Festival de Cannes 2025 : les talents arabes à l’honneur, entre consécrations, hommages et émergences !

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اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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La 78e édition du Festival de Cannes s’est achevée sur une pluie d’émotions pour le monde arabe. Acteurs, réalisateurs et œuvres issus d’Algérie, du Maroc et de Tunisie ont marqué cette édition, sans oublier l’hommage appuyé à une légende du cinéma algérien.
Deux artistes franco-algériennes ont bouleversé la Croisette. La jeune Nadia Melliti, âgée de 23 ans, a remporté le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans La Petite dernière, un film signé Hafsia Herzi.

Cette œuvre, projetée en compétition officielle, marque les débuts de Nadia Melliti à l’écran. Ancienne joueuse de football en deuxième division, elle n’avait jamais tourné auparavant. Choisie lors d’un casting, elle incarne avec force Fatima, une jeune femme en quête de soi. Une révélation saluée par la critique.

La réalisatrice Hafsia Herzi, elle aussi d’origine algérienne, signe son troisième long-métrage, mais ais c’est le premier à entrer en compétition. Elle y dresse un portrait intime, touchant et social, qui lui vaut une reconnaissance élargie sur la scène internationale.

Au-delà de cette jeune génération, Cannes a également honoré un géant disparu : Mohamed Lakhdar-Hamina. Le cinéaste algérien s’est éteint à l’âge de 95 ans, à Alger. Il demeure à ce jour le seul Arabe et Africain à avoir décroché la Palme d’Or, en 1975, pour Chronique des années de braise. Ce chef-d’œuvre, projeté cette année en version restaurée dans la section Cannes Classics, avait révélé au monde la souffrance du peuple algérien face à la colonisation.
 
Maroc : l’engagement de Randa Maroufi primé

Le Maroc était représenté par une voix forte et singulière : celle de Randa Maroufi. Son court métrage L’Mina, présenté dans le cadre de la Semaine de la Critique, a reçu le Prix Découverte Leitz Cine. Ce film, hybride entre fiction et documentaire, explore le quotidien dangereux des mineurs clandestins à Jerada, dans l’est du pays.

Depuis la fin officielle de l’exploitation du charbon en 2001, des dizaines de jeunes continuent de descendre dans les galeries abandonnées, souvent au péril de leur vie. Randa Maroufi, née à Casablanca en 1987 et formée entre le Maroc et la France, met en lumière une réalité sociale étouffée par le silence des autorités.

Son œuvre s’inscrit dans une démarche artistique exigeante, où l’image interroge la frontière entre mise en scène et vérité. Elle poursuit ici le sillon entamé avec Bab Sebta ou Stand By Office, mêlant esthétique et dénonciation.

Tunisie : Erige Sehiri, la voix des femmes en exil

Du côté tunisien, c’est la réalisatrice franco-tunisienne Erige Sehiri qui a retenu l’attention avec Promis le ciel, présenté dans la section Un certain regard. Le film suit le destin de trois femmes : une pasteure, une étudiante, et une mère déracinée. Elles croisent la route de Kenza, une enfant de 4 ans, rescapée d’un naufrage.

À travers cette fiction, Erige Sehiri interroge l’exil, la solidarité féminine et le deuil, sur fond de tragédie migratoire. Un film fort, qui confirme la place croissante des femmes tunisiennes dans le cinéma engagé.
 
Égypte : deux films entre douleur intime et regard social

L’Égypte, bien qu’absente du palmarès, a été présente avec deux œuvres projetées en marge de la compétition officielle. Le premier, Aisha Can’t Fly Away de Morad Mostafa, dresse le portrait bouleversant d’une aide-soignante somalienne installée au Caire. Le film explore les défis quotidiens d’une migrante invisible, évoluant dans les marges d’une société hiérarchisée.

Le second, La vie après Siham, réalisé par Namir Abdel Messeeh, est un documentaire personnel sur la perte d’un être cher et la quête d’identité. Il interroge, à travers le deuil, la mémoire familiale et les racines. Deux regards différents, mais un même point commun : la volonté de donner voix à des récits souvent tus.

Iran : une Palme d’Or comme cri de liberté

Le grand gagnant du Festival de Cannes 2025 est le cinéaste iranien Jafar Panahi. Il décroche la Palme d’Or pour Un simple accident, une œuvre tournée clandestinement à Téhéran. Dans ce film, il suit des anciens détenus embarqués dans une camionnette, confrontés à l’homme qui les a torturés.

Dans cette fable tragique, teintée d’ironie et de poésie, Jafar Panahi interroge la justice, le pardon, la mémoire. À travers cette allégorie poignante, il questionne : « Comment rester humain ? » Le réalisateur a dédié sa projection à « tous les artistes iraniens qui ont dû quitter l’Iran ».

Déjà récompensé en 2018 à Cannes pour Trois visages, Jafar Panahi confirme ici la puissance de son cinéma, à la fois politique et profondément universel.
 
Afrique subsaharienne : des signes d’espoir, malgré l’absence de prix majeurs

Si aucun prix majeur n’a été attribué à des cinéastes d’Afrique subsaharienne cette année, plusieurs œuvres ont néanmoins marqué les esprits.

Le Nigérian Akinola Davies Jr. a présenté My Father’s Shadow dans la section Un certain regard. Ce film, le premier du Nigeria à être sélectionné à Cannes, a reçu une mention spéciale de la Caméra d’Or. Il suit un père et ses fils dans le Lagos des années 1990, après l’élection annulée de 1993. Un récit intime mêlé à une fresque politique, salué pour sa maturité.

« Entrer dans la compétition pour la première fois montre que le cinéma nigérian a atteint sa maturité », a déclaré le Prince Baba Agba, conseiller culturel de la présidence. Il a aussi rappelé les obstacles rencontrés dans le pays, notamment technologiques, les films étant souvent visionnés sur téléphone.

L’Éthiopien Beza Hailu Lemma a, quant à lui, remporté le prix Next Step pour The Last Tears of the Deceased. Dans ce projet, il suit un jeune prêtre orthodoxe en quête de réponses sur sa propre mort. Un voyage mystique qui questionne la foi et les contradictions de la tradition religieuse en Éthiopie.

Enfin, le Cameroun était représenté par Thomas Ngijol, humoriste et acteur, qui présentait Indomptables. Il y incarne un commissaire enquêtant sur un meurtre à Yaoundé. Un polar africain à la croisée du thriller et du film social.

Une édition marquée par l’engagement et la mémoire

Le Festival de Cannes 2025 s’achève sur un constat clair : les artistes arabes, français et africains ont porté haut les couleurs d’un cinéma exigeant, souvent politique, toujours habité par une quête de vérité.

Qu’il s’agisse des performances bouleversantes de Nadia Melliti, de l’hommage à Mohamed Lakhdar-Hamina, ou des récits poignants venus d’Iran, du Maroc, de Tunisie ou du Nigeria, une même force s’en dégage : celle de l’image au service de l’humain.

Malgré l’absence de certaines récompenses symboliques, cette 78e édition confirme que le cinéma français, arabe et africain, dans sa diversité, est aujourd’hui une voix essentielle sur la scène mondiale.
 
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