Jeux olympiques : quel bilan pour la désinformation russe ?

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Menaces terroristes fictives, agressions inventées d'athlètes, faux reportages de médias… Depuis le début de l'année 2024, au moins 38 intox, en majorité suspectées d'avoir été produites par la Russie, ont visé les Jeux olympiques de Paris. Malgré une audience importante pour quelques-unes, ces fausses nouvelles n'ont pas réussi à déstabiliser durablement le débat public. La rédaction des Observateurs de France 24 fait le bilan de la campagne des fausses nouvelles sur les JO.

Selon un décompte non exhaustif réalisé par la rédaction des Observateurs de France 24, au moins 38 fausses nouvelles liées aux JO ont été diffusées entre le début de l'année et la fin des Jeux. S'il est difficile d'établir avec certitude leur origine, parmi cet échantillon, 30 intox ont été vraisemblablement produites par la Russie.
Cette campagne de désinformation avait pour volonté de "créer le chaos, semer la peur et décourager les gens d'assister aux Jeux", résume auprès de la rédaction des Observateurs de France 24 Chine Labbé, rédactrice en chef Europe et vice-présidente de NewsGuard, société spécialisée dans les questions de désinformation.

En tout, les rédactions de France 24 et de nos confrères de RFI ont repéré au moins 24 fausses vidéos et articles usurpant l'identité de médias et diffusées sur Telegram. Généralement, la viralité de ces faux contenus a été relativement faible, de l'ordre de quelques milliers de vues, sauf deux exceptions dépassant les 100 000 vues. Neuf de ces vidéos ont également été partagées sur le réseau X avec une audience souvent réduite à quelques milliers de vues.

Ainsi que l'explique le service de l'État chargé de la protection contre les ingérences numériques Viginum, la plupart de ces vidéos ont été publiées dans le cadre de l'opération "Matriochka", une campagne de désinformation venant vraisemblablement de Russie et dont l'objectif est de décrédibiliser et de saturer les médias de fact-checking.

 
Avant les Jeux : un faux documentaire, des faux reportages

La première intox d'ampleur contre les Jeux remonte à l'été dernier. En juin 2023, le groupe russe de désinformation connu sous le nom de Storm-1679 publie sur Telegram un faux documentaire Netflix, "Olympics has fallen", en référence au film d'action américain de 2013 "Olympus has fallen". En quatre épisodes de neuf minutes, le documentaire prétend dénoncer la corruption supposée du CIO et accuse l'institution olympique d'agir comme un groupe mafieux. La série vidéo est un deepfake – c'est-à-dire une fausse vidéo créée artificiellement –, avec la voix de Tom Cruise, générée par IA, comme narrateur. Les vidéos ont été vues entre 80 000 et 170 000 fois selon Numerama.

En novembre 2023, des photos de tags liant les JO de Paris 2024 à ceux de Munich en 1972 – pendant lesquels 11 athlètes israéliens avaient trouvé la mort lors d'une prise d'otage – sont diffusées sur les réseaux sociaux, initialement sur des chaînes Telegram russes. Une enquête du Parisien révèle que ces graffitis sont fictifs.

À partir du printemps 2024, une nouvelle campagne de désinformation est lancée contre la France. Elle prend la forme d'une série de faux articles et vidéos usurpant l'identité de médias français et occidentaux et diffusés initialement sur des chaînes Telegram russophones. Un faux reportage portant le logo France 24 publié au mois de mars vise la popularité des Jeux. De nombreux touristes auraient annulé en masse leurs réservations de logement Airbnb à Paris pour les Jeux olympiques après l'évocation par Emmanuel Macron de la possibilité d'envoi de troupes au sol en soutien à l'Ukraine.

La thème de la sécurité est particulièrement privilégié par ces faux reportages. Au mois de juillet, une fausse de vidéo de l'AFP révèle une prétendue hausse de la criminalité avant les Jeux. La rumeur d'un report des JO face au danger terroriste est évoquée dans un reportage factice de la BBC. Sur le thème sécuritaire, l'identité de la CIA est également détournée dans une vidéo portant le logo de l'agence qui met en garde contre de supposées menaces terroristes
 
À l'approche des Jeux : un pic de désinformation

La désinformation à propos des JO devient beaucoup plus virale les tout derniers jours précédant la cérémonie d'ouverture du 26 juillet. Le 23 juillet, une fausse vidéo de menace d'attentat proférée par le Hamas, relayée par un influenceur prorusse dans un message en anglais, est vue au moins 14 millions de fois sur X. Dans le même temps, la diffusion d'un clip au message anti-JO et transphobe détournant l'identité du groupe punk russe Little Big est amplifiée par 30 000 bots pilotés par la Russie, révèle l'Associated Press. Le clip récolte alors 3,5 millions de vues.

Les intox concernant l'organisation proprement dite des JO connaissent un regain entre le 23 et le 25 juillet : la fausse nouvelle de l'agression d'un athlète australien et des critiques non fondées sur la solidité des lits en carton mis à disposition des athlètes engrangent des centaines de milliers de vues.

La cérémonie d'ouverture qui offrait un spectacle inclusif et multiculturel est également visée par une pluie d'intox, venant cette fois de groupes conservateurs "antiwokistes" ou complotistes qui croient apercevoir dans certaines scènes des symboles sataniques et l'acte d'exhibitionnisme d'un danseur. De fausses nouvelles sur de contre-manifestations prochrétiennes font au moins 3,4 millions de vues.
 
Pendant les Jeux : des intox sur la Seine, le genre des athlètes et le conflit Israël-Palestine

La désinformation continue pendant les épreuves.

Le 5 août, une fausse une de Libération montrant un triathlète vomissant après avoir nagé dans la Seine, prétendument à cause de la mauvaise qualité de l'eau, est partagée à 3 000 reprises et vue plus de 456 000 fois sur X. Une députée de La France insoumise reposte également la fausse une avant de retirer, en s'excusant, sa publication. Le mode opératoire de cet intox fait fortement penser à celui utilisé lors de la campagne russe de désinformation "Doppelgänger" visant à usurper l'identité de médias français.

D'autres fausses nouvelles sur les JO exploitent les tensions du conflit israélo-palestinien avec le détournement hors de son contexte d'une photo d'athlètes égyptiens exhibant le drapeau de la Palestine, vue 7,9 millions de fois sur un compte propalestinien, et d'un ancien cliché de nageurs israëliens appelant à la libération des otages retenus par le Hamas partagé par des comptes pro israéliens.

L'IA est utilisée pour la génération d'une photographie d'une nageuse affichant un message transphobe sur son maillot relayée par des comptes conservateurs.

Pour diviser l'opinion, les réseaux russes amplifient la controverse à propos du genre d'Imane Khelif, boxeuse algérienne accusée d'être un homme, explique l'Associated Press. Au pic de la polémique, des dizaines de milliers de posts par heure sont publiés sur X, révèle l'agence d'information.
 
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