Le débat politique français s'enlise de temps en temps dans la question de la colonisation. Disons-le une bonne fois pour toute: en tant qu'ex-colonisés, nous n'avons rien à faire des excuses ni des réparations. Nous voulons parler de croissance, d'innovation et de droits de l'homme (et de la femme). En 2017, les jeunes Marocains meurent sous l'effet des psychotropes et du désespoir. De ce côté-ci de la Méditerranée, personne ne se souvient plus de la colonisation. Nous avons d'autres chats à fouetter. Si on veut nous rendre service, qu'on nous aide à lutter contre notre meilleur ennemi, c'est-à-dire nous-mêmes.
La colonisation, son étude et son interprétation, est un problème d'historiens. S'ils font leur travail honnêtement (et sans chercher leurs ordres chez les politiques), ils verront que le bilan de la colonisation en Afrique du Nord est plus que nuancé. À ce titre, je conseille la lecture de "Chère Algérie", un ouvrage de Jacques Marseille qui démontre que la colonisation a été plutôt une mauvaise affaire pour les Français ("Chère Algérie : La France et sa colonie", Flammarion, 2005).
En tant que Marocain donc fils et petit-fils de colonisés, je peux témoigner de deux choses très concrètes. Mon grand-père a participé aux côtés de la France à la guerre contre Hitler. Il a débarqué en Provence en 1944 et a été fait prisonnier par les nazis. Il n'a jamais critiqué le Protectorat, ni accusé la France des maux du Maroc. Il était fier d'avoir combattu le Fascisme et de s'être comporté en homme dans des circonstances exceptionnelles. Plus tard, mon père a été littéralement sauvé de la misère par la France grâce à l'école de la République. Sans argent, sans relation, mon père a été repéré par son maître d'école (un officier français) qui a convaincu mes grands-parents de laisser le petit Harazem quitter son village de la région de Séfrou pour poursuivre ses études au Lycée Mangin de Marrakech. C'était en 1950. Peu après, mon père a été pris en charge par l'Armée de l'Air (base d'Auxerre) où il est devenu ingénieur en électronique. Sans la France et son armée, mon père aurait été un paysan marocain de plus, écrasé par la misère et l'ignorance.
Si les Berbères d'Afrique du Nord se mettaient à accuser les Arabes de les avoir conquis et soumis au VIIe et VIIIe siècle, ils auraient raison sur le fond. Ce que nous appelons le Fath Islamique n'est rien d'autre qu'une conquête sanglante qui a débouché sur la marginalisation progressive des premiers habitants du Maghreb, de la Libye au Maroc. Chassés de leurs territoires historiques, les Berbères se sont repliés sur les régions les plus escarpées comme la Kabylie ou l'Atlas marocain. Si les mouvements berbéristes décidaient de réclamer des excuses aux Arabes, ce serait la fin de la coexistence et du métissage pacifiques qui caractérisent un pays comme le Maroc. Imaginez l'ambiance à Agadir ou Al Hoceima!
L'argument de la repentance ne tient pas. Rien n'empêche les Maliens et les Sénégalais d'exiger des dirigeants du Maroc actuel de demander pardon pour les conquêtes des Saadiens au XVIe siècle. Ils seraient parfaitement en droit de nous demander réparation pour l'esclavage dont le reflet le plus intense se retrouve dans la composition ethnique du Maroc d'aujourd'hui. De telles revendications rendraient impossible toute approximation entre le Maroc et le Sahel. Elles tueraient dans l'œuf toute diplomatie en rendant les acteurs d'aujourd'hui prisonniers du passé.
Si l'on se cramponne aux blessures vécues par nos ancêtres, on ne peut pas construire le présent. Avez-vous imaginé les relations internationales si l'Algérie, l'Arabie Saoudite et la Bosnie demandaient réparation à Erdogan pour les quatre siècles de colonisation ottomane? Un pays comme l'Égypte a constamment vécu sous domination étrangère depuis le Xe siècle. Le Caire a été aux mains des Amazighs de Tunisie (les Fatimides), avant que la ville ne passe sous la coupe des Mamelouks (turcophones), des Ottomans et des Britanniques. Si le Général El Sissi demandait aux Tunisiens de s'excuser pour l'invasion fatimide, il n'y aurait plus de Ligue Arabe! Si les Andalous reprochaient aux Marocains les sept siècles de domination musulmane, il n'y aurait plus d'espace pour un dialogue apaisé entre voisins! Il en va de la collaboration régionale pour lutter contre la pauvreté, le changement climatique ou le terrorisme.
