées dans leur établissement d'origine : management, finance, marketing…
"Les élèves peuvent avoir intérêt à obtenir un double diplôme à l’international pour développer leurs capacités d'intégration et d'ouverture sur une nouvelle culture.

Cela leur permet de développer leurs 'soft skills', recherchées par les entreprises", relève Dan Evans.
Une opinion partagée par Sonia Campillo, en charge des relations internationales à l'EM Lyon :

"Les étudiants sont sensibilisés au mode de vie et à la culture d’un pays. Cela peut être une véritable valeur ajoutée dans une logique d’expatriation. Suivre un double diplôme dans une école ou une université étrangère permet d’accroître son employabilité dans ce pays."


Privilégier la qualité

Pour autant, la multiplication des doubles diplômes a-t-elle encore un sens ? "Il y a encore trois ou quatre ans, il existait dans les business schools une espèce de mode, voire même de surenchère autour du double diplôme", constate Nicolas Arnaud, directeur du programme grande école à Audencia, tout en reconnaissant que les écoles sont revenues depuis à des bases plus rationnelles.

De fait, la demande de doubles cursus des étudiants est souvent surestimée.

Si, à Audencia, 35 % des effectifs du programme grande école obtiennent un double diplôme, français ou international, leur part est généralement beaucoup plus faible dans les autres business schools.


"Les doubles diplômes attirent beaucoup d’élèves dans nos écoles, mais ils sont très peu nombreux à suivre ensuite un tel cursus", assure Thomas Allanic, directeur du programme grande école de l’ESCP Europe, qui rejoindra bientôt l’Inseec Business School.


Les écoles de management privilégient désormais la singularité de leur cursus.
Certaines structures n'hésitent pas à limiter le nombre d'inscrits :"Nous limitons le nombre d’inscrits – entre trois et quinze – dans chaque formation.

Cela crée de la rareté et permet ainsi aux diplômés de valoriser leur parcours auprès des employeurs", justifie Jean-François Fiorina.
Thomas Allanic, quant à lui, regrette que les doubles diplômes fassent de l'ombre aux autres formes d'apprentissage, et notamment aux certifications. "Il me paraît beaucoup plus censé de proposer des certifications aux étudiants, qui cherchent davantage l’expérience que le titre. Pour eux, ce qui compte, c'est d'avoir du contenu qui corresponde à leurs attentes." Double diplôme ou certification ? Le débat reste ouvert.

Eva Mignot | Publié le 22.03.2019 à 08H00


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