Chahyine
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Fausses couches : des blessures silencieuses
De plus en plus fréquentes, ces grossesses accidentellement interrompues laissent parfois des traces indélébiles, qui peuvent perturber l'ensemble de la famille
Quand, lors de la première échographie, le gynécologue lui a dit quil nentendait pas de rythme cardiaque, que la grossesse sétait sans doute arrêtée, Caroline, 31 ans, a accusé le coup : «Je nai pas réalisé tout de suite ce que cela signifiait. Puis, tout ce que je métais imaginé, cette nouvelle vie à venir avec le bébé, sest brutalement écroulé comme un château de cartes, et un immense sentiment de solitude ma envahie. Je nétais pas préparée à cette éventualité et personne ne mavait dit que cétait aussi fréquent.»
Pourtant, quand elle a commencé à se confier à des proches, Caroline sest vite rendu compte que plusieurs femmes dans son entourage, notamment sa mère, avaient vécu la même chose mais quelles nen avaient jamais parlé.
Nombreuses sont les femmes qui subissent, au cours de leur vie, une interruption accidentelle de grossesse : on estime à près de 200.000 par an le nombre de fausses couches en France. Un chiffre en sensible augmentation depuis dix ans, du fait que les femmes entreprennent des grossesses de plus en plus tard. Pourtant, le sujet reste souvent tabou : «Il règne une sorte de loi du silence», affirme le psychiatre et pédopsychiatre Stéphane Clerget. Auteur dun livre intitulé Quel âge aurait-il aujourdhui ? (1), il a constaté que, si la souffrance nest heureusement pas systématique, ces grossesses interrompues peuvent causer une grande douleur, qui ne trouve pas toujours de lieu pour sexprimer.
«Venues consulter pour un autre enfant, certaines mères me confient quelles ont fait une fausse couche, parfois cinq ou dix ans plus tôt, et fondent en larmes. Même sil nest plus dans leur ventre, ce bébé est encore dans leur tête et dans leur cur. Il y a une espèce de compteur interne qui fait que lenfant continue de grandir en elle», explique Stéphane Clerget.
De nos jours, les fausses couches seraient même plus mal vécues que par le passé : les progrès de limagerie médicale permettent une personnalisation précoce du ftus, impensable jusquici, et la réduction du nombre denfants fait de la grossesse un événement rare, programmé des mois, voire des années à lavance. La déception des femmes est à la hauteur de cette illusion du contrôle total de leur maternité.
Une perte trop souvent banalisée
«À peine elles arrêtent leur contraception, elles investissent la grossesse. Or, certaines vont faire plusieurs fausses couches avant den mener une à terme, cela peut-être très lourd affectivement: elles perdent complètement confiance en elles», souligne la gynécologue-obstétricienne Véronique Lejeune, ancienne responsable de la consultation spécialisée dans les fausses couches à répétition à lhôpital Saint-Antoine, à Paris. Selon elle, laccompagnement psychologique de ces femmes est aussi important que la recherche des causes physiologiques et dun traitement médical adapté.
Cette perte est dautant plus douloureuse quelle est souvent banalisée par les médecins, notamment dans les urgences des hôpitaux, et sous-estimée par lentourage. «Tu es jeune, tu en feras dautres», «Fais-en vite un autre, tu oublieras» Même si elles sont parfois pleines de bon sens, ces petites phrases, souvent entendues, ne sont pas dun grand secours, car elles ont généralement pour but de clore la discussion et noffrent pas aux femmes endeuillées la possibilité de libérer leur parole et de déposer leur fardeau en témoignant de leur chagrin.
Certaines réflexions des proches ravivent même involontairement la culpabilité éprouvée par la plupart dentre elles : «Ma mère ma dit que jen avais peut-être trop fait, que je travaillais beaucoup Cest comme si elle suggérait que jétais responsable de mon sort!», semporte Agnès, 35 ans, aujourdhui maman de deux jumelles de cinq ans.
«Tiraillées entre la culpabilité et un fort sentiment déchec, et même parfois de honte, certaines femmes se sentent épouvantablement seules», observe Valérie Boulanger, consultante sur le site sosbebe.org, une association qui vient en aide aux femmes en difficulté avec la grossesse. Aussi, reprochent-elles souvent à leur conjoint de ne pas comprendre ce quelles vivent, de faire comme si de rien nétait, de vouloir trop vite mettre en route un autre bébé
«Mais il est difficile pour un homme de se mettre à leur place, poursuit Valérie Boulanger. Il est déboussolé par cette détresse devant laquelle il se sent impuissant. Sans oublier quil peut lui-même se sentir atteint dans sa responsabilité, dans sa virilité.» Cette incompréhension mutuelle peut provoquer une période de tensions dans le couple, et parfois le mettre en péril.
