Grippe : le tamiflu retiré des médicaments essentiels de l’oms

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la rose et le réséda
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L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rendu publique la nouvelle version de sa liste des médicaments essentiels. Parmi les changements cette année, le British Medical Journal remarque que le traitement anti-grippal Tamiflu® (oseltamivir, Roche) est rétrogradé. L’antiviral ne figure plus que sur la liste complémentaire.
Une petite victoire pour le BMJ qui dénonce depuis plusieurs années l’importance accordé à un médicament dont il juge le rapport bénéfice-risque clairement surestimé (voir l’article Tamiflu : ni aussi efficace, ni aussi sûr que prévu !).
« Le retrait de l’oseltamivir de la liste des médicaments essentiels est mieux que rien mais il arrive bien trop tard », commente le Pr Mark H. Ebell (Université de Georgie, Athens, Etats-Unis) dans un éditorial publié le 11 juillet 2017 [1].
A travers l’histoire du Tamiflu, le BMJ dénonce un système d’évaluation des médicaments encore trop opaque.
Le retrait de l’oseltamivir de la liste des médicaments essentiels est mieux que rien mais il arrive bien trop tard. Pr Mark H. Ebell
Tamiflu® : quel mécanisme d’action ?
L'oseltamivir agirait en inhibant les neuraminidases virales des virus de la grippe A et de la grippe B. Ces enzymes jouent un rôle essentiel dans la libération des particules virales nouvellement formées et dans la propagation du virus dans l'organisme. L'oseltamivir est administré par voie orale et se présente sous la forme d'une gélule.
Dans son éditorial, le professeur d’épidémiologie revient sur l’histoire du Tamiflu et en tire quelques grandes leçons.
L’histoire du Tamiflu®
Le Tamiflu® (oseltamivir) a reçu une AMM de la FDA en 1999 et de l’EMA en 2002. Son indication, le traitement de la grippe non compliquée dans les 48 h suivant l’apparition des symptômes, a été validée sur la base de deux essais randomisés (n=849, réduction des symptômes d’1,3 jour en moyenne).
Inquiets d’une épidémie de grippe aviaire et de la pandémie du virus H1N1 en 2009, des pays du monde entier ont fait des stocks d’oseltamivir. Et en 2010 au début de la pandémie H1N1, l’oseltamivir a été ajouté à la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
Au final, l’oseltamivir a été vendu pour plus de 18 milliards de dollars (15,7 milliards d’euros) à travers le monde, dont la moitié aux gouvernements pour constituer des stocks.
2017 : retrait du Tamiflu® de la liste des médicaments essentiels de l’OMS.


Suppositions et données non publiées
Le Pr Ebell souligne qu’en 2014, le directeur des Centers for Disease Control (CDC) américains indique que l’oseltamivir peut « prévenir les complications sévères et qu’en cas de grippe, l’administration précoce du traitement pouvait éviter une hospitalisation… ». Il explique: « les traitements antiviraux de la grippe sauvent des vies, mais malheureusement ils sont sous-utilisés. » Enfin, il encourage la prise du traitement au-delà de deux jours après l’apparition des premiers symptômes.
Pourtant, au cours de la même période, pour la FDA, il n’y a pas de preuves que l’oseltamivir réduise les complications, les admissions à l’hôpital ou la mortalité. L’agence américaine interdit même au fabricant d’utiliser ces arguments promotionnels.

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Comment s’y retrouver ?
Au fil du temps, des revues Cochrane successives incluant de plus en plus de données patients (non divulguées auparavant par le fabricant) ont fait bouger le curseur du bénéfice-risque du médicament.
En 2000, trois essais incluant des patients avec un diagnostic de grippe confirmé ont montré que le Tamiflu était associé à une réduction moyenne de la durée des symptômes de 30 heures [2,3,4]. Cependant, une méta-analyse Cochrane publiée en 2009 a alerté sur la non-publication de plusieurs essais.
Après plusieurs demandes du BMJ, les rapports de ces essais ont été remis aux chercheurs et deux nouvelles méta-analyses ont été publiées.
La première, publiée en 2013 par Ebell et coll. a montré que la réduction moyenne des symptômes était de 20 heures et non plus de 30 heures, sans signes de réduction des cas de pneumonies, des admissions hospitalières ou des complications nécessitant des antibiotiques [5].
Cet échec du système d’évaluation...qu’il empêche les cliniciens, les chercheurs et les patients de prendre des décisions éclairées. Pr Mark H. Ebell
Puis, en 2014, une nouvelle méta-analyse de Jefferson et coll., colligeant les données d’autres études non publiées, ont confirmé ces résultats et apporté des précisions sur la tolérance au médicament. L’antiviral a été associé à des nausées (1 événement pour 28 personnes traitées), des vomissements (1 événement pour 22 personnes traitées), et des troubles psychiatriques (1 événement pour 94 personnes traitées)[6].
L’éditorialiste qualifie de « sérieuse brèche à l’éthique de la recherche » le fait que Roche ait « supprimé des informations obtenues chez des patients enrôlés dans des essais sur un médicament encore expérimental à l’époque, alors qu’ils pensaient contribuer à l’avancée des connaissances médicales. »
Les leçons de l’histoire du Tamiflu®
Le Pr Ebell conclut en tirant plusieurs leçons du cas Tamiflu.
Tous les essais cliniques doivent être publiés et les dossiers individuels des patients doivent être rendus accessibles pour des analyses indépendantes.
L’argent utilisé pour faire des stocks de médicaments peu efficaces est de l’argent qui n’est pas utilisé pour d’autres priorités de santé publique.

Le fait que l’oseltamivir ait été considéré comme efficace a probablement limité les recherches d’autres médicaments vraiment efficaces contre la grippe, et exposé la population à plus de risques.

Même si des progrès sont en cours avec, notamment, la déclaration de tous les essais cliniques réalisés sur http://alltrials.net, le Pr Ebell souligne que « cet échec du système d’évaluation impacte tous les médicaments et qu’il empêche les cliniciens, les chercheurs et les patients de prendre des décisions éclairées ».

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