Hâfez, « Le Divan : œuvre lyrique d’un spirituel en Perse au XIVe siècle »
Il s’agit du Divan (Recueil de poésies) de Shams ad-din Mohammad *, plus connu sous le surnom de Hâfez ** (« sachant de mémoire le Coran »). La ville de Chiraz, l’Athènes de la Perse, a produit, à un siècle de distance, deux des plus grands poètes de l’Orient ; car il n’y avait pas un demi-siècle que Saadi n’était plus, lorsque Hâfez a paru sur la scène du monde et a illustré sa patrie. L’ardeur de son inspiration lyrique, qui célèbre Dieu sous les symboles apparemment irréligieux de l’amour du vin, des plaisirs des sens, et parfois même de la débauche, désespère interprètes et traducteurs, et fait de son œuvre un exemple parfait de poésie pure. Cette superposition de sens permet toute la gamme des interprétations et laisse le lecteur libre de choisir la signification le mieux en rapport avec son état d’âme du moment. Aussi, de tous les poètes persans, Hâfez est-il le plus universel.
Longtemps inconnu en Occident, il a été révélé dans le « Divan oriental-occidental » de Gœthe, grâce à ce compliment, peut-être le plus beau que l’on puisse adresser à un poète, à savoir que sa poésie nous console et nous donne courage dans les vicissitudes de la vie :
« À la montée et à la descente, tes chants, Hâfez, charment le pénible chemin de rochers, quand le guide, avec ravissement, sur la haute croupe du mulet, chante pour éveiller les étoiles et pour effrayer les brigands » ***.
Oui, chacun croit trouver chez Hâfez ce qu’il cherche : les âmes affligées — un consolateur, les artistes — un modèle sublime de raffinement, les mystiques — un esprit voisin de Dieu, les amants — un guide. Souvent la seule musique des vers suffit pour séduire les illettrés, et pour leur faire sentir tout un ordre de beautés, qu’ils n’avaient peut-être jamais si bien comprises auparavant :
« “Saman-buyân ghobâr-e gham čo benšinand benšânand.” Quand s’assoient ceux qui fleurent le jasmin, ils font tomber la poussière du chagrin. » ****
Si l’on peut reprocher quelque chose à Hâfez, c’est qu’il affecte constamment un ton allégorique, un langage empreint de mystères, qui ne contribue pas peu à rendre quelquefois ses poésies extrêmement obscures. Aussi, ses admirateurs, qui croient trouver dans cette obscurité beaucoup de sainteté, donnent-ils à Hâfez le titre et l’éloge d’« interprète des mystères » (« tarjomân al-asrâr » *****) et de « langue de l’invisible » (« lisân al-ghayb » ******). « L’équilibre de chaque distique est accentué par un langage elliptique qui joue avec les richesses de la langue persane, et finit par être en lui-même une méditation sur la vie… La musique des poèmes invite [le lecteur] à trouver son chemin vers Dieu — un chemin long, semé d’embûches », explique Mme Laurence Chamlou *******.
Il n’existe pas moins de sept traductions françaises du Divan, mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. Charles-Henri de Fouchécour.
https://www.notesdumontroyal.com/note/85#note-bas-85-4
Il s’agit du Divan (Recueil de poésies) de Shams ad-din Mohammad *, plus connu sous le surnom de Hâfez ** (« sachant de mémoire le Coran »). La ville de Chiraz, l’Athènes de la Perse, a produit, à un siècle de distance, deux des plus grands poètes de l’Orient ; car il n’y avait pas un demi-siècle que Saadi n’était plus, lorsque Hâfez a paru sur la scène du monde et a illustré sa patrie. L’ardeur de son inspiration lyrique, qui célèbre Dieu sous les symboles apparemment irréligieux de l’amour du vin, des plaisirs des sens, et parfois même de la débauche, désespère interprètes et traducteurs, et fait de son œuvre un exemple parfait de poésie pure. Cette superposition de sens permet toute la gamme des interprétations et laisse le lecteur libre de choisir la signification le mieux en rapport avec son état d’âme du moment. Aussi, de tous les poètes persans, Hâfez est-il le plus universel.
Longtemps inconnu en Occident, il a été révélé dans le « Divan oriental-occidental » de Gœthe, grâce à ce compliment, peut-être le plus beau que l’on puisse adresser à un poète, à savoir que sa poésie nous console et nous donne courage dans les vicissitudes de la vie :
« À la montée et à la descente, tes chants, Hâfez, charment le pénible chemin de rochers, quand le guide, avec ravissement, sur la haute croupe du mulet, chante pour éveiller les étoiles et pour effrayer les brigands » ***.
Oui, chacun croit trouver chez Hâfez ce qu’il cherche : les âmes affligées — un consolateur, les artistes — un modèle sublime de raffinement, les mystiques — un esprit voisin de Dieu, les amants — un guide. Souvent la seule musique des vers suffit pour séduire les illettrés, et pour leur faire sentir tout un ordre de beautés, qu’ils n’avaient peut-être jamais si bien comprises auparavant :
« “Saman-buyân ghobâr-e gham čo benšinand benšânand.” Quand s’assoient ceux qui fleurent le jasmin, ils font tomber la poussière du chagrin. » ****
Si l’on peut reprocher quelque chose à Hâfez, c’est qu’il affecte constamment un ton allégorique, un langage empreint de mystères, qui ne contribue pas peu à rendre quelquefois ses poésies extrêmement obscures. Aussi, ses admirateurs, qui croient trouver dans cette obscurité beaucoup de sainteté, donnent-ils à Hâfez le titre et l’éloge d’« interprète des mystères » (« tarjomân al-asrâr » *****) et de « langue de l’invisible » (« lisân al-ghayb » ******). « L’équilibre de chaque distique est accentué par un langage elliptique qui joue avec les richesses de la langue persane, et finit par être en lui-même une méditation sur la vie… La musique des poèmes invite [le lecteur] à trouver son chemin vers Dieu — un chemin long, semé d’embûches », explique Mme Laurence Chamlou *******.
Il n’existe pas moins de sept traductions françaises du Divan, mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. Charles-Henri de Fouchécour.
https://www.notesdumontroyal.com/note/85#note-bas-85-4