Jad Siri : Les avancées de la nouvelle constitution marocaine

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K.ZNIDAR
VIB
Le juriste marocain Jad Siri a analysé en détail la nouvelle constitution, soumise à référendum le 1er juillet prochain. En premier lieu, il présente les avancées du texte, surtout en matière de reconnaissance de droits de l'Homme, qu'il nuance toutefois. L'égalité homme-femme changera-t-elle la donne en matière d'héritage au Maroc ? Une seconde partie, qui sera publiée jeudi, expliquera les limites du projet de constitution. Les avancées en matière de régime démocratique restent timides.

Dans les révoltes, révolutions et mouvements sociaux qui ont cours dans les pays arabes depuis le début de l’année, les Marocains vont être les premiers à se prononcer sur une nouvelle constitution. En effet, la commission ad hoc composée discrétionnairement par le roi, à l’issue de son discours du 9 mars dernier, a rendu son projet de révision de la constitution après qu’il ait été validé par le roi. Ce dernier a par ailleurs annoncé dans son discours du 17 juin que ce projet sera soumis à referendum le 1er juillet, soit tout juste 2 semaines après avoir été rendu public. Il a appelé les Marocains à voter favorablement au texte proposé et a invité les partis politiques à s’engager pour appeler à voter pour ce projet.

La plupart des responsables politiques marocains, répétant les mots du roi, qualifient ce projet d’« historique » et présentant des avancées très importantes. Au-delà de ces commentaires, attardons-nous sérieusement sur le contenu du texte.

Des avancées réelles en matière d’énonciation des droits de l’Homme

Le texte consacre plus de vingt articles à la question. Les principales avancées portent d'abord sur l’interdiction tacite de la peine de mort puisque le texte consacre le « droit à la vie » comme étant « le premier droit de tout être humain » et que « la loi protège ce droit », et la prohibition formelle de la torture et des traitements dégradants et portant atteinte à la dignité et les droits fondamentaux en matière d’arrestation et de détention. Dans ce sens, le projet de constitution inclut le droit de connaître les motifs de l’arrestation et de la détention, le droit de recours de chacun, dans le cadre d’un procès, devant la Cour Constitutionnelle pour faire annuler une loi qui « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution », les droits de la défense dans le cadre d’un « procès-équitable » qui doit se dérouler dans un « délai raisonnable ». Le texte organise également des institutions et des mécanismes pour promouvoir et veiller au respect des droits de l’Homme en instituant un Conseil National des Droits de l’Homme et un Médiateur.
 
Si l’énonciation et l’affirmation de ces droits est certainement une avancée importante, il faut cependant rester vigilant quant aux lois qui devront assurer leur mise en œuvre. En effet, la tentation sera certainement grande chez certains de faire en sorte que les lois de mise en œuvre de ces droits prévoient des mécanismes ou des conditions d’exercice de ces droits tels qu’ils ne seront pas effectifs ! Il sera en effet difficile de faire cesser les réflexes autoritaires et arbitraires de la police et du makhzen, de faire cesser les passe-droits dont ils font régulièrement usage, et de leur faire renoncer à la torture, aux arrestations et détentions arbitraires, aux écoutes illégales etc. Comment ceux qui ont été les commanditaires et les auteurs de violences, d’arrestations arbitraires, de délits d’initiés, d’actes de corruptions, qu’ils soient en haut de la pyramide ou en bas de celle-ci, vont, du jour au lendemain, devenir des personnes respectueuses des droits de l’Homme ? La simple énonciation des droits de l’Homme dans la constitution ne permettra pas de garantir à elle seule des comportements vertueux.

L'Amazigh, l'égalité homme-femme, la participation politique : Attention aux nuances

Ce projet de nouvelle constitution apporte par ailleurs trois autres avancées positives. Premièrement, la reconnaissance du berbère comme langue officielle. Il s'agit bien d'une mesure positive, mais qui ne sera pas sans difficultés dans la mise en œuvre. L'obligation de traduire toutes les lois, tous les jugements, l'ensemble des actes administratifs dans cette langue nécessite un investissement conséquent. Des lois en 2 langues comportent aussi le risque de différences d’interprétation d’un même texte.

D'autre part, l’affirmation de l’égalité homme-femme est significative. Pourtant, le discours du roi du 17 juin laisse planer une ambigüité en affirmant que cette égalité se fait « dans le respect des dispositions de la constitution ainsi que des lois inspirées de la religion musulmane ». L’égalité homme-femme butera-t-elle sur la règle religieuse prévoyant qu’en matière de succession, une femme hérite de la moitié de ce qu’hérite un homme ?

