Bonjour
Voilà, dans la tradition occidentale, l'existence de la beauté a parfois servi d'argument pour l'existence de Dieu.
Il faut dire que jadis, les apologistes faisaient feu de tout bois et utilisaient à peu près n'importe quoi pour justifier Dieu : le bien était une confirmation de la providence divine à l'oeuvre alors que le mal prouvait la nécessité d'une justice divine après la mort pour compenser et rétablir l'ordre troublé...
Toujours est-il qu'on parlait des belles choses dans la nature** et des œuvres d'art (peinture, sculpture, poésie, musique classique, musique liturgique, etc.) pour soutenir que seul Dieu pouvait être la source de choses aussi sublimes. La beauté aurait un caractère de transcendance en elle qui nous élèverait au-dessus du monde ordinaire.
Cet argument n'est pas parmi les plus populaires, mais il est là.
Je crois cependant qu'il s'autoréfute.
Si la beauté des bébés, des chatons ou d'un coucher de soleil est prise comme argument pour Dieu, la laideur d'une araignée ou d'une malformation physique devrait à plus forte raison compter comme argument contre lui! Le seul fait qu'on soit sensible à la laideur représente un problème pour Dieu.
La question n'est même pas si la laideur a une existence objective ou si elle n'existe que dans notre perception. La laideur est comme la douleur : du moment qu'on la perçoit, on ne doute pas de son existence. Elle existe évidemment dans la perception, et déjà alors, c'est trop, ça nous dérange.
La question n'est pas non plus si la laideur est un « être » ou une « privation d'être ». Il y a des croyants qui disent que le mal est une privation d'être. En effet, si Dieu est la source de tout être, et que le mal était un être, alors Dieu serait la source du mal. Une privation, au contraire, est un non-être, elle participe au néant, donc elle ne vient pas de Dieu (du moins selon ces croyants). Par exemple la surdité n'est pas une réalité substantielle, mais la privation chez un être humain d'une faculté naturelle. C'est plutôt le sens de l'ouïe qui est une manière d'être positive. Le mal serait la corruption d'une chose bonne, et non une chose elle-même. Par exemple un scorpion n'est pas réellement une « mauvaise chose ». Mais une maladie l'est.
La question, dis-je, n'est pas sur ce plan non plus. La laideur nous affecte peu importe qu'on la nomme « être » ou « privation d'être ». Elle a une réalité indéniable dans nos perceptions, et dès lors, il y a un sens où il est impossible de nier son existence, sa présence, et l'effet qu'elle produit sur nous. Au-delà de nos perceptions, qu'importe qu'il n'y ait pas de choses intrinsèquement laides ou positivement laides. Cela ne nous fera ni chaud ni froid.
On pourrait soutenir que la laideur est objectivement l'expression d'un rapport dissonant entre notre sensibilité personnelle et certaines configurations de la matière. Tout comme le poison nous empoisonne parce que chimiquement, il ne convient pas à notre corps, il n'est pas compatible avec lui (le poison a donc une existence relative). La laideur résulterait donc d'un rapport désordonné, c'est-à-dire d'un rapport privé d'ordre.
On en en arriverait par là à reposer la laideur comme privation d'être dans une tentative d'innocenter la Source de tout être. Mais comme je dis, ce genre de tentative est vaine. Qu'on explique objectivement la laideur, ou en tout cas la cause de la laideur, je veux bien, mais c'est dans la perception que réside réellement l'être de la laideur, et qu'elle nous perturbe. La laideur est perçue, donc elle existe, peu importe qu'on la nomme subjective ou objective. L'expérience de la laideur fait donc partie de la réalité vécue, et c'est cela qui défie la bonté de Dieu...
En conclusion, la laideur ça craint.
** Curieusement, les philosophes et les théologiens qui en ont parlé ne parlaient pas d'habitude de la beauté qui suscite le désir sexuel.
Voilà, dans la tradition occidentale, l'existence de la beauté a parfois servi d'argument pour l'existence de Dieu.
Il faut dire que jadis, les apologistes faisaient feu de tout bois et utilisaient à peu près n'importe quoi pour justifier Dieu : le bien était une confirmation de la providence divine à l'oeuvre alors que le mal prouvait la nécessité d'une justice divine après la mort pour compenser et rétablir l'ordre troublé...
Toujours est-il qu'on parlait des belles choses dans la nature** et des œuvres d'art (peinture, sculpture, poésie, musique classique, musique liturgique, etc.) pour soutenir que seul Dieu pouvait être la source de choses aussi sublimes. La beauté aurait un caractère de transcendance en elle qui nous élèverait au-dessus du monde ordinaire.
Cet argument n'est pas parmi les plus populaires, mais il est là.
Je crois cependant qu'il s'autoréfute.
Si la beauté des bébés, des chatons ou d'un coucher de soleil est prise comme argument pour Dieu, la laideur d'une araignée ou d'une malformation physique devrait à plus forte raison compter comme argument contre lui! Le seul fait qu'on soit sensible à la laideur représente un problème pour Dieu.
La question n'est même pas si la laideur a une existence objective ou si elle n'existe que dans notre perception. La laideur est comme la douleur : du moment qu'on la perçoit, on ne doute pas de son existence. Elle existe évidemment dans la perception, et déjà alors, c'est trop, ça nous dérange.
La question n'est pas non plus si la laideur est un « être » ou une « privation d'être ». Il y a des croyants qui disent que le mal est une privation d'être. En effet, si Dieu est la source de tout être, et que le mal était un être, alors Dieu serait la source du mal. Une privation, au contraire, est un non-être, elle participe au néant, donc elle ne vient pas de Dieu (du moins selon ces croyants). Par exemple la surdité n'est pas une réalité substantielle, mais la privation chez un être humain d'une faculté naturelle. C'est plutôt le sens de l'ouïe qui est une manière d'être positive. Le mal serait la corruption d'une chose bonne, et non une chose elle-même. Par exemple un scorpion n'est pas réellement une « mauvaise chose ». Mais une maladie l'est.
La question, dis-je, n'est pas sur ce plan non plus. La laideur nous affecte peu importe qu'on la nomme « être » ou « privation d'être ». Elle a une réalité indéniable dans nos perceptions, et dès lors, il y a un sens où il est impossible de nier son existence, sa présence, et l'effet qu'elle produit sur nous. Au-delà de nos perceptions, qu'importe qu'il n'y ait pas de choses intrinsèquement laides ou positivement laides. Cela ne nous fera ni chaud ni froid.
On pourrait soutenir que la laideur est objectivement l'expression d'un rapport dissonant entre notre sensibilité personnelle et certaines configurations de la matière. Tout comme le poison nous empoisonne parce que chimiquement, il ne convient pas à notre corps, il n'est pas compatible avec lui (le poison a donc une existence relative). La laideur résulterait donc d'un rapport désordonné, c'est-à-dire d'un rapport privé d'ordre.
On en en arriverait par là à reposer la laideur comme privation d'être dans une tentative d'innocenter la Source de tout être. Mais comme je dis, ce genre de tentative est vaine. Qu'on explique objectivement la laideur, ou en tout cas la cause de la laideur, je veux bien, mais c'est dans la perception que réside réellement l'être de la laideur, et qu'elle nous perturbe. La laideur est perçue, donc elle existe, peu importe qu'on la nomme subjective ou objective. L'expérience de la laideur fait donc partie de la réalité vécue, et c'est cela qui défie la bonté de Dieu...
En conclusion, la laideur ça craint.
** Curieusement, les philosophes et les théologiens qui en ont parlé ne parlaient pas d'habitude de la beauté qui suscite le désir sexuel.