Haraga marocains : D’Oujda à Zouara en Libye
Ils sont 195 migrants Marocains emprisonnés dans les tristement célèbres geôles de Libye. Une bonne partie de ces jeunes ont atteint la Lybie par voie terrestre. Enass retrace cette route périlleuse de 1600 km.
Mustapha, 23 ans, a quitté le Maroc en mars 2021 par la frontière Est du Maroc pour rejoindre l’Algérie puis la Libye. Ce périple de 1600 km s’est terminé un mois plus tard. « Mustapha a été arrêté le 22 avril 2021 à un poste de contrôle des gardes-frontières libyens dans la région de Ghadamès à l’ouest de la Libye », explique son père Mohammed aux responsables de l’Observatoire Euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Med Monitor) dans une note consacrée aux migrants en détention en Libye.

Direction Ghadamès en Libye
Depuis le début de la pandémie et la fermeture à répétition des frontières, notamment vers la Tunisie, les candidats à l’immigration irrégulière vers la Libye ont opté pour une voie terrestre traversant l’Algérie, autrement qu’en voie aérienne avec une escale en Tunisie. Dans le lot des 195 migrants actuellement en détention, plusieurs ont fait ce chemin dangereux. C’est le cas aussi de Hamza. Son père Redouane raconte le périple de son fils : « Il a quitté le Maroc le 7 juin 2021, en direction de la ville d’Oujda à la frontière algérienne pour passer en territoire libyen ».
Dès leur arrivée en Libye, les candidats à l’immigration rejoignent les côtes Libyennes près de Zouara à 60 km de la frontière avec la Tunisie. Cette ville côtière est connue pour être l’une des plaques tournantes de l’immigration irrégulière avec un puissant réseau de passeurs. Hamza embarque dans une patéra le lendemain de son arrivée en Libye. « Le 6 juillet il m’a contacté pour me dire qu’il partirai des côtes libyennes vers l’Italie sur un bateau », relate ce père.
Cet appel a failli être le dernier entre Hamza et son père. Le bateau transportant ce jeune a chaviré. Hamza et un autre migrant seront les seuls survivants de cette tentative. « Le 7 juillet 2021, j’ai reçu le pire appel de ma vie. Mon fils Hamza m’a dit que le bateau sur lequel il était à bord avec 19 autres migrants a chaviré en mer, et personne n’a pu retourner à terre sauf Hamza ainsi qu’une autre personne », se remémore-t-il. Deux autres jeunes marocains qui ont fait le périple avec lui depuis Oujda sont morts, disparus en mer. « Il a dû identifier les corps de ses deux amis », raconte-t-il sous le choc son père. Après cet appel, le contact est perdu entre Hamza et son père.
Ce silence radio durera 6 longues journées. « Le13 juillet 2021, il nous appelé pour nous dire qu’il était à la prison de Mellitah dans la ville de Zouara », poursuit ce père désemparé. Plutôt « chanceux », son séjour en prison ne durera que deux mois. « Les autorités libyennes ont libéré mon fils, et il séjourne maintenant dans une famille amie en Libye, mais nous n’avons aucun moyen pour qu’il retourne au Maroc car il n’a ni passeport ni papiers d’identité », s’inquiète Mohamed.
Pour sa part Mustapha comme 194 autres Marocains sont toujours en détention, en attente de leur libération par les Libyens et un possible rapatriement par les autorités marocaines. Les familles s’organisent pour accélérer cette opération.