Installé dans un quartier résidentiel, à quelques rues de la gare de Villeneuve-Saint-Georges, dans la banlieue sud de Paris, le collège privé "Educactive" a célébré en toute discrétion sa première rentrée scolaire, en septembre. L'école vient d'être ouverte en France par le réseau de Fethullah Gülen, un penseur turc en vogue dans les cercles musulmans, à la tête d'une confrérie religieuse controversée, souvent accusée en Turquie de favoriser l'islamisation de la société. Déjà présentes dans toute l'Europe, depuis plusieurs années, les écoles de Gülen se sont appuyées sur la communauté franco-turque pour franchir le pas et s'implanter en France.
Le démarrage est modeste, avec 64 élèves et cinq classes pour commencer, mais le projet a de grandes ambitions. "L'objectif, c'est d'être le meilleur collège du département du Val-de-Marne, d'ici trois ans", affirme l'un de ses fondateurs, Nihat Sarier, 35 ans, qui a grandi à Strasbourg, dans une famille d'origine turque. "Mais il faut d'abord lutter contre les préjugés, explique-t-il. La première question qu'on nous pose, c'est : "Etes-vous une école turque ?" On répond que non, nous sommes une école française." Une école coranique ? "Non, un établissement laïque et républicain. Même l'inspection du travail nous a demandé pourquoi nous n'avions pas ouvert une école musulmane... Notre objectif est différent : nous voulons former de bons citoyens, pas promouvoir l'islam !" Educactive rejette toute démarche communautariste : "Il y a une cinquantaine d'élèves franco-turcs parce qu'ils nous connaissent, mais nous ne voulons pas nous limiter à cette cible", précise Necati Kertel, prof de technologie et président de l'association scolaire.
Avant de prendre forme en France, le concept a déjà fait ses preuves. Depuis une vingtaine d'années, des écoles bâties sur le même modèle ont essaimé partout dans le monde. Il en existerait aujourd'hui près de 2 000, réparties dans plus de 110 pays : du Chili au Japon en passant par Soweto, Oslo ou Astana. En Pologne, "notre lycée est devenu rapidement l'un des meilleurs du pays", note Salih Karakaya, un jeune professeur turc qui est parti y enseigner les mathématiques quelques années. En Afrique et en Asie, une nouvelle élite turcophile émerge de ces établissements, loués pour leur rigueur morale et la qualité de leur enseignement.
Ce réseau éducatif tentaculaire est la vitrine de la communauté musulmane de Fethullah Gülen, un imam et penseur turc âgé de 68 ans, exilé aux Etats-Unis depuis dix ans, dont l'influence ne cesse de s'étendre. Ses disciples seraient plusieurs millions, principalement en Turquie, et constituent "le réseau musulman le plus puissant du monde", selon la sociologue Nilüfer Göle, directrice de recherches à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. Une nébuleuse active dans l'éducation, dotée de solides appuis financiers et politiques et à la tête d'un véritable empire médiatique organisé autour du journal conservateur Zaman.
L'organisation est particulièrement bien implantée aux Etats-Unis, où elle compte des dizaines d'écoles et de fondations et entretient d'étroites relations avec des universités chrétiennes. Subventionnée par des mécènes aussi généreux que mystérieux, elle disposerait d'une puissance de frappe financière d'environ 25 milliards de dollars à travers le monde, selon un rapport de la justice américaine.
Qu'ils soient étudiants, professeurs, journalistes ou hommes d'affaires, les missionnaires "gülenistes" appliquent les préceptes de leur maître : spiritualité et exemplarité. Ces "jésuites de l'islam", qui érigent des écoles plutôt que des mosquées, forment la base d'un mouvement charismatique moderne qui prétend réconcilier la science et la religion et prône le dialogue interreligieux. Fethullah Gülen a montré l'exemple en rendant notamment visite au pape Jean Paul II, au Vatican, en 1998. Il fut également l'un des premiers, dans le monde musulman, à condamner sans appel les attentats du 11-Septembre.
