La dignité humaine introuvable

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Bonjour :timide:

Voilà, dans le droit de plusieurs pays occidentaux depuis deux siècles, mais aussi à l'ONU, il y a une reconnaissance implicite ou explicite de la notion de « dignité humaine » comme fondement des droits reconnus aux personnes et comme limites imposées aux pouvoirs en place (par exemple EN PRINCIPE la police s'interdit d'avoir recours à la torture).

Les humains ont des droits (et des droits égaux, sans distinction de sexe, de « race », de croyance, etc.) parce qu'ils ont en eux cette chose appelée dignité. Cette dignité est déjà en place à la naissance et va « adhérer » aux personnes quoi qu'elles puissent faire. Même les condamnés à mort la préservent, de sorte que même eux peuvent exercer certains droits...

Ce concept de dignité, à la base du droit moderne, est un concept d'origine philosophique et théologique. Il tire son origine de la pensée biblique, de la pensée grecque (en particulier, de Platon, d'Aristote et des stoïciens), de la tradition du Droit naturel développée en Europe, et du siècle des Lumières (avec Emmanuel Kant, en particulier, mais aussi le libéralisme anglais et français).

Or, les philosophes débattent encore de cette idée de dignité, qui semble difficile à cerner et parfois risque de se dissoudre si on la soumet à une analyse trop serrée...

Ce qu'il faut savoir des débats contemporains, avant tout, c'est que la plupart des philosophes s'entendent grosso modo sur deux choses :

- On ne peut plus mettre une religion, ou même un Dieu quelconque, au fondement de notre droit, car il semble impossible d'en prouver l'existence et de justifier une religion en particulier avec des arguments rationnels (au point d'exclure catégoriquement et sans appel toute autre position).

- La métaphysique, la philosophie de « l'Être », et ses concepts hérités de Platon et d'Aristote et raffinés au Moyen Âge et au 17e siècle, cela ne fonctionne plus, ou du moins, la plupart des philosophes contemporains ne recourent pas à la métaphysique et ne croient pas à cette « discipline », ni à ses prétentions d'apporter des vérités sur la réalité et l'être humain. La plupart des philosophes de nos jours croient que la tâche de connaître la réalité « objective » revient à la science tandis que la philosophie a d'autres finalités, par exemple s'interroger sur des normes, des valeurs, la connaissance, des préjugés, ou encore d'interpréter certains résultats de la science, etc.

Or, si on écarte à la fois la religion et la métaphysique, que nous reste-t-il pour fonder cette dignité humaine, et par là nos droits?

Voici en particulier le problème posé dans toute son acuité : si on parle de dignité humaine, il faut supposer quelque chose que tous les humains partagent à parts égales, malgré le fait qu'ils sont si différents et inégaux à plusieurs égards. Il faut aussi supposer quelque chose qui revient aux humains, mais qui échappe aux animaux (à tout le moins, à presque tous les animaux).

Quelle est cette chose, ce X, cette inconnue de l'équation, qui nous donnerait la clé de notre idée de dignité humaine?

Traditionnellement, on suggérait des choses comme : la pensée rationnelle, la liberté, le langage, la sensibilité supérieure, la sociabilité, la capacité d'agir moralement... et au-delà, on retombait assez vite dans les concepts métaphysiques et religieux (Image de Dieu, révélation, Incarnation, âme immortelle, nature humaine sacrée, etc.)

Sauf que dans le dernier siècle, si ce n'est plus, on a bien vu que les humains n'avaient pas ces attributs à parts égales, et, d'autre part, certains animaux supérieurs étaient plus proches des humains qu'on ne l'admettait (sans parler des théories de l'évolution qui nous attribuent un lien de parenté). En fait certains humains sont si gravement malades, handicapés ou immatures dans leur développement que certains animaux ont l'air d'avoir plus d'intelligence, de maîtrise de soi, de langage ou de liberté qu'eux!!

On appelle cela : l'argument des cas marginaux.

Malgré tout une personne normale ne voudrait pas qu'on donne plus de droits à un macaque qu'à un trisomique (par exemple). Mais comment expliquer cette intuition? Ou encore prenons le cas de l'avortement : qu'est-ce qui fait qu'on ne reconnaît pas de droit à la vie à un embryon de deux semaines, mais oui à un bébé naissant? Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps? Et si on part de là, pourquoi est-il plus grave, juridiquement, de torturer un chiot que de tuer un embryon? Comment nos émotions, notre raison, notre éducation et nos intuitions morales participent-elles à nos réactions?

😰
 

Hibou57

Comme-même (tm)
VIB
Bonjour :timide:

Voilà, dans le droit de plusieurs pays occidentaux depuis deux siècles, mais aussi à l'ONU, il y a une reconnaissance implicite ou explicite de la notion de « dignité humaine » comme fondement des droits reconnus aux personnes et comme limites imposées aux pouvoirs en place (par exemple EN PRINCIPE la police s'interdit d'avoir recours à la torture).

Les humains ont des droits (et des droits égaux, sans distinction de sexe, de « race », de croyance, etc.) […]
Ça m’étonnerait, vu que l’ONU est féministe.

