Juifs marocains d'Israël, des citoyens comme les autres ?
La proposition visant à dépouiller les juifs marocains installés à Jérusalem ou dans les implantations israéliennes de leur citoyenneté marocaine a provoqué un grand émoi. Avant que cette suggestion ne soit “retirée” de l’agenda du Parlement.
La proposition de loi évoquée par Ilyas Omari, le secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (PAM) après sa rencontre avec le chef politique du Hamas, Khaled Mechaal, avait provoqué l’ire des intéressés avant de faire l’objet d’une mobilisation sans précédent des juifs marocains dans le monde. Depuis, il semble que ce lobbying intensif ait porté ses fruits. A commencer par l’entrisme de Simon Skira, le secrétaire général de la Fédération des juifs du Maroc en France, qui avait mis en exergue la situation délicate et peu enviable des 800 000 personnes ayant la citoyenneté marocaine et vivant en Israël. Skira avait confié au Times of Israël qu’il avait expliqué au secrétaire général du parti marocain que “les citoyens marocains vivant dans les implantations le faisaient simplement parce que c’était moins cher et qu’ils ne peuvent pas se permettre de vivre ailleurs. Le gouvernement les a envoyés vivre là-bas. Bibi (le Premier ministre Benyamin Netanyahou) leur offre des appartements pour 1 000 shekels ! (environ 30 euros, ndlr)”, a-t-il ajouté. Si Omari s’est senti pousser des ailes pour faire une telle proposition au chef du Hamas, c’est que le leader du PAM, qui se rêve en “Benkirane”de la modernité n’a pas pu résister à l’envie de sauter sur une offre au parfum salafiste prononcé, et donc sur l’opportunité de battre les islamistes sur leur propre terrain. L’occasion de surfer sur les poncifs était trop belle. Sauf que le ténor populiste fut vite obligé d’admettre que la langue de bois à usage interne ne passe par forcément à tous les coups et il s’est vite résigné à mettre un bémol à ses rodomontades devant la levée de boucliers juifs marocains.
La question de la radicalité souvent évoquée
En effet, l’antisémitisme des islamistes est une réalité. De surcroît les juifs marocains ont la fâcheuse réputation de voter Likoud, parti sioniste le plus réactionnaire d’Israël, une donnée qui fanatise les foules et permet de faire du conflit du Proche-Orient un argument de poids dans la politique intérieure du Royaume. Au grand dam des juifs marocains, qui redoutent de faire les frais d’une “guerre de religion” à laquelle ils seraient totalement étrangers.
Car la question de la radicalité des juifs marocains en Israël est souvent évoquée dès que les choses se compliquent dans les territoires occupés en Palestine. Quel est le sens de ce cliché ? La réalité est beaucoup moins tranchée, il y aurait autant de partisans de la paix que de “va-t-en guerre” au sein de la diaspora juive marocaine en Israël. Sauf que ceux qui militent pour la paix, ces juifs marocains qui se battent pour un Etat palestinien, personne n’en parle parce que ce sujet n’est pas vendeur. A commencer par Avi Buskila, le promoteur principal d’“Israël pour tous”, qui vient de prendre la tête du mouvement “La Paix maintenant”.
Le lourd conflit entre Ashkénazes et Séfarades
Ce juif marocain de Casablanca est à la tête d’un combat qui vise à réhabiliter aussi bien les Palestiniens que les juifs séfarades (qu’on appelle aussi orientaux ou mizrahim en hébreu). L’égalité des droits pour tous, qui semble être le fil rouge de son engagement, est un leitmotiv lié à une enfance passée dans un moshav (communauté agricole coopérative) essentiellement peuplé de juifs marocains. “Certains juifs orientaux étaient en Israël bien avant les Européens. Quand ces derniers sont arrivés, ils ont essayé de les européaniser. Et aujourd’hui, les enfants de ces mizrahim veulent retrouver leurs traditions, leur culture. Les Arabes me ressemblent bien plus que les Européens ou les Américains !” confie-t-il à un journaliste de Libération. Ce que l’on ne sait pas, c’est qu’Israël, obnubilé par l’ennemi palestinien, fait tout pour ne pas médiatiser un autre conflit beaucoup plus grave pour l’avenir du pays, celui qui mine les relations entre Ashkénazes (juifs originaires d’Europe de l’Est) et Séfarades (juifs d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient). Près de soixante-dix ans après la création d’Israël, nombre de Séfarades ne digèrent toujours pas le mépris dont ils ont été – et sont toujours – l’objet de la part de l’élite ashkénaze (fondatrice de l’Etat).
Malgré son visage de jeune premier, Avi Buskila n’est pas un enfant de chœur. C’est un ancien soldat milite notamment pour que la gauche cesse de s’intéresser en continu et en priorité aux Palestiniens et qu’elle se penche sur le sort du “peuple israélien, celui qui vit en périphérie des grandes villes”................
https://www.lecourrierdelatlas.com/...d-israel-des-citoyens-comme-les-autres--11132