Journalisme dans l'ombre de la législation anti-terroriste

La conférence internationale organisée par la Fédération Internationale des Journalists (FIJ) et la Fédération Européenne des Journalists (FEJ) sur le 'Journalisme dans l'ombre des lois anti-terroristes' a clôturé ses travaux aujourd'hui à Bruxelles sur l'adoption d'une déclaration exigeant la révision des mesures introduites dans la lutte contre le terrorisme qui sapent l'indépendance des journalistes.

La Déclaration reprise ci-après a été adoptée à la fin de deux jours de débats sur l'impact de la législation anti-terroriste passée dans la foulée des attaques du 11- septembre aux États-Unis sur le journalisme:

Nous, les participants à la Conférence organisée par la FIJ et la FEJ et intitulée «10 ans après le 11 Septembre, le journalisme dans l'ombre des lois antiterroristes», qui s'est tenue à Bruxelles les 10 et 11 septembre,

Notant que depuis les attaques terroristes du 11 Septembre 2001 aux États-Unis, la réponse des gouvernements à la menace du terrorisme avait été massivement disproportionnée, entraînant les conséquences suivantes :

· les droits fondamentaux sont systématiquement violés et sapés,

- une série de mesures de surveillance de masse ciblant les journalistes et les médias a été introduite,
- des lois et règlementations qui sapent près de la moitié des normes minimales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme des Nations Unies de 1948 sont en cours d'adoption par les gouvernements, souvent en l'absence d'examen et de débat, et
- les médias et le journalisme indépendant souffrent d'une «atmosphère de paranoïa généralisée » qui conduit à des niveaux dangereux d'autocensure,

Reconnaissant que ces lois, lorsqu'elles sont adoptées dans des Etats démocratiques, sont utilisés par des régimes autoritaires afin de renforcer leurs systèmes oppressifs, et ont dans la plupart des cas servi à limiter les voix discordantes à l'intérieur et à l'extérieur des médias et à restreindre la liberté d'expression,

Estimant que toutes les formes de violence aveugle et de terrorisme sont inacceptables et menacent la liberté du journalisme et de la presse,

Craignant que la majorité des mesures antiterroristes adoptées par les États au cours de la dernière décennie aient contribué à l'avènement d'une «société de surveillance» qui recourt à de nouvelles formes de « surveillance des données » faisant appel à la haute technologie pour surveiller les activités des journalistes, aux espions et agents infiltrés actifs dans les rédactions, et à la mise sur écoute des téléphones et à l'enregistrement des mouvements,

Rejetant le message que les droits fondamentaux peuvent être sacrifiés pour combattre le terrorisme et craignant en outre que l'intérêt de la «sécurité nationale» continue à permettre aux gouvernements de dissimuler des informations ou de passer outre aux protections constitutionnelles et légales qui devraient être accordées à la fois aux citoyens, aux journalistes et aux lanceurs d'alerte,
 
DÉCLARONS

1. Que les gouvernements ne doivent pas sacrifier les libertés civiles sous prétexte de sécurité;

2. Que toutes les lois sur le contre-terrorisme et la sécurité nationale, parmi lesquelles certaines ont été promulguées à la hâte juste après le 11 Septembre, devraient être révisées pour assurer le respect des normes internationales relatives aux droits de l'Homme et à la liberté d'expression;

3. Que les régimes obligatoires de rétention des données doivent être abrogés, et que des restrictions, des contrôles sur l'utilisation des pouvoirs de surveillance et des nouvelles technologies de sécurité, ainsi que de nouveaux mécanismes robustes pour protéger les renseignements personnels, doivent être établis;

4. Que les journalistes et les rédacteurs doivent conserver leur indépendance rédactionnelles et se prémunir contre l'autocensure, et que les médias doivent plus que jamais examiner activement les actions du gouvernement;

5. Que le rôle vital du journalisme indépendant, qui consiste à enquêter et à mettre en exergue l'impact des changements dans la politique de sécurité nationale et mondiale sur la société au sens large, est crucial pour l'avenir de la société démocratique;

6. Que l'organisation indépendante des journalistes au sein de syndicats et associations est une garantie essentielle pour la liberté de la presse, l'autorégulation et l'indépendance rédactionnelle;

7. Que toutes les formes de violence contre les médias et la prise pour cible des journalistes et collaborateurs des médias sont totalement inacceptables;

8. Que toute restriction à la liberté de mouvement des journalistes, toute pression exercée sur eux afin de révéler leurs sources d'information, ou toute manipulation des médias par les dirigeants politiques sur les questions de sécurité est inacceptable,

9. Que la FIJ / FEJ devrait

a) renforcer sa campagne auprès des syndicats de journalistes du monde entier pour les sensibiliser aux politiques de sécurité et à leur impact sur le droit de diffuser l'information,

b) réitérer la politique de la FIJ sur l'importance de la liberté de la presse, du pluralisme, de la diversité , de la liberté de la presse et d'une gouvernance transparente aux niveaux national et international, et la nécessité de la tolérance dans le journalisme, tel que cela a été adopté lors de la conférence internationale de Bilbao en 1997, et réitéré en 2005,

c) former une coalition aussi large que possible avec les autres syndicats, les défenseurs des droits de l'Homme, les patrons quand les circonstances l'exigent, d'autres organisations de médias et les groupes de la société civile actifs dans ce domaine pour contrer de nouvelles attaques envers les libertés civiles et les droits démocratiques,

d) faire pression pour introduire des lois sur la liberté d'information qui garantissent aux citoyens l'accès à l'information publique et restreignent l'application de dispositions relatives au secret d'État et pour l'élimination de toutes les lois qui criminalisent les actes de journalisme ou limitent la protection des sources,

e) promouvoir des débats aux niveaux national et international sur la nécessité d'une vigilance professionnelle, la conduite éthique et l'amélioration des capacités des journalistes de travailler sans pression politique injustifiée sous toutes ses formes, et le besoin de tolérance dans le journalisme.

Adopté à Bruxelles, le 11 septembre 2011
 
Retour
Haut