Festival de Cannes 2023 : "Les Filles d'Olfa", docu-fiction tunisien original et sensible sur une famille bouleversée par Daesh

Globul

Bladinaute averti
Premier film tunisien en compétition à Cannes depuis 1970, Les Filles d'Olfa, de la réalisatrice Kaouther Ben Hania, témoigne de la vivacité d'un cinéma qui fête cette année ses cent ans. Un anniversaire qui tombe bien pour cette première sélection de la cinéaste à Cannes. Elle aborde le sujet de l'engagement de deux jeunes femmes au sein du groupe islamiste Daesh, qui va bouleverser une famille monoparentale unie, au sein de la Tunisie post-Ben Ali.

Catharsis​

Mère de quatre filles en Tunisie, Olfa voit ses deux aînées disparaître suite à leur ralliement au groupe islamiste Daesh en Libye. La réalisatrice Kaouther Ben Hania lui propose de faire appel à deux actrices pour évoquer leur histoire dans une reconstitution aux côtés de ses deux filles cadettes restées au foyer. S'installe alors un dispositif hors du commun, où le manque le dispute à la rébellion et à l'espoir, en interrogeant une société tunisienne partagée entre islam et laïcité.
Les Filles d'Olfa s’ouvre sur la présentation des deux comédiennes à Olfa et à ses filles. Tout de suite, une reconnaissance se fait jour, tant dans le regard de cette mère bouleversée, que dans celui de ses enfants restés auprès d'elle. D’emblée une catharsis se met en place, et l’objectif que s’est fixé la réalisatrice Kaouther Ben Hania de faire de l’acte filmique une thérapie, voire un salut, prend corps. A son sixième long métrage, elle démontre de plus un art du cadre et des harmonies colorées d’une élégance et d'une beauté plastique remarquables.

Acte réactionnaire​


Olfa commence son récit par celui de sa nuit de noce avec un homme machiste et violent, qu’elle va vite remettre à sa place lors d’un épisode savoureux. Femme forte et intelligente, insoumise, Olfa ne se laisse pas mener par le bout du nez, et saura s’imposer avec un bon sens et une dextérité inflexibles, tout en restant dans le cadre des bonnes mœurs et de la morale de la société tunisienne qui lui tiennent à cœur.
Elle est soutenue par ses quatre filles qui dénoncent par ailleurs les actes délictueux à leur égard, commis par tous ces hommes avec lesquels Olfa a tenté de faire sa vie. Jusqu’au printemps arabe de 2011, avec son souffle démocratique, mais qui se retournera contre lui avec l’émergence de groupes extrémistes, comme Daesh, l’Etat Islamiste.
Kaouther Ben Hania capte les motivations des deux aînées qui vont rallier Daesh, dans leur démarche réactionnaire face à l’esprit démocratique et laïque du printemps qui s'installe. C'est à leurs yeux un acte de rébellion. Il s’effectue d’abord par le port du niqab (voile intégral) comme signe d’indiscipline et fédérateur pour leur cause.
Puis c’est leur disparition à jamais de la cellule familiale, médiatisée à la télévision tunisienne, et le mariage à un imam intégriste, qui gravera dans le marbre leur ralliement à Daesh, encore douloureux aujourd'hui pour Olfa et ses cadettes. Kaouther Ben Hania réussit un film, et une démonstration éloquente, qui ne devrait pas laisser insensible le jury cannois, dont le verdict est attendu le samedi 26 mai.

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