In vitro, des chercheurs réduisent la trisomie 21 au silence

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Fiona aka Habouba
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Généralement empreints de sécheresse et de rigueur, les titres des articles scientifiques ne rendent souvent pas justice à la profondeur des expériences qu'ils décrivent ni à l'ingéniosité des chercheurs qui les ont effectuées. C'est le cas d'une étude publiée ce mercredi 17 juillet dans la revue Nature. Son titre, "Translating dosage compensation to trisomy 21", masque bien le petit exploit qu'a réalisé l'équipe américano-canadienne qui en est l'auteur : réduire, in vitro, la trisomie 21 au silence. Autrefois connue sous le nom affreux de "mongolisme", la trisomie 21 est une anomalie chromosomique : au lieu de se trouver en deux exemplaires dans les cellules, le chromosome 21 y est présent trois fois (d'où le nom de trisomie). Ce chromosome surnuméraire crée une surdose de gènes et des molécules dont ces derniers commandent la production, surdose qui entraîne, chez les personnes porteuses de la trisomie, un certain nombre d'anomalies physiques et, surtout, un retard cognitif.

Dans cette étude de Nature, les chercheurs sont parvenus non pas à retirer ce chromosome de trop mais à l'inactiver. Et pour ce faire, ils se sont simplement servis d'un mécanisme naturel à l'œuvre chez la moitié des êtres humains peuplant cette Terre, les femmes. Le sexe de chacun d'entre nous est déterminé par une paire de chromosomes dits sexuels, XY chez ces messieurs, XX chez ces dames. Mais le chromosome X ne sert pas qu'à "dire" le sexe : il porte de nombreux autres gènes. Or, on s'aperçoit, en regardant l'exemple masculin, qu'une seule copie de ce chromosome suffit. Le "problème" des femmes, c'est qu'elles en portent deux, ce qui est donc un de trop. Pour empêcher que, comme dans le cas de la trisomie 21, ce chromosome surnuméraire ne provoque une surdose, un des deux membres de la paire est donc mis entre parenthèses. Très tôt dans le développement de l'embryon féminin, un des deux chromosomes produit, via un gène nommé Xist, une grande quantité d'ARN non codant qui va littéralement enrober le chromosome et le recroqueviller, un peu comme une araignée entoure sa proie d'un cocon de soie. Le chromosome X inactivé se retrouve à terme sur une voie de garage, collé à la paroi du noyau cellulaire, sous la forme de ce que les biologistes appellent un corpuscule de Barr.

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Les auteurs de l'article sont d'ailleurs sur la même longueur d'onde et restent prudents quand ils évoquent une application thérapeutique de leur technique. A ma demande, Jean-Maurice Delabar s'est tout de même projeté dans l'hypothèse où cette stratégie d'inactivation chromosomique serait viable : "Le principal problème dans la trisomie 21 étant cognitif, m'a-t-il expliqué, on peut imaginer de cibler les populations neuronales. On sait depuis plusieurs années que le cerveau produit en continu des neurones au cours de la vie : on pourrait faire en sorte de remplacer un certain nombre de neurones surexprimant des protéines par des neurones qui en expriment une quantité normale. Une petite fraction peut éventuellement suffire à provoquer des améliorations. On est dans la science-fiction mais c'est une possibilité future." Si cela se concrétise, on se souviendra probablement de cet article de 2013 comme de celui qui, après la thérapie génique, a ouvert la voie à la thérapie chromosomique.

Pierre Barthélémy

source : http://passeurdesciences.blog.lemon...ercheurs-reduisent-la-trisomie-21-au-silence/
 
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