(je lis la suite)
 

Hibou57

Comme-même (tm)
VIB
Or, les philosophes débattent encore de cette idée de dignité, qui semble difficile à cerner et parfois risque de se dissoudre si on la soumet à une analyse trop serrée...
Se dissout comment et pourquoi ?

Or, si on écarte à la fois la religion et la métaphysique, que nous reste-t-il pour fonder cette dignité humaine, et par là nos droits?
Je crois que les religions posent plus la question qu’elles n’y répondent, sans vouloir dire qu’elles n’y répondent pas du tout, et que la métaphysique ne se préoccupe simplement pas de cette question.

De plus, comme suggéré dans ce que tu disais juste avant, ce ne sont finalement pas les religions qui sont écartés, ce qui est écarté, c’est l’arbitrage entre elles.

Malgré tout une personne normale ne voudrait pas qu'on donne plus de droits à un macaque qu'à un trisomique (par exemple). Mais comment expliquer cette intuition?
Pourquoi, plus ? C’est déjà ce que l’intuition dirait :p

Ou encore prenons le cas de l'avortement : qu'est-ce qui fait qu'on ne reconnaît pas de droit à la vie à un embryon de deux semaines, mais oui à un bébé naissant? Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps?
Ce qu’il s’est passé entre temps, c’est la gangrène féministe, cette insulte permanente à la dignité humaine :ange: .
 

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
@Hibou57

Quand je parle de dissoudre, c’est que le questionnement et le doute philosophiques peuvent rendre problématiques des idées qui semblaient claires au sens commun. Par exemple cette idée de dignité, qui suscite tant d’attachement, mais qu’on n’arrive pas toujours à clarifier, et qui pose des difficultés dans des situations ambiguës (l’argument des cas marginaux, les foetus, les grands singes...)

Ou encore, autre exemple, l’idée de liberté. Si je dis « je suis libre », qu’est-ce que cela veut dire concrètement, et ai-je raison de le dire? C’est facile de se penser libre. C’est un sentiment spontané quand on ne voit aucune contrainte peser sur nous. Mais il faut aller plus loin. Un sentiment peut être illusoire. Certains fous se croient libres, mais nous on sait qu’ils le sont pas.

Un autre exemple : selon les chrétiens fondamentalistes, la venue de Jésus et certains faits de sa vie et de sa mort étaient prophétisés dans l’Ancien Testament, plusieurs siècles avant. Un historien se demandera si ces textes qu’on présente comme des prophéties ne seraient pas lus hors contexte... Mais un philosophe, quant à lui, se demandera comment une prophétie « fonctionnerait » du point de vue causal et logique.
 

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
@Hibou57

Ce qui est rejeté, c’est non seulement l’arbitrage entre les religions, mais aussi entre une religion et l’incroyance. Le débat sur les dieux dure depuis des millénaires, et aucune conclusion ferme ne semble acquise. Mais il faut trouver un arrangement pour vivre ensemble quand même, sachant qu’on ne s’entendra jamais sur la « vraie » religion ou vision du monde. Donc plusieurs philosophes essaient de trouver un terrain commun de discussion entre différentes positions.
 

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB

Oui, mais cela ne fait que déplacer le problème. Qu’est-ce qui rend l’humanité précieuse et sacrée? Et pourquoi faire un regroupement autour de l’humanité, et non un regroupement plus large ou plus restreint? Par exemple les primates ou les mammifères (plus larges) ou les personnes saines d’esprit (plus restreint) ou les personnes respectueuses des lois (plus restreint) ou les personnes de telle communauté religieuse ou telle nation (cf Jean-Marie Le Pen « la France et les Français d’abord ou Donald Trump « America first »)?
 
A

AncienMembre

Non connecté
Oui, mais cela ne fait que déplacer le problème. Qu’est-ce qui rend l’humanité précieuse et sacrée? Et pourquoi faire un regroupement autour de l’humanité, et non un regroupement plus large ou plus restreint? Par exemple les primates ou les mammifères (plus larges) ou les personnes saines d’esprit (plus restreint) ou les personnes respectueuses des lois (plus restreint) ou les personnes de telle communauté religieuse ou telle nation (cf Jean-Marie Le Pen « la France et les Français d’abord ou Donald Trump « America first »)?

Je ne pense pas qu'il y ait un problème dans l'absolu.
Peut-être distingues-tu mal entre 1) le droit, dont l'objet est l'atteinte d'une situation idéale, auquel cas le critère de l'humanité au sens large est le plus adéquat, bien que je te concède qu'il résulte d'un choix, celui d'exclure les autres espèces; et 2) la réalité, qui force à constater des discriminations entre les hommes pour les motifs les plus divers. En droit, ce type d'inégalités est intolérable mais hélàs, ce n'est pas de critères qu'on manque pour les combattre mais de moyens concrets et efficaces, tant elles sont puissantes. Certains Etats y parviennent mieux que d'autres et certaines personnes ou groupes travaillent dans le sens de cette lutte.

Je pense que les "America first" & co (qui peuvent se traduire par du droit) ne sont que le symptôme et l'aveu de l'impuissance des États à honorer l'humanité sans distinctions, tellement c'est difficile - ou pas souhaitable ou intéressant...
 
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