A
AncienMembre
Non connecté
Que la bénédiction de celles et ceux qui te sont chers soient sur toi, humble lecteur !
A travers ce topic fleuve, où je vous raconterais de nombreuses anecdotes, j'aimerais vous révéler le caractère si particulier de mes parents que j'aime tellement. J'espère que nombre d'entre vous y retrouveront une description des leurs. Aussi, je vous invite à rédiger leurs anecdotes si l'envie vous en prend.
A chaque nouveau post, je publierai en préambule les liens vers les posts précédents, pour ne pas perdre le fil.
Mon père avait 28 ans lorsqu’il rencontra ma mère pour la première fois. Il ne l’avait jamais vu auparavant et, pour être tout à fait honnête, il n’était pas motivé à la rencontrer ce jour-là. Son cœur meurtri était déjà pris par une autre femme. Femme avec laquelle il s'était fiancé quelques années auparavant en France. Mais cette union fut catégoriquement refusée par son père. La fiancée était Algérienne et fille de harki de surcroît, ce qui à ses yeux était tout bonnement inconcevable. D’ailleurs quand il avait appris la nouvelle par voie postale, il écrivit à son fils une lettre au vitriol où il le menaça de le déshériter et l’enjoignit à se considérer orphelin s’il épousait cette cagole. Ma tante nous raconta des années plus tard comment elle avait volontairement évité de reproduire certains mots durs dictés par mon grand-père.
Ma mère avait 21 ans le jour de la rencontre. Elle travaillait dans une boutique tenue par une juive française à Casablanca. Oui, oui cher amis, vous avez bien lu ! Inutile de relire. On est bien en 1976, au Maroc, un pays musulman, où les femmes travaillaient déjà ! A cette époque, le Maroc pouvait s’enorgueillir d’octroyer à la femme marocaine des villes l’un des meilleurs statuts dans le monde arabe, si ce n’est le meilleur.
Ma mère partait seule au travail le matin et en rentrait seule le soir. Elle portait un chemisier et une jupe qui lui descendait jusqu’aux genoux. Chose tout à fait commune dans un Maroc pas encore gangrenée par l'intégrisme d'analphabète (remarquez que je n'ai pas utilisé le terme Islamisme). Personne ne lui faisait de remarques.
Aujourd’hui, quand elle observe de jeunes barbus incultes faire régner la terreur autour d’eux, son cœur se serre. Il se serre deux fois plus lorsqu’elle croise de jeunes filles, à peine pubères, enveloppées dans de grosses étoffes noires se balader en parlant comme ne parlaient que les femmes travaillant dans les cabarets à son époque. L’intégrisme d’analphabète.
Ma mère donc, nous venons de la voir, était une femme indépendante. Mais, ce qui la caractérisait par rapport aux filles de son époque, c’était clairement son esprit. C’était une femme intelligente qui parlait couramment le français. Très mûre pour son âge, elle pensait et interprétait le monde qui l’entourait. L’injustice, la justice, le bon, le mauvais, la religion, les principes, les valeurs, la richesse, la dignité, la vérité, le mensonge, les faux semblants c’étaient autant de concepts qu’elle avait, elle seule, pensé sans lire au préalable tel ou tel philosophe. Aujourd’hui encore, je me surprends de découvrir dans des livres de philosophies des pensées qui ressemblent à ce qu’a produit ma mère dans sa tête pendant qu’elle traversait, à pieds, les longues distances qui séparaient son domicile de son école et, plus tard, de sa boutique. Ces pensées ont fait d’elle une femme qui avait très vite mûrit au grand dam de sa mère adoptive qui s’avérait être en réalité sa tante stérile à qui on l’avait confiée bébé. Ma mère n’apprit la vérité que bien plus tard ce qui produisit en elle d’énormes troubles psychologiques dont les effets se sentent encore aujourd’hui, à l’heure où je pose ses lignes.
Sa mère adoptive ne supportait pas les mises en garde de ma mère sur sa façon de conduire sa vie. Imaginez le tableau : ma mère était « enfant unique » et gâtée comme on ne saurait l’imaginé dans le Maroc de l’époque. Ma mère croulait sous les jouets, les robes, les sucreries que lui offraient sa mère adoptive et … ses maris successifs. En effet, sa mère adoptive était une très jolie femme, très courtisée. Bien que stérile, les hommes faisaient des pieds et des mains pour conquérir le cœur de cette célibataire tant désirée. Ma mère passera plus tard des heures à me raconter le dégoût que lui provoquait ses hommes qui, parfois mariés, parfois hejs, reniaient leur dignité et leur rang pour attirer une once d’attention de cette femme. Ce dégoût détermine pour beaucoup l’éducation qu’elle a voulu nous donner à nous, ses fils. Rien que nous imaginer, plus tard, alors que nous serions devenus vieux, les cheveux blancs, peut-être chauves, le visage plié par les années, en train de se comporter comme ces hommes, lui donnait envie de vomir.
