
Guerre en Ukraine: cartographie des crimes de guerre commis par l’armée russe
Une enquête de « Disclose », en partenariat avec « Le Soir » révèle que près de 6.000 événements sont susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre par la Cour pénale internationale.
Une enquête de « Disclose », en partenariat avec « Le Soir » révèle que près de 6.000 événements sont susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre par la Cour pénale internationale.
Il est 15h30, ce 14 janvier 2023, lorsqu’un missile russe frappe un immeuble de neuf étages dans un quartier résidentiel de Dnipro, une ville touristique à l’est de l’Ukraine. Les voisins accourent, aussitôt suivis des secours, pour porter assistance aux nombreux blessés, dont Nastya, 24 ans. La jeune femme racontera plus tard à la presse locale qu’elle était étendue sur son lit lorsque l’explosion a retenti. Après 69 heures d’intervention, le bilan est lourd. Quarante-cinq personnes ont été tuées dans le bombardement, dont six enfants. Les parents de Nastya sont morts sur le coup.

Depuis le début de l’invasion, le 24 février 2022, la Russie a méthodiquement frappé l’ensemble du territoire ukrainien : habitations, hôpitaux et écoles, convois humanitaires. Mais aussi exécutions sommaires, viols, enlèvements forcés, tortures ; les civils paient un lourd tribut. La Russie est aussi accusée d’utiliser la faim comme arme de guerre en détruisant des silos et en pillant les ressources agricoles.
Pour prendre la mesure de la catastrophe, Disclose a analysé 32.528 événements survenus en Ukraine entre le 24 février 2022 et le 24 février 2023. Nous avons utilisé une base de données réalisée par l’Acled, une ONG basée aux Etats-Unis et spécialisée dans la collecte et l’analyse de données sur les conflits armés. Nous nous sommes concentrés sur les attaques à l’initiative de l’armée russe et de ses alliés, telles que les milices séparatistes prorusses ou les unités tchétchènes du régime de Ramzan Kadyrov. Nous avons ensuite exploré les données par mots-clés pour isoler, puis catégoriser, l’ensemble des événements dans lesquels des civils ukrainiens ont été blessés ou tués, et ceux où des infrastructures civiles ont été détruites par les forces armées russes. Le tout en vérifiant un à un les résultats. Notre objectif : isoler les actions militaires qui pourraient constituer des crimes de guerre au regard des Conventions de Genève, un ensemble de textes relatifs à la protection des civils en temps de guerre. Nous avons répertorié 5.834 événements qui mettent en cause les forces armées de Vladimir Poutine.
En douze mois de guerre, les forces russes ont blessé et tué des civils à 3.246 reprises. Comme le 3 mars 2022. Ce jour-là, les forces russes tirent au lance-grenades sur une colonne de voitures située entre Motyjyn et Yasnohorodka. Bilan : 37 personnes tuées. Selon le dernier décompte des Nations unies, plus de 8.000 civils ont été tués et 13.000 autres ont été blessés depuis le début du conflit.
Parfois, les soldats russes écrasent délibérément des véhicules civils et leurs occupants à l’aide de chars et autres blindés. Comme à Boutcha, une ville située à 25 kilomètres au nord-ouest de Kiev, où du matériel militaire français a été retrouvé sur les engins de l’armée russe, comme Disclose l’a révélé en mars 2022.