Autre avancée : L’ouverture à des mécanismes de démocratie participative. Le projet prévoit le droit des citoyens de faire des propositions de lois, qui peuvent à leur tour être reprises par les partis politiques ou les groupes parlementaires. Un droit de pétition est également inscrit dans le texte.

Le texte de la constitution ne propose pas un régime politique démocratique

Le référendum approche, et les Marocains doivent s'informer sur le contenu du projet de constitution proposé. Faisant suite à l'analyse des avancées qu'apporte le texte, publiée mercredi, le juriste marocain Jad Siri fait une série de critiques sur les dispositions institutionnelles prévues dans la constitution. Les pouvoirs exécutifs du roi qui restent importants, un gouvernement encore trop faible, un parlement dominé, une justice dont l'indépendance ne semble pas garantie : le régime politique marocain n'est pas prêt à se démocratiser, juge le juriste.

Le progrès certain qu’offre le projet de constitution en matière d’énonciation des droits de l’Homme ne doit pas cacher les insuffisances majeures en matière d’institutions et de fonctionnement politiques démocratiques.
 
Un roi qui continue de gouverner et de disposer de pouvoirs exécutifs exorbitants

Au terme du projet proposé, le roi règne mais gouverne aussi tout en bénéficiant d’une immunité totale puisque sa personne « est inviolable, et respect Lui est dû ». Ainsi, manifestement, le roi a droit à un respect supérieur à celui dont ont droit les autres Marocains. Certes, auparavant sa personne était en plus « sacrée », faisant de lui un monarque de droit divin !

Le pouvoir du roi s’étend sur le gouvernement : s’il ne dispose plus de la liberté totale de choisir le chef du gouvernement, puisqu’il doit le choisir au sein du parti politique arrivé en tête aux élections législatives, il nomme les ministres qui lui sont proposés par le chef du gouvernement. Cela obligera ce dernier à négocier avec le roi le choix des ministres de son gouvernement, et ce sera particulièrement vrai avec le ministre de la défense, le ministre du culte, le ministre de l’intérieur, de la justice, des affaires étrangères et de l’économie. Cet ascendant du roi sur le gouvernement est d’autant plus réel qu’il peut discrétionnairement révoquer chacun des ministres sans l’accord du chef du gouvernement. Dès lors, une fois nommés, les ministres verront dans le roi leur chef puisque leur maintien en fonction dépendra de ce dernier, étant précisé que le chef du gouvernement ne pourra révoquer ses ministres sans l’accord du roi.

Par ailleurs, le roi dispose du pouvoir exclusif en matière religieuse et en matière militaire puisque non seulement il « est Chef Suprême des Forces Armées Royales » mais en plus il « nomme (seul) aux emplois militaires ». Le pouvoir de nomination du roi s’étend aux autres domaines : sur proposition du chef du gouvernement, il nomme les walis et gouverneurs (préfets), les directeurs d’administrations chargées de la sécurité intérieure (c’est-à-dire la police, les renseignements généraux, le gendarmerie etc.), les ambassadeurs (étant précisé que c’est lui qui signe les traités internationaux et qui accrédite les ambassadeurs), le directeur de la banque centrale mais aussi les « responsables des établissements et entreprises stratégiques ». Ce dernier point vise, concrètement, la caisse des dépôts marocaine puisqu’il s’agit d’un établissement stratégique, sans compter les grandes entreprises marocaines telle que l’OCP, la RAM, ou encore les directeurs des établissements de mise en œuvre de la politique du tourisme puisque ce secteur est, au Maroc, stratégique. Etant donné qu’il préside le conseil des ministres, le roi aura également son mot à dire notamment sur la loi de finance annuelle puisqu’avant d’être soumise au parlement, elle devra être délibérée d’abord en conseil des ministres.

Par ailleurs, en matière de justice, la nomination des magistrats ne peut se faire sans son approbation, il préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et dispose, de manière discrétionnaire, du droit de grâce.
 