Mais, en Turquie, son pays d'origine, Fethullah Gülen suscite la méfiance autant que l'admiration. Sous la pression de la justice turque, qui l'accusait, sur la base de sermons enregistrés dans une mosquée, de fomenter un complot islamiste contre le gouvernement de l'époque, le prêcheur a d'ailleurs préféré s'exiler en Pennsylvanie, en 1999. Les tribunaux turcs l'ont blanchi, en 2008, ouvrant la voie à son possible retour en Turquie. Ses écoles et son université installée dans la banlieue d'Istanbul connaissent un succès grandissant.
Le démarrage est modeste, avec 64 élèves et cinq classes pour commencer, mais le projet a de grandes ambitions. "L'objectif, c'est d'être le meilleur collège du département du Val-de-Marne, d'ici trois ans", affirme l'un de ses fondateurs, Nihat Sarier, 35 ans, qui a grandi à Strasbourg, dans une famille d'origine turque. "Mais il faut d'abord lutter contre les préjugés, explique-t-il. La première question qu'on nous pose, c'est : "Etes-vous une école turque ?" On répond que non, nous sommes une école française." Une école coranique ? "Non, un établissement laïque et républicain. Même l'inspection du travail nous a demandé pourquoi nous n'avions pas ouvert une école musulmane... Notre objectif est différent : nous voulons former de bons citoyens, pas promouvoir l'islam !" Educactive rejette toute démarche communautariste : "Il y a une cinquantaine d'élèves franco-turcs parce qu'ils nous connaissent, mais nous ne voulons pas nous limiter à cette cible", précise Necati Kertel, prof de technologie et président de l'association scolaire.
Avant de prendre forme en France, le concept a déjà fait ses preuves. Depuis une vingtaine d'années, des écoles bâties sur le même modèle ont essaimé partout dans le monde. Il en existerait aujourd'hui près de 2 000, réparties dans plus de 110 pays : du Chili au Japon en passant par Soweto, Oslo ou Astana. En Pologne, "notre lycée est devenu rapidement l'un des meilleurs du pays", note Salih Karakaya, un jeune professeur turc qui est parti y enseigner les mathématiques quelques années. En Afrique et en Asie, une nouvelle élite turcophile émerge de ces établissements, loués pour leur rigueur morale et la qualité de leur enseignement.
Ce réseau éducatif tentaculaire est la vitrine de la communauté musulmane de Fethullah Gülen, un imam et penseur turc âgé de 68 ans, exilé aux Etats-Unis depuis dix ans, dont l'influence ne cesse de s'étendre. Ses disciples seraient plusieurs millions, principalement en Turquie, et constituent "le réseau musulman le plus puissant du monde", selon la sociologue Nilüfer Göle, directrice de recherches à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. Une nébuleuse active dans l'éducation, dotée de solides appuis financiers et politiques et à la tête d'un véritable empire médiatique organisé autour du journal conservateur Zaman.
L'organisation est particulièrement bien implantée aux Etats-Unis, où elle compte des dizaines d'écoles et de fondations et entretient d'étroites relations avec des universités chrétiennes. Subventionnée par des mécènes aussi généreux que mystérieux, elle disposerait d'une puissance de frappe financière d'environ 25 milliards de dollars à travers le monde, selon un rapport de la justice américaine.
Qu'ils soient étudiants, professeurs, journalistes ou hommes d'affaires, les missionnaires "gülenistes" appliquent les préceptes de leur maître : spiritualité et exemplarité. Ces "jésuites de l'islam", qui érigent des écoles plutôt que des mosquées, forment la base d'un mouvement charismatique moderne qui prétend réconcilier la science et la religion et prône le dialogue interreligieux. Fethullah Gülen a montré l'exemple en rendant notamment visite au pape Jean Paul II, au Vatican, en 1998. Il fut également l'un des premiers, dans le monde musulman, à condamner sans appel les attentats du 11-Septembre.
Mais, en Turquie, son pays d'origine, Fethullah Gülen suscite la méfiance autant que l'admiration. Sous la pression de la justice turque, qui l'accusait, sur la base de sermons enregistrés dans une mosquée, de fomenter un complot islamiste contre le gouvernement de l'époque, le prêcheur a d'ailleurs préféré s'exiler en Pennsylvanie, en 1999. Les tribunaux turcs l'ont blanchi, en 2008, ouvrant la voie à son possible retour en Turquie. Ses écoles et son université installée dans la banlieue d'Istanbul connaissent un succès grandissant.