LE PLUS. Il y a quelques jours, l'écrivain Tahar Ben Jelloun publiait une tribune sur "Le Monde" appelant à "dégager l'islam des griffes de l'EI", tandis que dans "Le Journal du dimanche", 40 personnalités musulmanes critiquaient l'organisation actuelle de l'islam de France. Nadia T., Française musulmane, a souhaité leur répondre ici.
Lettre ouverte à Ali Baba et les 40 voleurs. Voilà tout ce que m'inspirent vos récentes déclarations et tribunes. Mais à qui la faute si on nous vole la parole ?
Je vous envoie les mots d'une femme française active, d'origine algérienne, musulmane et voilée. Avouez que mon existence pour vous ne se résume qu'aux trois derniers qualificatifs que vous m'obligez à porter comme une croix (ou une étoile, je vous laisse le choix de la référence). Je dois montrer patte blanche, me désolidariser, condamner, combattre, chasser je ne sais quel Pokémon. Désolée mais je n'ai pas d'application pour ça. Je n'ai pas besoin d'exister selon vos standards pour exister.
Je ne suis pas née française mais j'ai choisi de le devenir
Lorsque mon père a décidé de s'installer en France puis de procéder au regroupement familial, il n'a pas choisi la voie du "communautarisme" qui vous répugne tant. Il a choisi une petite ville du pays de Bray. Je suis sûre que vous ne savez même pas situer le pays de Bray sur une carte. Pourtant c'est bien en France. Les familles musulmanes y vivant se comptaient sur les doigts d'une main à l'époque. Mes références culturelles n'en ont été que plus riches.
Musicalement,on voyageait de Slimane Azem aux stars du Top 50. On se fait un concert/karaoké Stars 80 quand vous voulez. Tous mes amis fêtaient Noël mais on n'a jamais mis de sapin à la maison. Moi je fêtais l'Aid en famille, je n'ai d'ailleurs jamais séché l'école pour ça. Je n'étais pas toujours en harmonie avec l'environnement qui m'entourait, mais qui peut se vanter d'avoir traversé l'adolescence dans la plus grande sérénité ? Je voyais maman prier à la maison et mes amies sortir en boîte, sans moi. C'est ce qu'on appelle un choix d'éducation.
Malgré le contexte familial a priori peu propice à la réussite scolaire (père ouvrier, mère illettrée, isolement rural), je ne me suis pas si mal débrouillée à l'école. J'ai longtemps été première de ma classe et j'ai fini par décrocher quelques diplômes, un bac +5 c'est pas le Pérou mais c'est pas si mal. J'ai commencé à travailler l'été dès l'âge de 19 ans. Mon premier boulot : mettre du porc dans les rayons d'un supermarché. J'ai eu un tas d'expériences professionnelles n'ayant rien à voir avec les études que je suivais mais tout ce qui m'importait c'était de gagner honnêtement ma vie et ne pas être un "cas social" entretenu par l'État.
Lettre ouverte à Ali Baba et les 40 voleurs. Voilà tout ce que m'inspirent vos récentes déclarations et tribunes. Mais à qui la faute si on nous vole la parole ?
Je vous envoie les mots d'une femme française active, d'origine algérienne, musulmane et voilée. Avouez que mon existence pour vous ne se résume qu'aux trois derniers qualificatifs que vous m'obligez à porter comme une croix (ou une étoile, je vous laisse le choix de la référence). Je dois montrer patte blanche, me désolidariser, condamner, combattre, chasser je ne sais quel Pokémon. Désolée mais je n'ai pas d'application pour ça. Je n'ai pas besoin d'exister selon vos standards pour exister.
Je ne suis pas née française mais j'ai choisi de le devenir
Lorsque mon père a décidé de s'installer en France puis de procéder au regroupement familial, il n'a pas choisi la voie du "communautarisme" qui vous répugne tant. Il a choisi une petite ville du pays de Bray. Je suis sûre que vous ne savez même pas situer le pays de Bray sur une carte. Pourtant c'est bien en France. Les familles musulmanes y vivant se comptaient sur les doigts d'une main à l'époque. Mes références culturelles n'en ont été que plus riches.
Musicalement,on voyageait de Slimane Azem aux stars du Top 50. On se fait un concert/karaoké Stars 80 quand vous voulez. Tous mes amis fêtaient Noël mais on n'a jamais mis de sapin à la maison. Moi je fêtais l'Aid en famille, je n'ai d'ailleurs jamais séché l'école pour ça. Je n'étais pas toujours en harmonie avec l'environnement qui m'entourait, mais qui peut se vanter d'avoir traversé l'adolescence dans la plus grande sérénité ? Je voyais maman prier à la maison et mes amies sortir en boîte, sans moi. C'est ce qu'on appelle un choix d'éducation.
Malgré le contexte familial a priori peu propice à la réussite scolaire (père ouvrier, mère illettrée, isolement rural), je ne me suis pas si mal débrouillée à l'école. J'ai longtemps été première de ma classe et j'ai fini par décrocher quelques diplômes, un bac +5 c'est pas le Pérou mais c'est pas si mal. J'ai commencé à travailler l'été dès l'âge de 19 ans. Mon premier boulot : mettre du porc dans les rayons d'un supermarché. J'ai eu un tas d'expériences professionnelles n'ayant rien à voir avec les études que je suivais mais tout ce qui m'importait c'était de gagner honnêtement ma vie et ne pas être un "cas social" entretenu par l'État.