Exécutif des Musulmans de Belgique : surréalisme à la belge ?
Voici quelques jours, le Ministre de la Justice a fait une sortie remarquée sur l’Exécutif des musulmans de Belgique (l'EMB), l'organe représentatif du culte musulman, en appelant en quelque sorte à faire tabula rasa. Aurait-il été trop vite?

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Une carte blanche de Jean-François Husson, fondateur de l'Observatoire des Relations Administratives entre les Cultes, la Laïcité organisée et l’Etat (Oracle – Craig). Il s’exprime ici à titre personnel.
L’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) est l’organe représentatif du culte islamique en Belgique.A ce titre, ce n’est pas une instance théologique mais un organe essentiellement administratif, interlocuteur des pouvoirs publics pour les dossiers relatifs « au temporel » des cultes, c'est-à-dire principalement les mosquées (reconnues), les imams (des mosquées reconnues), les aumôniers et les cours de religion islamique dans l’enseignement officiel.
Voici quelques jours, le Ministre de la Justice – compétent pour les matières restées fédérales liées aux cultes et aux organisations philosophiques – a fait une sortie remarquée sur l’EMB en appelant en quelque sorte à faire tabula rasa et en donnant les orientations qu’il conviendrait que l’organe appelé à lui succéder prenne.
Il est d’abord surprenant que cette sortie n’ait pas été précédée d’une rencontre avec les représentants de l’Exécutif, pour faire le point quant aux développements récents et, le cas échéant, les interpeller quant à sa vision des choses.
Il est également surprenant que le Ministre remette ainsi en question un système de désignation de l’Exécutif, certes critiquable, mais ayant reçu l’appui complet de sa collègue de parti, la Ministre Turtelboom, en 2014.
Celle-ci avait accepté la proposition de renouvellement émanant d’un ensemble d’organisations « coupoles » dont la très turque Diyanet de Belgique et le Rassemblement des Musulmans de Belgique, plus proche de la sensibilité marocaine.
Cette procédure, certes problématique (notamment par une forte représentation de mosquées non reconnues, voire ne voulant pas être reconnues), était toutefois perfectible dans un sens de plus grande transparence et de plus grande participation.
Une histoire émaillée d’accusations dégonflées
Une condition de reconnaissance d’un culte étant de ne pas présenter de danger pour l’ordre public, il est légitime que les responsables politiques soient attentifs aux orientations des communautés religieuses et philosophiques.
Soulignons toutefois que le pouvoir politique se doit de respecter une non-ingérence réciproque entre l’Etat et les cultes.
Quant aux ingérences étrangères dans l’islam en Belgique, soyons clairs : elles sont manifestes (et, d’ailleurs, le culte islamique n’est pas le seul concerné).
Elles se traduisent notamment par la prise en charge d’imams par des instances ou gouvernements étrangers, des financements directs ou des aides en nature à des communautés locales et à des associations, etc.
Certaines relèvent de l’attachement aux traditions et pays d’origine, d’autres sont plus problématiques, voire inadmissibles.
Remarquons que la position des autorités belges en la matière n’a pas toujours été des plus limpides, comme l’attestent notamment leurs divers contacts dans le passé avec les autorités des pays « d’origine ».
Dans ce cadre, il est regrettable que les allégations de collaboration entre le vice-président sortant de l’EMB et l’Etat marocain ne soient pas précisées afin de pouvoir être vérifiées et de permettre à ce dernier de se défendre ; l’histoire de l’EMB est hélas émaillée d’accusations dont bon nombre se sont ensuite dégonflées, ce qui appellerait ici à la prudence dans l’expression et à la plus grande rigueur dans l’analyse des faits.
De même, il apparaît paradoxal qu’un des principaux acteurs ayant cherché à limiter ces ingérences étrangères – notamment dans le cadre de projets de formation des imams – soit aujourd’hui la cible des propos ministériels.
Des avancées importantes
Le Ministre Van Quickenborne veut également une présence féminine accrue au sein de l’EMB.Pour ma part, je suis on ne peut plus favorable à la présence des femmes dans tous les organes représentatifs, où elles sont beaucoup trop rares.