Du ring aux assises : un ancien champion de boxe jugé pour viols

Il avait décroché le titre ultime devant son public, à Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) en 2013. Sacré champion du monde de boxe française à 24 ans, Ozkan Kuyruk était devenu une gloire locale et un modèle d'intégration par le sport. Fils d'immigrés turcs, entraîné depuis toujours par ses oncles, le jeune espoir avait enchaîné les victoires pour finalement devenir la locomotive du club, l'un des plus réputés de France.

Mais la belle histoire cachait peut-être une face plus sombre. A partir de ce vendredi, Ozkan Kuyruk doit répondre devant la cour d'assises de six viols et de quatre agressions sexuelles commis sur des jeunes femmes entre 2010 et 2016. « Il ne nie pas être un dragueur, voire avoir été un peu lourd, mais il n'a jamais forcé personne. Il ne se reconnaît pas dans le portrait qu'on fait de lui et ne craint pas d'être confronté à ses accusatrices », prévient son avocate Me Eléonore Dupleix. Celle-ci compte toutefois demander le renvoi du procès, en raison du confinement et de la situation sanitaire, peu propices, selon elle, à la « sérénité des débats ». La question sera examinée à l'ouverture du procès.

As du chantage
Retiré de la compétition, marié et père d'un jeune enfant, Ozkan Kuryk bénéficie d'un contrat de la municipalité en tant qu'animateur sportif lorsque, en novembre 2015, une jeune femme dépose plainte contre lui. Elle raconte avoir été approchée pour être « ring girl » lors d'une compétition de boxe prévue quelques jours plus tard. Pour valider sa sélection, le jeune homme l'aurait attirée dans une chambre d'hôtel, avant de faire des photos d'elle en sous-vêtements, et de la contraindre à un rapport sexuel en la menaçant de diffuser les clichés. Placé en garde à vue, il est finalement relâché.

Mais, deux mois plus tard, une seconde plaignante se fait connaître. La veille, Ozkan Kuryk lui aurait proposé de la ramener en voiture à la sortie d'un bowling, alors qu'elle était ivre et s'était fâchée avec ses amis. Elle aurait été maintenue de force sur son siège et forcée à lui pratiquer une *********.

Faire «semblant d'aimer au moins»
Trahi par son ADN, les caméras de vidéosurveillance et des bleus sur la jeune femme, Ozkan Kuyruk se récrie. L'analyse de sa téléphonie va révéler que le même soir, il avait cherché à joindre de nombreuses escort girls, en vain. Mais il maintiendra que cette parfaite inconnue se serait jetée sur lui et que la première plaignante était en fait une prostituée, mécontente du tarif négocié. C'est alors que les enquêteurs vont exhumer une plainte datant de 2010, à l'époque classée sans suite.

La victime, une lycéenne de 17 ans, avait alors évoqué un harcèlement sur plusieurs mois et un chantage en règle, celle-ci lui ayant imprudemment envoyé des clichés d'elle nue. Sous couvert de régler la situation, elle aurait été violée dans une chambre d'hôtel en étant maintenue par la force. « Ce n'est qu'un mauvais moment à passer », lui aurait dit le jeune champion, regrettant qu'elle ne fasse « pas au moins semblant d'aimer », et obsédé par la taille de son sexe — petit, d'après d'autres plaignantes.

«Un sexe à la place du cerveau»
A la faveur de la médiatisation de l'affaire, une avalanche de témoignages va parvenir aux enquêteurs, dressant le portrait d'un véritable prédateur. Inconnues abordées dans la rue, employées de mairie, boxeuses… Outre son argumentaire rôdé autour des contrats de « ring girl », l'accusé aurait abusé de son statut de champion et d'une forme d'impunité dans le club dirigé par ses oncles. Il aurait ainsi multiplié les intrusions et les agressions dans les douches, où les adhérentes s'enfermaient en raison de sa réputation de « pervers », mais dont il détenait un double de clé.

« Il a un sexe à la place du cerveau », dira également un de ses collègues, fatigué de l'entendre évoquer ses prouesses. Au travail, tous évoquent un jeune homme devenu au fil des ans arrogant et vantard, multipliant les absences et les retards, mais protégé par la hiérarchie. L'examen de sa vie privée va également révéler des violences sur son épouse et des dettes abyssales en raison d'une addiction aux paris sportifs.

 
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