De plus en plus fréquentes, ces grossesses accidentellement interrompues laissent parfois des traces indélébiles, qui peuvent perturber l'ensemble de la famille
Quand, lors de la première échographie, le gynécologue lui a dit quil nentendait pas de rythme cardiaque, que la grossesse sétait sans doute arrêtée, Caroline, 31 ans, a accusé le coup : «Je nai pas réalisé tout de suite ce que cela signifiait. Puis, tout ce que je métais imaginé, cette nouvelle vie à venir avec le bébé, sest brutalement écroulé comme un château de cartes, et un immense sentiment de solitude ma envahie. Je nétais pas préparée à cette éventualité et personne ne mavait dit que cétait aussi fréquent.»
Pourtant, quand elle a commencé à se confier à des proches, Caroline sest vite rendu compte que plusieurs femmes dans son entourage, notamment sa mère, avaient vécu la même chose mais quelles nen avaient jamais parlé.
Nombreuses sont les femmes qui subissent, au cours de leur vie, une interruption accidentelle de grossesse : on estime à près de 200.000 par an le nombre de fausses couches en France. Un chiffre en sensible augmentation depuis dix ans, du fait que les femmes entreprennent des grossesses de plus en plus tard. Pourtant, le sujet reste souvent tabou : «Il règne une sorte de loi du silence», affirme le psychiatre et pédopsychiatre Stéphane Clerget. Auteur dun livre intitulé Quel âge aurait-il aujourdhui ? (1), il a constaté que, si la souffrance nest heureusement pas systématique, ces grossesses interrompues peuvent causer une grande douleur, qui ne trouve pas toujours de lieu pour sexprimer.
«Venues consulter pour un autre enfant, certaines mères me confient quelles ont fait une fausse couche, parfois cinq ou dix ans plus tôt, et fondent en larmes. Même sil nest plus dans leur ventre, ce bébé est encore dans leur tête et dans leur cur. Il y a une espèce de compteur interne qui fait que lenfant continue de grandir en elle», explique Stéphane Clerget.
De nos jours, les fausses couches seraient même plus mal vécues que par le passé : les progrès de limagerie médicale permettent une personnalisation précoce du ftus, impensable jusquici, et la réduction du nombre denfants fait de la grossesse un événement rare, programmé des mois, voire des années à lavance. La déception des femmes est à la hauteur de cette illusion du contrôle total de leur maternité.
Une perte trop souvent banalisée
«À peine elles arrêtent leur contraception, elles investissent la grossesse. Or, certaines vont faire plusieurs fausses couches avant den mener une à terme, cela peut-être très lourd affectivement: elles perdent complètement confiance en elles», souligne la gynécologue-obstétricienne Véronique Lejeune, ancienne responsable de la consultation spécialisée dans les fausses couches à répétition à lhôpital Saint-Antoine, à Paris. Selon elle, laccompagnement psychologique de ces femmes est aussi important que la recherche des causes physiologiques et dun traitement médical adapté.
Cette perte est dautant plus douloureuse quelle est souvent banalisée par les médecins, notamment dans les urgences des hôpitaux, et sous-estimée par lentourage. «Tu es jeune, tu en feras dautres», «Fais-en vite un autre, tu oublieras» Même si elles sont parfois pleines de bon sens, ces petites phrases, souvent entendues, ne sont pas dun grand secours, car elles ont généralement pour but de clore la discussion et noffrent pas aux femmes endeuillées la possibilité de libérer leur parole et de déposer leur fardeau en témoignant de leur chagrin.
Certaines réflexions des proches ravivent même involontairement la culpabilité éprouvée par la plupart dentre elles : «Ma mère ma dit que jen avais peut-être trop fait, que je travaillais beaucoup Cest comme si elle suggérait que jétais responsable de mon sort!», semporte Agnès, 35 ans, aujourdhui maman de deux jumelles de cinq ans.
«Tiraillées entre la culpabilité et un fort sentiment déchec, et même parfois de honte, certaines femmes se sentent épouvantablement seules», observe Valérie Boulanger, consultante sur le site sosbebe.org, une association qui vient en aide aux femmes en difficulté avec la grossesse. Aussi, reprochent-elles souvent à leur conjoint de ne pas comprendre ce quelles vivent, de faire comme si de rien nétait, de vouloir trop vite mettre en route un autre bébé
«Mais il est difficile pour un homme de se mettre à leur place, poursuit Valérie Boulanger. Il est déboussolé par cette détresse devant laquelle il se sent impuissant. Sans oublier quil peut lui-même se sentir atteint dans sa responsabilité, dans sa virilité.» Cette incompréhension mutuelle peut provoquer une période de tensions dans le couple, et parfois le mettre en péril.