En octobre 2017, Alaa* déambule dans le centre-ville d'Amman lorsqu'il fait une découverte inattendue. «Deux hommes vendaient des tickets devant un vieux cinéma. J'ai insisté pour rentrer sans payer, je voulais juste voir l'intérieur.» L'étroit hall d'entrée est tapissé de vieilles affiches de films égyptiens. Il gravit trois étages avant d'atteindre la salle de cinéma, et tombe en plein milieu… d'un film pornographique. «J'ai ouvert la porte doucement pour ne pas déranger. Il faisait sombre, je ne voyais rien», raconte ce Jordanien d'une vingtaine d'années, fils d'un dignitaire religieux. «À l'écran, j'ai aperçu des scènes pornographiques. J'ai refermé la porte en vitesse. Et puis je l'ai rouverte, par curiosité.»
Alaa admet avoir déjà entendu parler de ces cinémas à l'université. «Certains jeunes disaient descendre en ville pour regarder des films pornos.» Mais il ne s'attendait pas à tomber dessus par hasard, dans une rue commerçante très fréquentée.
Devant le cinéma Raghadan, un passant se souvient, l'air gêné: «Certains cinémas passaient des films “sales” entre les films “propres”. Après l'arrivée du satellite [dans les foyers], les gens avaient besoin d'un “apéritif” pour se motiver à venir au cinéma.» «L'apéritif» devient rapidement le principal facteur d'attraction pour une jeunesse en quête d'expérience. «À 16 ans, j'y suis allé avec mon cousin. Tout le public était composé d'hommes, je dirais de classe moyenne ou ouvrière», se souvient Abu Michel*, un ingénieur trentenaire. «On regardait un film normal et au milieu du film, ils mettaient un film érotique, même pas un vrai porno.»
Avec le temps, ce type de contenu devient plus accessible en ligne et les cinémas moins lucratifs. En 2017, Asfour monte «The End», une exposition qui retrace leur fin. À cette époque, seuls trois cinémas fonctionnent encore et projettent du contenu pornographique.
Deux des cinémas d'Amman sont référencés sur le site Cruisingforsex, une plateforme américaine principalement utilisée par la communauté gay dans les années 1990-2000, qui recensait les lieux publics les plus appropriés pour le «cruising» –la recherche de partenaires sexuels. «Une chose que ces gens avaient en commun est qu'ils avaient besoin de relâcher leur tension sexuelle d'une façon ou d'une autre. Dans une société où les normes de genre sont si rigides et tellement conservatrices, il est logique que tant de monde soit à la recherche de quelque chose d'authentique», ajoute Laith.
www.slate.fr
Alaa admet avoir déjà entendu parler de ces cinémas à l'université. «Certains jeunes disaient descendre en ville pour regarder des films pornos.» Mais il ne s'attendait pas à tomber dessus par hasard, dans une rue commerçante très fréquentée.
Du cinéma grand public à la pornographie
De la quinzaine de cinémas du centre-ville, il ne reste que des immeubles fantômes et des affiches en lambeaux. «La plupart ont fermé dans les années 2000», explique Raed Asfour, le fondateur de Masrah Al Balad, un théâtre installé entre 2005 et 2017 dans le cinéma Al-Urdun, alors moribond. «Ils projetaient de vieux films et n'ont pu faire face à l'arrivée des DVD.» Le centre-ville se déclasse, des cinémas plus modernes ouvrent dans les beaux quartiers. Pour survivre, les cinémas qui projetaient jusqu'alors des classiques arabes et indiens se tournent vers la diffusion de films érotiques.Devant le cinéma Raghadan, un passant se souvient, l'air gêné: «Certains cinémas passaient des films “sales” entre les films “propres”. Après l'arrivée du satellite [dans les foyers], les gens avaient besoin d'un “apéritif” pour se motiver à venir au cinéma.» «L'apéritif» devient rapidement le principal facteur d'attraction pour une jeunesse en quête d'expérience. «À 16 ans, j'y suis allé avec mon cousin. Tout le public était composé d'hommes, je dirais de classe moyenne ou ouvrière», se souvient Abu Michel*, un ingénieur trentenaire. «On regardait un film normal et au milieu du film, ils mettaient un film érotique, même pas un vrai porno.»
Avec le temps, ce type de contenu devient plus accessible en ligne et les cinémas moins lucratifs. En 2017, Asfour monte «The End», une exposition qui retrace leur fin. À cette époque, seuls trois cinémas fonctionnent encore et projettent du contenu pornographique.
Des lieux de rencontres et d'accueil
Malgré leur lente agonie, les cinémas pornographiques d'Amman ont fait preuve d'une relative longévité. Il faut dire qu'ils représentaient un espace de rencontre subversif, longtemps irremplaçable. Laith*, qui s'identifie comme une personne queer, est adolescent lorsqu'il y pénètre pour la première fois, en 2002. «Je me souviens d'une pièce embrumée ou du vieux porno hétéro passait à l'écran. Il y avait des gens qui regardaient, des gens qui se masturbaient et des gens qui baisaient. C'était un espace relativement safe pour des interactions sexuelles entre hommes», raconte-t-il.Deux des cinémas d'Amman sont référencés sur le site Cruisingforsex, une plateforme américaine principalement utilisée par la communauté gay dans les années 1990-2000, qui recensait les lieux publics les plus appropriés pour le «cruising» –la recherche de partenaires sexuels. «Une chose que ces gens avaient en commun est qu'ils avaient besoin de relâcher leur tension sexuelle d'une façon ou d'une autre. Dans une société où les normes de genre sont si rigides et tellement conservatrices, il est logique que tant de monde soit à la recherche de quelque chose d'authentique», ajoute Laith.

En Jordanie, les cinémas pornographiques à l'épreuve du Covid-19
Ces salles obscures ne survivront peut-être pas à la crise du coronavirus. Mais quel est le secret de leur longévité dans un pays où culture et loi…