Imad Zeriouh,parcours du combattant de syndicaliste ds un centre d'appels marocain

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« 80 % du temps aux autres, 20 % pour moi »

Imad Zeriouh, vingt-neuf ans, raconte son parcours du combattant de syndicaliste dans un centre d'appels marocain.


Au Maroc, faire du syndicalisme est une lutte de chaque instant. Imad Zeriouh, secrétaire *national des syndicats de centres d'appels de l'Union générale des travailleurs marocains (UGTM) depuis 2009, peut en témoigner. Pour avoir monté le premier syndicat dans un centre d'appels du royaume, puis été élu *délégué du personnel, il a vécu un cauchemar. « Je suis resté six mois sans salaire, j'ai subi des interrogatoires de police, mon nom est sur une liste noire, je ne pourrai plus travailler ailleurs que dans les centres d'appels. »
Diplômé de tourisme, Imad intègre l'entreprise de call center Web Help en 2004. Comme de nombreux jeunes Marocains, il a choisi une des seules voies qui mène à l'emploi. En intégrant cet univers, il a découvert des *salaires de misère, en moyenne de 300 euros par mois, une *absence de Sécurité sociale Le dialogue social était au point mort. Il participe à la création du syndicat avec la CGT française. En 2012, sur les 5 500 salariés de Web Help, 1 100 ont adhéré à l'UGTM. « Le nombre d'adhérents nous protège. Les gens ont conscience de prendre un risque en se syndiquant. Parce qu'on ose revendiquer, les autorités disent que nous allons faire perdre des emplois au pays. » Pour réintégrer les victimes de répression syndicale, l'UGTM a même créé son propre centre d'appels.
Réaliste, Imad Zeriouh dresse la liste des multiples problèmes. « Il n'est toujours pas possible de faire reconnaître la maladie professionnelle, il n'y a pas de vraie médecine du travail, on a des casques qui ne respectent pas le volume limite de décibels. » Hyper-investi, il a choisi une vie où il se consacre « à 80 % aux autres et 20 % pour moi ».

C. R.
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Le malaise dans les centres d'appels n'a pas de frontières

En avril dernier, le colloque mondial sur les conditions de travail dans les call centers a dressé un constat effrayant des souffrances des salariés. Travail répétitif, stress, flicage Sur toute la planète, les maux sont les mêmes. Les syndicats réfléchissent à des actions communes.

Les centres d'appels, chefs de file du néotaylorisme ? Pas de doute pour les *téléconseillers, ils incarnent la version 2012 des Temps modernes de Charlie *Chaplin. Seuls face à leur ordinateur, le casque vissé à l'oreille, ils répètent inlassablement les mêmes phrases et les mêmes gestes. Sans temps mort.

Du 2 au 4 avril 2012, la fédération CGT des sociétés d'études et SUD PTT ont organisé le 1er congrès international des centres d'appels, à Saint-Denis. De l'Afrique du Sud en passant par les pays du Maghreb, l'Argentine, les Pays-Bas Les syndicalistes de tous les continents étaient présents.

L'idée de cette réunion a germé durant le Forum social mondial de Dakar (Sénégal), en février 2011. Comme l'explique Xavier Burot, secrétaire *fédéral de la CGT des sociétés d'études, « on a décidé de se retrouver pour échanger nos expériences, pour faire progresser les droits des salariés et permettre des convergences de luttes entre les pays ».


Dans ce secteur qui délocalise à tour de bras, les OS (ouvriers spécialisés) des call centers souffrent tous des mêmes maux. Dans l'une de ses études, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) *décrit leur soumission à des cadences intensives, l'absence d'autonomie et un flicage de la hiérarchie. Beaucoup de salariés sont victimes du stress, de dépression, de troubles du sommeil. Sans compter qu'avec des clients *difficiles au bout de la ligne, le conseiller doit en toutes circonstances prendre sur lui.

Les contraintes physiques, c'est-à-dire le volume *sonore élevé des casques, l'exiguïté du poste de travail viennent compléter la *palette des souffrances sur les plates-formes téléphoniques.
Pour Danièle Linhart, sociologue au CNRS, ces conditions de travail sont hybrides. Elles résultent à la fois d'une « logique taylorienne » et d'une « logique subjective des salariés ». « L'effort d'adaptation est omniprésent.