La colonisation, son étude et son interprétation, est un problème d'historiens. S'ils font leur travail honnêtement (et sans chercher leurs ordres chez les politiques), ils verront que le bilan de la colonisation en Afrique du Nord est plus que nuancé. À ce titre, je conseille la lecture de "Chère Algérie", un ouvrage de Jacques Marseille qui démontre que la colonisation a été plutôt une mauvaise affaire pour les Français ("Chère Algérie : La France et sa colonie", Flammarion, 2005).
En tant que Marocain donc fils et petit-fils de colonisés, je peux témoigner de deux choses très concrètes. Mon grand-père a participé aux côtés de la France à la guerre contre Hitler. Il a débarqué en Provence en 1944 et a été fait prisonnier par les nazis. Il n'a jamais critiqué le Protectorat, ni accusé la France des maux du Maroc. Il était fier d'avoir combattu le Fascisme et de s'être comporté en homme dans des circonstances exceptionnelles. Plus tard, mon père a été littéralement sauvé de la misère par la France grâce à l'école de la République. Sans argent, sans relation, mon père a été repéré par son maître d'école (un officier français) qui a convaincu mes grands-parents de laisser le petit Harazem quitter son village de la région de Séfrou pour poursuivre ses études au Lycée Mangin de Marrakech. C'était en 1950. Peu après, mon père a été pris en charge par l'Armée de l'Air (base d'Auxerre) où il est devenu ingénieur en électronique. Sans la France et son armée, mon père aurait été un paysan marocain de plus, écrasé par la misère et l'ignorance.
Si les Berbères d'Afrique du Nord se mettaient à accuser les Arabes de les avoir conquis et soumis au VIIe et VIIIe siècle, ils auraient raison sur le fond. Ce que nous appelons le Fath Islamique n'est rien d'autre qu'une conquête sanglante qui a débouché sur la marginalisation progressive des premiers habitants du Maghreb, de la Libye au Maroc. Chassés de leurs territoires historiques, les Berbères se sont repliés sur les régions les plus escarpées comme la Kabylie ou l'Atlas marocain. Si les mouvements berbéristes décidaient de réclamer des excuses aux Arabes, ce serait la fin de la coexistence et du métissage pacifiques qui caractérisent un pays comme le Maroc. Imaginez l'ambiance à Agadir ou Al Hoceima!
L'argument de la repentance ne tient pas. Rien n'empêche les Maliens et les Sénégalais d'exiger des dirigeants du Maroc actuel de demander pardon pour les conquêtes des Saadiens au XVIe siècle. Ils seraient parfaitement en droit de nous demander réparation pour l'esclavage dont le reflet le plus intense se retrouve dans la composition ethnique du Maroc d'aujourd'hui. De telles revendications rendraient impossible toute approximation entre le Maroc et le Sahel. Elles tueraient dans l'œuf toute diplomatie en rendant les acteurs d'aujourd'hui prisonniers du passé.
Si l'on se cramponne aux blessures vécues par nos ancêtres, on ne peut pas construire le présent. Avez-vous imaginé les relations internationales si l'Algérie, l'Arabie Saoudite et la Bosnie demandaient réparation à Erdogan pour les quatre siècles de colonisation ottomane? Un pays comme l'Égypte a constamment vécu sous domination étrangère depuis le Xe siècle. Le Caire a été aux mains des Amazighs de Tunisie (les Fatimides), avant que la ville ne passe sous la coupe des Mamelouks (turcophones), des Ottomans et des Britanniques. Si le Général El Sissi demandait aux Tunisiens de s'excuser pour l'invasion fatimide, il n'y aurait plus de Ligue Arabe! Si les Andalous reprochaient aux Marocains les sept siècles de domination musulmane, il n'y aurait plus d'espace pour un dialogue apaisé entre voisins! Il en va de la collaboration régionale pour lutter contre la pauvreté, le changement climatique ou le terrorisme.