Sur quelle base se font ces arrestations ?
Toute marque de conviction religieuse, de respect de la tradition locale ou de liens avec l’étranger peut être considérée comme signe de «radicalisation» ou de «sympathie terroriste». Dans une région située à 3 000 kilomètres de Pékin et soumise à un
contrôle policier de type totalitaire, la liste des infractions qui sont susceptibles d’envoyer, sans procès, un habitant derrière les barreaux est kafkaïenne. Par exemple : ne pas boire d’alcool ou fumer, utiliser la messagerie WhatsApp, être jeune et porter une longue barbe ou un foulard, participer à des funérailles traditionnelles, parler avec quelqu’un qui a voyagé à l’étranger, ne pas laisser un fonctionnaire dormir dans son lit, tenter de se suicider lors d’une garde à vue,
appeler son enfant Medina ou Mohammed, posséder plusieurs couteaux, ne pas régler sa montre sur le fuseau horaire de Pékin, refuser d’écouter la radio d’Etat
ou de dénoncer ses proches…
La longue liste d’interdits vient de s’allonger avec une loi «antihalal», votée lundi dernier. Selon l’AFP, qui reprend un article publié par la municipalité d’Urumqi, les cadres du Parti ont reçu l’ordre de poster sur les réseaux sociaux ce serment :
«Je crois au marxisme-léninisme. Je lève l’étendard et combats jusqu’au bout la mode du halal, ferme dans ma croyance, et même jusqu’à la mort.» Le
Global Times, journal officiel du Parti, justifie ce texte par le fait que le halal favorise
«l’enlisement dans l’extrémisme religieux».
Comment le Parti justifie-t-il l’existence de ces camps ?
Plusieurs
attentats terroristes ont été commis ces dernières années par des commandos ouïghours, faisant une centaine de victimes, et
des dizaines de Chinois musulmans qui avaient rejoint l’Etat islamique en Syrie. Mais la radicalisation reste vraisemblablement marginale, et la plupart des arrestations touchent des citoyens lambda. Depuis quelques jours, plusieurs sources affirment qu’un déplacement massif de prisonniers est organisé par train et par avion vers des prisons de provinces éloignées. Samedi, selon l’agence de presse officielle, Xinhua, l’un des plus hauts dignitaires du Parti communiste, You Quan, en visite au Xinjiang, a défendu le processus de
«sinisation» qui
«promeut la solidarité ethnique et l’harmonie religieuse». Un processus qui vise, entre autres, à faire disparaître la langue locale, apparentée au turc et qui s’écrit en caractères arabes.