En substance, sont de son ressort exclusif ou quasi-exclusif, l’armée, la police, le champ religieux, et les affaires étrangères. Il a par ailleurs la haute main sur la magistrature ainsi qu’un droit de regard certain sur le champ économique ! En revanche, le projet proposé est muet sur la limitation de l’intervention du roi et de la famille royale dans l’économie. Prévoir un encadrement de cet interventionnisme aurait été de bon aloi. Au-delà du gouvernement et de l’administration, le roi va pouvoir également exercer son ascendant sur le parlement par deux leviers : il dispose de la faculté discrétionnaire de dissoudre le parlement et il peut, avant sa promulgation, demander la relecture d’une loi votée par le parlement. Rappelons que les parlementaires ne peuvent émettre une opinion qui « met en cause la forme monarchique de l’Etat, la religion musulmane ou qui constitue une atteinte au respect dû au Roi ».

Un exécutif et un gouvernement encore trop faible

Face à un roi qui demeure puissant, le chef du gouvernement apparait faible et dépendant. Il est dépendant de la confiance que doit lui donner le parlement mais surtout il doit son maintien au Roi, puisque ce dernier peut le révoquer ou révoquer un ou plusieurs ministres individuellement. Le pouvoir de nomination du gouvernement est restreint puisque il dépend, pour de nombreux domaines, du roi ! Par ailleurs, son pouvoir de créer une norme juridique a été restreint car, le champ des questions qui relèvent de la loi a été étendu.

Le conseil de gouvernement, présidé par le chef du gouvernement, est une nouvelle instance qui a une double fonction. D’une part préparer les questions qui relèvent du conseil des ministres, qui est présidé par le roi, et d’autre part, traiter les questions qui relèvent du gouvernement, c'est-à-dire les nominations qui ne relèvent pas du roi, les décrets d’application des lois, et les projets de lois à soumettre au parlement (sous réserve que certains doivent d’abord être validés par le conseil des ministres), décliner en politiques sectorielles la politique général et stratégique définie en conseil des ministres, puis enfin, prendre position sur des questions d’actualité notamment matière de droit de l’Homme. Enfin, si le projet de constitution lui donne le pouvoir de « superviser l’action des entreprises et des établissements publics » il aura du mal à exercer ce pouvoir sur les administrations, établissements et entreprises publics dont les directeurs seront nommés par le roi !

Un parlement dominé

Si le domaine de la loi est étendu, ce qui renforce a priori le rôle du parlement, d’autres dispositions du projet viennent en partie « annuler » cette extension. Bien que concrètement la menace soit rare, il peut être dissout par le roi. Par ailleurs, la souveraineté du peuple qu’il représente pourra constamment être discutée par le roi qui pourra demander la relecture (comprendre la révision) de toute loi votée par lui. De même, il n’est pas maître de son ordre du jour qui lui est imposé par le gouvernement. Certes, il dispose de la faculté de censurer le gouvernement par la voie d’une motion de censure. Enfin, on ne peut que regretter le texte ne prévoit aucun contrôle de la part du parlement sur les nominations du roi ou du gouvernement.
 
Une justice par vraiment indépendante

Les dispositions relatives à la justice ne permettent pas de dire que celle-ci est véritablement indépendante ! S’il est affirmé que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif » et que « est proscrite toute intervention dans les affaires de la justice » et « que dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou d’instruction, ni être soumis à une quelconque pression », d’autres dispositions relativisent ces déclarations! En effet, il est clairement indiqué que « les magistrats du parquet (..) doivent se conformer aux instructions écrites émanant de l’autorité hiérarchique », c'est-à-dire, concrètement, du gouvernement et du roi, puisque ce dernier approuve les nominations des magistrats et préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire lequel nomme les magistrats, gère « leur avancement, leur mise à la retraite et leur discipline », étant précisé qu’au moins la moitié des membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devront leur place dans cette instance à leur nomination par le roi. Ainsi, un procureur sera tenu d’ouvrir une information ou de la clore s’il en reçoit l’instruction du gouvernement ou du roi.

Une liberté de pensée, d’expression et de la presse incertaine

Si le projet affirme que l’opposition parlementaire dispose de « la liberté d’opinion, d’expression et de réunion », que « sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes ses formes », que « la liberté de la presse ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable » et que « tous ont le droit d’exprimer et de diffuser librement et dans les seules limites expressément prévues par la loi, les informations, les idées et les opinions », il n’en demeure pas moins que la loi peut limiter le droit à l’information, qu’il n’est pas possible d’émettre une opinion qui « remet en cause la forme monarchique de l’Etat, la religion musulmane ou qui constitue une atteinte au respect dû au roi » et qu’il conviendra de réformer le code de la presse qui prévoit des peines de prison lourdes concernant des délits de presse mineur. En outre, le texte ne garantit pas la protection des sources des journalistes. Ainsi, cette liberté d’expression et de la presse reste à confirmer ! Peut-on par exemple dire dorénavant, sans craindre la répression, qu’il n’est pas normal que le roi et la monarchie détiennent des sociétés qui interviennent massivement dans l’économie du pays ? Peut-on, sans craindre la répression, dire clairement son désaccord sur les nominations de certaines personnalités par le roi ? Peut-on écrire et dire qu’il faut réviser la constitution pour restreindre les pouvoirs du roi ?
 