Ce travail n'est pas considéré comme une profession, alors que leurs tâches sont d'une grande complexité. » La sociologue estime qu'il y a un combat à mener pour que « les clients soient solidaires de ces salariés passés au broyeur du capitalisme financier ».
Nevin Demirtas, du syndicat *néerlandais FNV Bondgenoten, *explique que, dans son pays, le secteur est très rude. « A Amsterdam, une femme avait perdu tous ses cheveux à cause du stress. Une autre qui avait un cancer était obligée de revenir travailler à son poste, elle n'avait même pas le droit de s'allonger cinq minutes. »
 
Nicola Cianferoni, chercheur, raconte qu'en Suisse, pour prendre une pause, « il faut attraper une bouteille d'eau et la mettre sur son bureau. Du coup, les salariés se battent pour l'avoir ». Dans les terres helvétiques, la revendication reste très timide. « Il y a très peu de conflits, mais des résistances, comme l'absentéisme, sont observées. »


Dans les pays d'Afrique francophone, des troubles identitaires s'ajoutent aux malaises du téléconseiller. Pour Benoît Tine, chercheur en sociologie au CNRS, ces métiers déclenchent une « invisibilisation, une standardisation et une dépersonnalisation liées à la décolonisation ». Au Sénégal, on demande aux salariés de changer de prénom quand ils communiquent avec les clients français. « François Dubois, c'est mieux que Mamadou ! Pendant sept heures, on renonce à son identité. » Les *Sénégalais sont aussi priés de neutraliser leur accent français. La place pour la culture locale est inexistante. « Nos jours fériés ne sont pas respectés, le calendrier imposé est celui de la France », constate-t-il.


Partout, les conditions de travail pourraient être améliorées par des *aménagements simples. François Cochet, expert chez Secafi, répète que « lors des temps morts, les salariés peuvent faire des pauses. On n'est pas obligé d'être à 100 % toute la journée ! L'employeur doit également prévoir des soutiens plus nombreux pour épauler les conseillers ». L'expert préconise aussi une simplification des tâches « pour ne plus avoir 50 applications ouvertes en même temps sur *l'ordinateur ». Alors qu'aujourd'hui, « les directions mettent un sac de pierres sur le dos des salariés ».


Les grands groupes ont d'autres préoccupations que le bien-être des salariés. Expertes en délocalisations dans les pays à bas coûts, ces multinationales explosent leurs bénéfices. Teleperformance, le leader sur le marché, a ainsi vu bondir son résultat net de 29 % en 2011. Rien qu'en France, les entreprises réalisent un chiffre *d'affaires de 7 milliards d'euros en 2010, d'après la CGT. Ces centres d'appels bénéficient, en plus, d'exonérations de charges sur les bas salaires d'aides de la part des collectivités locales pour s'installer sur leur territoire. Pendant ce temps, les salaires sont juste au-dessus du Smic. Dans *certains pays du *Maghreb, ils représentent l'équivalent d'à peine 300 euros.


Reste la lutte sociale pour changer la donne. Pour ces multinationales, contourner une grève est facile. Si un mouvement éclate en France, les appels sont basculés vers les pays francophones du Maghreb et inversement. L'impact économique est ainsi amorti pour l'entreprise.

Au sein de ce réseau international des syndicats de centres d'appels, tous ressentent l'urgence d'actions plus globales et concrètes. éric Beynel, porte-parole de Solidaires, insiste : « Il faut mettre en commun les expériences, trouver les moyens de coordonner les luttes et maintenir une nécessaire unité d'action. » Point positif, dans les pays où l'activité est en plein boom, le syndicalisme se *développe aussi.

A Madagascar, Holy Fanjaharimanana, déléguée syndicale depuis un an et demi, explique que « jusqu'à maintenant, les salariés ne savaient pas ce qu'était un syndicat, ils trouvaient ça normal de travailler sept jours sur sept, d'être sous-payés. Les choses évoluent ».

Cécile Rousseau
 
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