En inde, le gouvernement révoque l’autonomie constitutionnelle du cachemire indien

Drianke

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Le gouvernement indien a annoncé lundi la révocation de l’autonomie constitutionnelle du Cachemire, une décision explosive pour cette région en proie à une insurrection séparatiste. L’annonce a été faite lundi par le ministre de l’Intérieur Amit Shah face au Parlement indien.

Le Pakistan a qualifié cette révocation d’illégale. "Le Pakistan condamne fortement et rejette l’annonce" faite lundi à New Delhi, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. "Aucune mesure unilatérale du gouvernement indien ne peut modifier ce statut contesté. […] En tant que partie de ce différend international, le Pakistan fera tout ce qui est en son pouvoir pour contrer les mesures illégales", a-t-il ajouté.
Les autorités nationalistes hindoues ont passé un décret présidentiel abolissant un statut spécial de l’État du Jammu-et-Cachemire qui était garanti par la Constitution indienne. L’annonce a entraîné une énorme cacophonie dans les rangs de l’opposition.

Divisé en deux territoires
Selon la suite des déclarations du ministre de l’Intérieur face aux parlementaires, le territoire du Jammu-et-Cachemire va perdre son statut d’Etat indien pour devenir un "territoire de l’Union", soit une division administrative de la République. Le Jammu-et-Cachemire bénéficierait cependant d’une législature, garantissant une forme d’autonomie.
Le Ladakh, région dans l’est du Jammu-et-Cachemire, deviendrait également un "territoire de l’Union", mais sans législature. L’Etat indien actuel du Jammu-et-Cachemire serait ainsi divisé en deux territoires de l’Union, deux divisions administratives relevant théoriquement du pouvoir central.
L’Article 370 de la Constitution indienne, qui accordait depuis 1950 un régime particulier à l’Etat du Jammu-et-Cachemire, avec davantage d’autonomie, va être révoqué par le gouvernement, avait précédemment précisé lundi le ministre Amit Shah.
Selon cet article, les lois du gouvernement de l’Union ne pouvaient s’appliquer au Cachemire que dans des matières limitées, comme la défense et la diplomatie.

Un territoire, revendiqué par deux pays: l’Inde et le Pakistan
La révocation de l’autonomie du Cachemire était une vieille promesse de campagne des nationalistes hindous de Narendra Modi, qui a été triomphalement réélu au printemps pour un deuxième mandat.
Le Cachemire est divisé de fait entre l’Inde et le Pakistan depuis la partition de l’empire colonial britannique des Indes en 1947, qui le revendiquent tous deux. Les deux frères ennemis d’Asie du Sud se sont livrés deux guerres à son sujet.
Une insurrection séparatiste fait aussi rage depuis 1989 au Cachemire indien et a coûté la vie à plus de 70.000 personnes, principalement des civils. New Delhi accuse son voisin de soutenir en sous-main les groupes armés à l’œuvre dans la vallée de Srinagar, ce que le Pakistan a toujours démenti.
"Aujourd’hui marque le jour le plus noir de la démocratie indienne", a tweeté l’ancienne chef de l’exécutif de Jammu-et-Cachemire Mehbooba Mufti.






 

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Riposte culturelle au Cachemire

Depuis 1947, trois guerres ont opposé l’Inde et le Pakistan sur le Cachemire. La partie administrée par New Delhi vit sous un régime d’exception. Le 8 juillet, Buhrhan Muzaffar Wani, chef d’un groupe séparatiste, a été tué par des militaires indiens. Il était devenu un symbole de la résistance armée grâce aux réseaux sociaux. Une partie des opposants continuent à se battre en utilisant toutes les ressources de la culture.


Une galerie d’art contemporain dans une ville en pleine occupation. Le 12 janvier 2015, pour la première fois de son histoire, l’État du Jammu-et-Cachemire voyait naître un lieu culturel. Située à Srinagar, la capitale d’été (1) de cette région administrée par l’Inde, Gallerie One se voulait un endroit où les artistes pourraient exposer leurs œuvres et les étudiants, observer et apprendre. « Ce sera enfin un espace permanent pour l’art, ici, au Cachemire », déclarait alors Syed Mujtaba Rizvi. Comme plus de 96 % des habitants de la vallée du Cachemire, ce jeune homme est musulman (2). Il a été à l’origine de cette initiative, surprenante dans une zone de conflit où groupes rebelles et soldats de l’armée indienne s’affrontent depuis plus de soixante ans. L’art peine à exister face aux quelque 700 000 soldats déployés dans cette vallée de l’Himalaya, auxquels une loi spéciale, votée en 1990, accorde l’impunité ainsi que le droit de tuer des suspects et de saisir leurs biens. À force de persévérance, Rizvi a pourtant rassemblé la somme nécessaire à la création d’un tel espace. Les autorités locales chargées du tourisme ont mis à sa disposition un bâtiment de 460 mètres carrés.

Le 23 février 2015, ces mêmes autorités ont décidé de fermer Gallerie One, sans préavis et en recourant à la force, allant jusqu’à vandaliser certaines œuvres. « L’occupation est aussi culturelle, lance Rizvi. L’art permet une élévation sociale et culturelle. Il est évident qu’un régime oppressif n’en veut pas dans une zone qu’il occupe. »

« Les médias ne peuvent plus raconter ce qu’ils veulent »

Aujourd’hui, il tient un café à Srinagar. Cet espace permet à des artistes cachemiris de toutes les générations de lire de la poésie, de chanter, de jouer de la musique, selon des pratiques traditionnelles ou modernes, politiquement engagées ou pas. L’art cachemiri peut exister tant qu’il ne se revendique pas comme tel, constate amèrement le maître des lieux. Après la destruction de la faculté d’art de Srinagar lors des grandes inondations de 2014, « le département a été relogé dans un endroit encore plus exigu que le précédent. C’est un vieux bâtiment abandonné situé dans le complexe universitaire de Srinagar ».

Enseignant d’histoire de l’art dans cette université, Showkat Kathjoo explique que certaines formes d’expression sont tolérées, d’autres exclues. Traditionnellement, « l’artisanat est très important pour l’économie cachemirie. Mais, pour l’art contemporain, rien n’est fait ». Et pour cause. « Les artistes peuvent exprimer leur rébellion à travers leur travail. Ils ont donc très peu de chances d’obtenir un endroit pour exposer. »Pour le pouvoir, cet étouffement de la création est stratégique : « Nous [les Cachemiris musulmans], on veut toujours nous représenter comme des personnes violentes, qui prennent les armes et tuent des gens, constate Rizvi. Les poètes, les artistes et les écrivains sont toujours relégués au second plan. »
Ce que confirme le spécialiste du Jammu-et-Cachemire Dibyesh Anand, qui dirige le département des sciences politiques et des relations internationales à l’université de Westminster. « Le conflit est utilisé pour alimenter le nationalisme indien, explique-t-il. Quand quelqu’un est tué au Cachemire, les médias indiens s’en emparent afin d’en faire un problème national. De cette façon, ils déshumanisent les Cachemiris en les représentant comme violents. »....................................


https://www.monde-diplomatique.fr/2016/09/GODECHOT/56227
 
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