
« Les gondoles de Saintes, c’est pas mal aussi ! » Dans une barque, les pompiers tentent de faire sourire des habitants évacués d’une rue inondée par le fleuve Charente, dont la crue pourrait dépasser celle de 2021. « L’eau continue de monter. On frôle les six mètres et le problème, c’est qu’au-delà des 5,60 m, l’eau rentre dans les maisons », explique le maire de Saintes (Charente-Maritime), Bruno Drapron (Horizons).
Malgré un ciel plus clément, le pic de la crue n’interviendra que dimanche, avec 6,15 m selon les estimations météorologiques. Celle de 2021, qui avait marqué les esprits, avait atteint 6,18 m.
« Ce soir, on aura environ 300 maisons impactées et une cinquantaine d’habitants évacués, contre 1.200 maisons sinistrées en 2021 et plus de 600 évacuations », relativise l’élu Horizons. À Saintes, les panneaux « Route barrée » sont nombreux au centre-ville, avec plus d’un mètre d’eau dans une des rues à certains endroits.
« J’ai tout surélevé dans mon garage avec des parpaings »
Des planches en bois ont été posées sur des parpaings pour permettre aux riverains de circuler. Un parking, laissé ouvert, laisse entrevoir un frigo qui flotte. Dans une maison décorée de guirlandes de Noël, un habitant a décidé de rester chez lui, au premier étage, avec son chien.« On est passé récupérer les pyjamas jeudi après l’école et on dort à l’hôtel avec mes enfants », raconte Julie, une mère de famille qui explique que l’eau s’était arrêtée à 2 mm de sa porte en 2021. « Je croise les doigts… On savait que c’était un terrain inondable quand on a acheté la maison et on n’aimerait pas partir… mais il va peut-être falloir se résoudre à aller voir ailleurs à un moment », dit-elle, les larmes aux yeux.
Un peu plus loin, Gérard Gautier, 70 ans, est plus serein. « J’ai tout surélevé dans mon garage avec des parpaings. De toute façon, c’est la nature qui donne le ton et on ne peut pas faire grand-chose pour lutter contre », juge le septuagénaire coiffé d’un gros bonnet en laine.
« Les habitants anticipent depuis mercredi, ils ont tiré les leçons de la crue de 2021. Certains ont évacué d’eux-mêmes leur logement, ils ont surélevé leur mobilier ou même demandé qu’on vide entièrement leur maison pour certains », explique Thierry Peralta, adjoint du service de la mobilité urbaine.
La situation est « critique mais calme »
À une quarantaine de km à l’ouest, la Charente a également débordé dans le centre de Cognac (Charente). « On est habitué », le mot revient souvent dans la bouche des habitants qui semblent résignés face à un phénomène récurrent. Une mère de famille, membre d’un club local, est allée chercher deux kayaks pour sa famille et ses voisins, afin de pouvoir y tirer les enfants.La situation est « critique mais calme », assure le maire DVD de la ville, Morgan Berger. L’eau s’est infiltrée dans quelque 200 foyers mais « il y a peu de maisons de plain-pied et les habitants ont remonté leurs affaires les plus importantes à l’étage ».
À Gond-Pontouvre, au nord d’Angoulême, la route de Vars en bord de Charente est inondée mais la tendance est à la décrue. Le salon de coiffure reste ouvert, même si les habitants doivent marcher sur des bancs pour y accéder.
« Les sols étaient déjà saturés d’eau »
« Le niveau commence à baisser à Angoulême, le pic sera atteint à Cognac samedi matin et dimanche après-midi à Saintes. On sera assez proche sur le secteur de la crue de février 2021 », relève Pascal Villenave, responsable du service de prévision des crues pour le bassin Vienne-Charente-Atlantique.« Les sols étaient déjà saturés d’eau, les nappes débordent depuis novembre et il y a eu de fortes pluies récemment, notamment le week-end dernier », explique-t-il. Malgré la décrue, la vigilance orange restera de mise la semaine prochaine.