La «mobilisation partielle» en Russie: entre désorganisation et contestation
Les convocations ont vite été envoyées pour 300.000 réservistes. Mais l’oukase du Kremlin s’accompagne de problèmes d’organisation. Et, un peu partout à travers le pays, la colère gronde.
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De plus en plus de russes de servir de chair à canon pour satisfaire les délires conquérants du fou du kremlin.
« On sait très bien ce que “partiel” signifie : ils ont posé des règles pour la conscription mais, comme d’habitude dans notre pays, l’application vire au chaos. Du coup, chacun peut se retrouver mobilisé. Je ne veux pas participer à cette guerre. Mais je ne veux pas non plus laisser femme et travail derrière moi. Dilemme… », soupire Arsenï. Après avoir surfé tout le week-end sur internet à la recherche de vols et donc d’exils possibles vers l’Asie centrale, il a préféré demeurer en famille à Moscou. Et se fier au document que son employeur lui a promis pour être exempté.
Dans les bureaux d’enrôlement, de nombreux hommes se sont vus refuser des preuves de travail ou des certificats médicaux. A la place, un autre dilemme : soit départ immédiat pour un centre d’entraînement avant l’envoi au front, soit refus et poursuites judiciaires pour désertion avec désormais des peines jusqu’à dix ans de prison. « Aucun papier ne nous protégera. La mobilisation va vite virer de partielle à générale. Il est temps pour moi de partir », confie au contraire Piotr. Depuis quatre jours, sa femme s’épuise à faire le tour des bureaux et médecins en quête d’un salvateur papier. Mais Piotr a pris sa décision : malgré les résistances de son épouse, malgré les problèmes de transport et les longues files d’attente à la frontière, il ira en Géorgie. Seul. « Je ne veux pas être envoyé à tuer des Ukrainiens », prévient-il.
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Une contestation plus profonde
Décrétée par le Kremlin, l’organisation de l’enrôlement a été confiée aux régions. A Moscou, comme pendant la crise du covid marquée par de nombreuses désorganisations locales, les responsables ont été vite trouvés : les gouverneurs régionaux. « Certains jugent, semble-t-il, qu’il est plus important de présenter leur rapport rapidement que de remplir correctement une mission importante pour l’Etat. De tels excès sont absolument inacceptables », a sèchement dénoncé la présidente de la chambre haute du Parlement, Valentina Matvienko. « Cessez de commettre des erreurs », a-t-elle ordonné. Quant au ministère de la Défense, critiqué pour ses errements organisationnels depuis les récentes victoires militaires ukrainiennes, il a annoncé le remplacement du plus haut gradé chargé des questions logistiques.Mais, au-delà des problèmes concrets, la contestation se fait plus profonde. Au Daguestan, l’une des régions du sud ayant déjà la plus forte proportion d’hommes tués au combat en Ukraine, une centaine de personnes ont été interpellées dimanche lors d’une manifestation contre la mobilisation. « Pourquoi nous prendre nos enfants ? », criaient des mères alors que le Kremlin est soupçonné de mobiliser en priorité des hommes venant des régions reculées et pauvres. En Sibérie, dans le centre d’enrôlement d’Oust-Ilims, un homme a ouvert le feu lundi. A travers la Russie, plusieurs bureaux de conscription ont été attaqués. A Riazan, ville à moins de 200 km au sud-est de Moscou, un homme a tenté de s’immoler par le feu dans une gare routière. Il a crié qu’il ne voulait pas se battre en Ukraine.