Georges Moustaki nous a quittés, à presque quatre-vingts printemps. Qui faut-il saluer en premier ?
Limmense compositeur (Milord, créé pour Édith Piaf, cétait lui) ?
Le chanteur ayant hissé la coolitude aux sommets, fatigué le matin et prompt à se reposer laprès-midi ?
La frime hirsute et ébouriffée ?
Lartiste complet, aux paroles ciselées, aux implacables mélodies ?
Tout cela oui, je le salue, échine courbée et gapette parigote à la main.
Mais il y a un autre Moustaki devant lequel il convient de faire révérence, celui qui a su donner, ou redonner
(cest selon), ses lettres de noblesse au cosmopolitisme élégant,
ayant mis ses savates dans les traces laissées par les souliers vernis dun Pierre Mac Orlan ou dun Paul Morand.
Ainsi, le 3 mai 1934, à Alexandrie, en Égypte, naissait Giuseppe Mustacchi.
Le beau prénom que celui-là, puisque celui du père du Christ, à létat civil de lépoque, jentends.
Iosif en grec, Youssef en arabe, Joseph en français.
Sil prit celui de Georges, ce fut après en avoir vu un autre, de Georges : Brassens, celui-là, père spirituel auquel
il dédia plus tard cette chanson plus que touchante, Les amis de Georges.
Cosmopolite, il létait donc.
Revendiquant avec humour son statut de « Juif errant », il se sentait partout chez lui en notre commune Mare Nostrum.
Polyglotte, il parlait italien, espagnol, grec, arabe, portugais et sûrement nombre dautres dialectes locaux.
Mais lami Georges avait fait de la langue française son ultime patrie.
Parti de rien et revenu de tout, il chérissait plus que tout son enfance passée à Alexandrie,
au milieu de chrétiens, darabo-musulmans,
et dont il devait passer le reste de son existence à retranscrire le tout en alexandrins.
Paradis perdu ?
On serait porté à le croire, à en lire lun de ses derniers entretiens, accordé à un site pour le moins confidentiel,
davidreinharc.blogspot.fr, où, évoquant Le métèque, son premier grand succès, il affirmait, à propos de
« gueule de métèque, de Juif errant, de pâtre grec » :
« Le Juif errant, cest un cliché utilisé dans ma chanson pour définir ce qui en moi me paraît souvent universaliste
»
Statut de Juif errant qui lui faisait dailleurs voir lÉtat dIsraël avec un poil (de barbe) de circonspection :
« Ce nest pas parce quon est juif quon est sioniste,
ce nest pas parce quon est juif quon est israélien
et ce nest pas parce quon est juif quon est en phase avec ce que disent les dirigeants israéliens. »
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