"je suis charlie" selon leila ghandi

Louisiane

Libre comme l'Art
VIB
Je suis Charlie. Pour moi je suis Charlie veut dire je suis pour les valeurs universelles et le monde libre. Je suis Charlie veut dire je suis contre les obscurantismes et les extrémismes. Je suis Charlie comme pour dire no pasaran.

A ceux qui croient que je suis Charlie veut simplement dire je suis pour Charlie hebdo je leur dit vous n’avez pas compris. Charlie est une incarnation.

A ceux qui croient que cette mobilisation nationale devenue mondiale est l’expression d’un deuil je leur dit vous ne comprenez pas. Elle est l’expression d’une inquiétude, d’une révolte, d’un refus. C’est le soulèvement des peuples contre les intégrismes et leurs violences. C’est une réponse globalisée à une menace globalisée. Cette épée de Damoclès qu’on entend siffler depuis peut-être le 11 septembre. Charlie c’est un autre 11 septembre. C’est une rupture. Cela dépasse Charlie et ses 12 victimes, cela dépasse la liberté d’expression, et cela dépasse même la France. Cela nous concerne tous. Et tout le monde le comprend. Littéralement. De mémoire je n’ai jamais vu pareil rassemblement, pareille union. Entendre les britanniques chanter la marseillaise, du Maroc à l’Argentine assister à la naissance de manifestations spontanées, voir les chefs d’états du monde arriver ensemble presque main dans la main pour participer à la marche de Paris. Mettre tout le reste de côté, et pour une fois se concentrer sur ce qui nous unit.
Au-delà du drame humain, la portée de cet attentat est immense. Il aura au moins le mérite de rassembler le monde autour de valeurs que nous partageons tous ou aspirons tous à partager.

A ceux qui disent je ne suis pas Charlie je suis Palestine je réponds quel rapport ? Ne peut-on donc pas être l’un et l’autre ? Moi je suis Palestine et je suis Charlie et je suis toutes ces autres causes malheureuses dont on ne parle pas qui n’ont pas encore trouvé de dénouement heureux. Notre capacité d’indignation est sélective et c’est une triste réalité. Notre capacité à résoudre les injustices est sélective et c’est une triste réalité. Faudrait-il attendre que le conflit isréalo palestinien soit réglé pour se permettre de se pencher sur les autres drames du monde ? Non. Notre monde est complexe et ne peut s’offrir le luxe d’attendre qu’un conflit soit réglé pour passer à un autre. Il fait avec les moyens qu’il a, le temps qu’il a, sa diplomatie croisée et ses intérêts communs. Et puis d’ailleurs à ceux qui disent encore je ne suis pas Charlie je suis Palestine je réponds simplement : le chef palestinien en personne s’estime être Charlie et fait le déplacement à Paris pour marcher aux côtés de tous les autres Charlie. Seriez-vous donc plus Palestine que le chef palestinien lui-même ?

A ceux qui disent je ne suis pas Charlie parce que je ne suis pas d’accord avec ses caricatures je réponds le débat n’est pas là. Pour ma part je suis moi-même parfois en désaccord voir choquée par les publications du journal mais encore une fois le débat n'est pas là. On peut dénoncer Charlie et ses caricatures et pour autant être quand même Charlie. Car être Charlie ce n’est pas nécessairement être pour ses caricatures mais cela va bien au-delà. C’est être pour la liberté tout court. Parmi lesquelles la liberté de ne pas être d’accord et le dire. Parmi lesquelles la liberté d’attaquer Charlie mais avec les armes de la République où il réside.

La polarisation du monde s’accélère. Le défi aujourd’hui est multiple. Osons nous poser les questions qui nous rassemblent au-delà de nos religions de nos cultures de nos histoires et identités. Quel est notre socle commun ? Quelle est notre identité commune ? Quelles sont les valeurs pour lesquelles nous devons nous battre par dessus tout et par dessus même nos individualités et notre soif d’individualisme? Comment replacer la collectivité et l’intérêt général au-dessus des désirs individuels et des croyances ou convictions personnelles? Comment redonner un sens profond au mot citoyen et à ce qu’il implique ? Comment rendre impensable impossible pour un citoyen français de s’affranchir des lois de son propre pays pour appliquer ses lois à lui ? Comment rendre impensable impossible pour un citoyen marocain de se retourner contre son propre peuple car revenu du djihad, devenu terroriste et répondant à des lois supposées supérieures ?

Osons nous poser les questions qui fâchent, peut-être jugées politiquement incorrectes. Quelle est la place de la religion dans nos sociétés ? Pourquoi l’Islam est-il à ce point si mal interprété par certains ? Notre monde musulman aurait-il besoin d’une autorité suprême pour encadrer nos pratiques, enclencher des réformes, éviter les interprétations dogmatiques et avec elles les déviances dites religieuses ? Dans une religion qui n’a pas de clergé, qui aurait à l’échelle mondiale la légitimité absolue de guider les croyants comme le Pape guide les Catholiques du monde ?

Oui la communauté musulmane doit s’exprimer. Je suis marocaine, arabe, musulmane, je dénonce ces attentats, je dénonce toute forme d’intégrisme, ces terroristes entachent l’Islam et portent préjudice aux musulmans du monde. Le hashtag ‪#‎notinmyname‬ est très à propos. Non ce n’est pas une insulte que de devoir se désolidariser de ces actes terroristes car oui ils sont, qu’on le veuille ou non, faits au nom de l’Islam. Oui ils sont, qu’on le veuille ou non, perpétrés par des fanatiques issus de l’Islam. Oui, qu’on le veuille ou non, ces intégrismes sont des créations de l’Islam. Un Islam déviant, fou, qui n’est pas le notre, qui n’est pas le bon, qui n’est plus Islam.

Il y va je crois de notre responsabilité à tous de ne pas laisser le monopole de la parole musulmane entre les mains de ces terroristes qui n’ont finalement plus rien de musulman que le nom et les phrases apprises par cœur vidées de leur sens. L’Islam ce n’est pas l’état islamique. Il y va je crois de notre responsabilité à tous de lutter contre les amalgames et les raccourcis, de lutter pour un Islam des Lumières. La beauté des textes ne sert à rien si elle n’aboutit pas à une pratique quotidienne au moins tout aussi belle. Pire encore si elle est détournée, transformée, ravagée. Le silence n’est pas une solution. L’indignation personnelle ne suffit plus. Faisons notre autocritique. Soyons tous des exemples.

Je suis marocaine, française, arabe, musulmane, mes ancêtres sont berbères, ma belle famille est chrétienne, mes amis sont juifs, je suis libre, émancipée, épanouie, je défends l’égalité, la liberté de penser, le droit à la différence, le respect de l’Autre. Je n’invente rien ce n’est je crois pas grand chose de plus que l’Islam serein et décomplexé de mes grands parents, pour qui le vivre ensemble et le laisser vivre n’était pas une équation à résoudre mais une simple réalité.
 
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