Mon pays est malade. Je ne reconnais plus ma patrie, dite « des droits-de-l’homme ». Suite aux attentats de Charlie Hebdo, et à la récupération à la fois politique et médiatique de cet événement dramatique, une sorte de folie collective a pris bon nombre de mes concitoyens, transformés par millions en « Charlie », quand bien même la plupart n’avaient jamais acheté un seul exemplaire de ce journal satirique de leur vie… Ne voient-ils pas la supercherie dont ils sont à la fois les victimes, et les acteurs ?
Alors qu’ils étaient appelés à venir manifester en masse le 11 janvier dernier, notamment pour soutenir la liberté d’expression, dès le lendemain une chape de censure sans précédent s’était abattue sur la France. A tel point qu’Amnesty International s’en est inquiété : arrestations abusives, y compris de jeunes adolescents, restrictions des libertés, y compris d’expression, y compris de la caricature, stigmatisation de l’Islam… Bref, nous assistons à un triomphe de la pensée unique, avec ses tribunaux inquisitoires, et ses grands prêtres de la Morale. Les plus attentifs n’auront pas manqué d’observer une liberté d’expression à géométrie variable, et des tentatives de récupérations politiques plutôt grossières, afin de servir des agendas politiques ; Benjamin Netanyahou s’est particulièrement illustré dans cet « exercice » cynique au possible.
« Nous devons repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie »
Dans ce contexte, la première journaliste à m’avoir donné des frissons dans le dos (des frissons d’effroi, je précise), c’estNathalie Saint Cricq, qui répondait sur France 2 à la journaliste Elise Lucet. Je vous relaie l’extrait, d’autant plus que les français qui ne regardent plus la télévision sont de plus en plus nombreux, paraît-il…
Elise Lucet : « Comment les politiques peuvent-ils être à la hauteur des attentes qui sont immenses ? »
Nathalie Saint Cricq : « Et bien, Elise, en travaillant ensemble, afin de déterminer sans hystérie ce qui n’a pas marché dans notre système de renseignement, sans se renvoyer à la figure la responsabilité des erreurs et des faillites policières (et il y en a eues). En réfléchissant aussi en commun sur tout ce qui doit être amélioré, et on l’a vu ; améliorer d’urgence les écoutes, la surveillance en prison, la surveillance policière sur le terrain… Autant de choses qui coûtent cher ; et enfin que toute la gauche assume son véritable tournant sécuritaire, et que la droite prenne le risque de la soutenir sans jouer la sur-enchère et les moulinets. »
EL : « On parle de beaucoup, Nathalie, ces derniers jours d’Unité Nationale. Mais attention : toute la France n’était pas dans la rue hier [dimanche 11 janvier, ndj] »
NSC : « Non Elise, il ne faut pas faire preuve d’angélisme. C’est justement ceux qui ne sont pas Charlie qu’il faut repérer. Dans certains établissements scolaires, on refusait la minute de silence ; ceux qui balancent sur les réseaux sociaux ; et ceux qui ne voient pas en quoi ce combat est le leur. Et bien ce sont eux que nous devons repérer, traiter, intégrer ou ré-intégrer dans la communauté nationale. Et là, l’école et les politiques ont une lourde responsabilité. »
Le décors est planté… Et nous ne sommes alors que le 12 janvier !
« Je veux mon Charlie » : hystérie collective dans les kiosques à journaux
Le mercredi 14 janvier, jour de sortie du premier numéro de l’hebdomadaire depuis les attentats, c’est une véritable hystérie collective. Très vite, les vendeurs manquent de numéros, et il faudra plusieurs retirage. D’ordinaire vendu à 60 000 exemplaires, il en faut cette fois-ci des millions. Ici à Toulouse, une cliente, excédée de ne pouvoir se le procurer, vandalise le bureau de tabac-presse, avant de tenter d’en voler un exemplaire..
En Israël, c’est sur Internet que les stocks de journal sont vendus en quelques minutes seulement. Bien entendu, le nouveau numéro met en Une une nouvelle caricature du Prophète, particulièrement provocante : le trait du turban et du nez sont composés de deux sexes masculins schématisés ; surtout, il vient d’y avoir 12 morts, et cette nouvelle provocation semble inopportune aux yeux de beaucoup d’observateurs.