Droits humains dans un régime non-démocratique

Sans nier certaines avancées non négligeables, notamment dans l’exposé des droits de l’Homme, il n’en demeure pas moins que compte tenu des pouvoirs dont il dispose, le roi règne mais gouverne aussi sans avoir à rendre de comptes, ce qui est contradictoire avec une démocratie où, par nature, celui qui dispose du pouvoir doit rendre compte de son pouvoir et doit être soumis à la critique et au contrôle ! On est loin du modèle Espagnol. Le problème que pose donc ce texte est le suivant : est-ce qu’une constitution qui énonce et veut promouvoir les droits de l’Homme (sous réserve qu’ils soient effectivement mis en œuvre) mais qui n’offre pas des institutions et un fonctionnement politique démocratique et qui n’offre pas une garantie absolue des droits de la presse et des médias, est une constitution démocratique ? Peut-on se contenter de ces avancées et remettre à plus tard, on ne sait pas quand, les réformes qui seront nécessaires pour enfin instaurer des institutions démocratiques. Dire non au texte proposé et prévoir l’établissement d’une constituante pour élaborer un nouveau texte d’ici la fin de l’automne est possible. Nous ne sommes pas à trois mois près ! La Tunisie est sur cette voie. Pour conclure définitivement, une dernière interrogation : pourquoi organiser un referendum aussi vite après la publication du projet (15 jours) si ce n’est pour éviter au maximum, tout débat sur le texte proposé ! Le processus démocratique commence mal !

Source : Yabiladi.com
 
Droits humains dans un régime non-démocratique

....il n’en demeure pas moins que compte tenu des pouvoirs dont il dispose, le roi règne mais gouverne aussi sans avoir à rendre de comptes, ce qui est contradictoire avec une démocratie où, par nature, celui qui dispose du pouvoir doit rendre compte de son pouvoir et doit être soumis à la critique et au contrôle ! On est loin du modèle Espagnol.

CQFD ....et c'était visible pour n'importe quel citoyen lambda même moyennement lettré pour autant qu'il sache faire fonctionner ...ce qui lui sert de cerveau ! :prudent:

Droits humains dans un régime non-démocratique

Dire non au texte proposé et prévoir l’établissement d’une constituante pour élaborer un nouveau texte d’ici la fin de l’automne est possible.

Nous ne sommes pas à trois mois près !

La Tunisie est sur cette voie.

Pour conclure définitivement, une dernière interrogation : pourquoi organiser un referendum aussi vite après la publication du projet (15 jours) si ce n’est pour éviter au maximum, tout débat sur le texte proposé !

Le processus démocratique commence mal !

La grande arnaque, quoi !


PS :Bien évidemment, M. Jad Siri est un "nihiliste", un "traitre", un "anti monarchiste", "un 20Févriériste"...
 
CQFD ....et c'était visible pour n'importe quel citoyen lambda même moyennement lettré pour autant qu'il sache faire fonctionner ...ce qui lui sert de cerveau ! :prudent:



La grande arnaque, quoi !


PS :Bien évidemment, M. Jad Siri est un "nihiliste", un "traitre", un "anti monarchiste", "un 20Févriériste"...
C'est juste sur internet que ça parle de réformes historiques. J'ai sondé l'avis de deux classes (sans parler de mon entourage), la majorité écrasante ne voit rien d'historique dans la nouvelle constitution et voit dans le système, un pouvoir qui se moque de son peuple.

PS : Jad Siri a même fait une proposition personnelle de constitution pour le Maroc que je n'ai pas encore lu... et que je compte pencher sur elle ce soir inchallah.
 
PS :Bien évidemment, M. Jad Siri est un "nihiliste", un "traitre", un "anti monarchiste", "un 20Févriériste"...

Pas du tout, c'est un citoyen qui donne son avis mais il y a d'autres avis

J'ai écouté hier à la radio une personne qui appelait à boycotter la constitution et personne ne l'a insulté, preuve s'il en est besoin que rien n'est censuré et qu'on peut parler de tout en ce moment.

Chacun fera ce qu'il veut en son âme et conscience.
 
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