Pardon mama, j'ai déjà de nombreuses fois failli à cette noble éducation.
à suivre
A travers ce topic fleuve, où je vous raconterais de nombreuses anecdotes, j'aimerais vous révéler le caractère si particulier de mes parents que j'aime tellement. J'espère que nombre d'entre vous y retrouveront une description des leurs. Aussi, je vous invite à rédiger leurs anecdotes si l'envie vous en prend.
A chaque nouveau post, je publierai en préambule les liens vers les posts précédents, pour ne pas perdre le fil.
Mon père avait 28 ans lorsqu’il rencontra ma mère pour la première fois. Il ne l’avait jamais vu auparavant et, pour être tout à fait honnête, il n’était pas motivé à la rencontrer ce jour-là. Son cœur meurtri était déjà pris par une autre femme. Femme avec laquelle il s'était fiancé quelques années auparavant en France. Mais cette union fut catégoriquement refusée par son père. La fiancée était Algérienne et fille de harki de surcroît, ce qui à ses yeux était tout bonnement inconcevable. D’ailleurs quand il avait appris la nouvelle par voie postale, il écrivit à son fils une lettre au vitriol où il le menaça de le déshériter et l’enjoignit à se considérer orphelin s’il épousait cette cagole. Ma tante nous raconta des années plus tard comment elle avait volontairement évité de reproduire certains mots durs dictés par mon grand-père.
Ma mère avait 21 ans le jour de la rencontre. Elle travaillait dans une boutique tenue par une juive française à Casablanca. Oui, oui cher amis, vous avez bien lu ! Inutile de relire. On est bien en 1976, au Maroc, un pays musulman, où les femmes travaillaient déjà ! A cette époque, le Maroc pouvait s’enorgueillir d’octroyer à la femme marocaine des villes l’un des meilleurs statuts dans le monde arabe, si ce n’est le meilleur.
Ma mère partait seule au travail le matin et en rentrait seule le soir. Elle portait un chemisier et une jupe qui lui descendait jusqu’aux genoux. Chose tout à fait commune dans un Maroc pas encore gangrenée par l'intégrisme d'analphabète (remarquez que je n'ai pas utilisé le terme Islamisme). Personne ne lui faisait de remarques.
Aujourd’hui, quand elle observe de jeunes barbus incultes faire régner la terreur autour d’eux, son cœur se serre. Il se serre deux fois plus lorsqu’elle croise de jeunes filles, à peine pubères, enveloppées dans de grosses étoffes noires se balader en parlant comme ne parlaient que les femmes travaillant dans les cabarets à son époque. L’intégrisme d’analphabète.
Ma mère donc, nous venons de la voir, était une femme indépendante. Mais, ce qui la caractérisait par rapport aux filles de son époque, c’était clairement son esprit. C’était une femme intelligente qui parlait couramment le français. Très mûre pour son âge, elle pensait et interprétait le monde qui l’entourait. L’injustice, la justice, le bon, le mauvais, la religion, les principes, les valeurs, la richesse, la dignité, la vérité, le mensonge, les faux semblants c’étaient autant de concepts qu’elle avait, elle seule, pensé sans lire au préalable tel ou tel philosophe. Aujourd’hui encore, je me surprends de découvrir dans des livres de philosophies des pensées qui ressemblent à ce qu’a produit ma mère dans sa tête pendant qu’elle traversait, à pieds, les longues distances qui séparaient son domicile de son école et, plus tard, de sa boutique. Ces pensées ont fait d’elle une femme qui avait très vite mûrit au grand dam de sa mère adoptive qui s’avérait être en réalité sa tante stérile à qui on l’avait confiée bébé. Ma mère n’apprit la vérité que bien plus tard ce qui produisit en elle d’énormes troubles psychologiques dont les effets se sentent encore aujourd’hui, à l’heure où je pose ses lignes.
Sa mère adoptive ne supportait pas les mises en garde de ma mère sur sa façon de conduire sa vie. Imaginez le tableau : ma mère était « enfant unique » et gâtée comme on ne saurait l’imaginé dans le Maroc de l’époque. Ma mère croulait sous les jouets, les robes, les sucreries que lui offraient sa mère adoptive et … ses maris successifs. En effet, sa mère adoptive était une très jolie femme, très courtisée. Bien que stérile, les hommes faisaient des pieds et des mains pour conquérir le cœur de cette célibataire tant désirée. Ma mère passera plus tard des heures à me raconter le dégoût que lui provoquait ses hommes qui, parfois mariés, parfois hejs, reniaient leur dignité et leur rang pour attirer une once d’attention de cette femme. Ce dégoût détermine pour beaucoup l’éducation qu’elle a voulu nous donner à nous, ses fils. Rien que nous imaginer, plus tard, alors que nous serions devenus vieux, les cheveux blancs, peut-être chauves, le visage plié par les années, en train de se comporter comme ces hommes, lui donnait envie de vomir.
Pardon mama, j'ai déjà de nombreuses fois failli à cette noble éducation.
à suivre