Entretien avec neila tazi, directrice et productrice du festival gnaoua et musiques du monde

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
ALM : Le festival fête sa 22ème édition, pour vous qu’est-ce que cela représente ? Une victoire ? Un pari gagné ?

Neila Tazi : C’est l’espoir de pouvoir réaliser un projet qui porte une effervescence populaire et qui est porté par la conviction qu’ensemble on peut construire beaucoup de choses. Parce que lorsque nous avons créé ce festival autour des Gnaoua dans la ville d’Essaouira, vous imaginez ce que c’était il y a 22 ans. Peu de gens ont cru à ce projet. Heureusement qu’il y en a eu quelques-uns et que le nombre de personnes qui soutiennent et qui adhèrent au festival augmente chaque année, ce qui fait la pertinence de ce que nous faisons ici. C’est un sentiment de joie et de bonheur de voir que ce festival est de plus en plus soutenu par le public et les journalistes.

Le festival est porté par le public. Pensez-vous que cela est suffisant pour continuer à faire perdurer cet événement ?

Ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est de dire que nous avons aussi besoin d’un nouvel élan de la part des pouvoirs publics, de la part des institutions pour que soit prise en compte la pleine mesure du succès et de la beauté de ce qui se passe ici. C’est plus qu’un festival. C’est un récit marocain. C’est un phénomène culturel. Il faut, comme le disent beaucoup de participants, venir au Festival Gnaoua et musiques du monde pour comprendre.

Qu’est-ce qui fait la réussite de ce festival, est-ce que c’est l’universalité du son gnaoui, les messages qu’il véhicule ou bien tout cela à la fois ?

C’est vraiment tout cela à la fois. Ce qui fait la force de ce festival c’est que c’est un évènement populaire. C’est un festival qui a au cœur de ses préoccupations la liberté, l’égalité, la capacité de chacun de trouver sa place et la capacité de chacun d’exprimer son opinion. On peut être d’accord ou ne pas l’être mais on a le droit de s’exprimer. Ce qui fait la réussite de ce festival c’est aussi la capacité de chacun de venir accéder à une même offre culturelle. Ces notions sont importantes pour nous. Nous en avons tous besoin et en particulier au Maroc par ces temps compliqués. Nous avons besoin d’espaces, de retrouvailles, de liberté de débat, pour oxygéner la société. Ces débats sont salutaires. Ils sont nécessaires car la culture est nécessaire. La culture est la voie de l’impossible vers plus de progrès.

Justement on le voit partout ailleurs, la culture prend le dessus. C’est un vecteur de croissance et de rendement pour certains pays. Pensez-vous que le Maroc fait assez pour la promotion de sa culture dans le monde ?

Je pense que le Maroc le fait mais d’une manière dispersée. A la tête du ministère de la culture, il y a un homme qui a de la volonté. Je tiens d’ailleurs à le remercier parce qu’il a porté le dossier des Gnaoua au patrimoine mondial de l’Unesco qui sera décidé en décembre. Cette année, le festival est soutenu beaucoup plus par le ministère de la culture. Nous avons aussi besoin de plus de mobilisation du secteur privé. Quand je parle du ministère de la culture, je parle aussi des pouvoirs publics en général. Je pense en tant que présidente de la Fédération des industries culturelles et en tant que productrice de ce festival depuis 22 ans que nous avons besoin d’une volonté politique à la tête du gouvernement. Il y a une vraie volonté politique à la tête de l’Etat. Sa Majesté est très attaché à la question culturelle parce qu’elle a cette dimension universelle et qu’elle constitue un formidable élan pour la jeunesse. Cette volonté qui vient du peuple et de Sa Majesté devra être beaucoup plus portée à l’échelle du gouvernement de manière transversale par le chef de gouvernement qui doit tracer une vision à ce sujet. La culture c’est ce qu’il y a de meilleur en nous et c’est ce qui nous rapproche. C’est ce qui nous donne de la force.

 
Haut