Nous connaissons bien les discriminations sexuelles et raciales, moins la hiérarchie des nationalités.
Dans son nouveau livre ‘Inside Qatar’, l’anthropologue John McManus demande à un serveur de bar népalais de Doha de lui expliquer la hiérarchie de l’État du Golfe. “Qui est au sommet ?” demande l’auteur. “Les Qataris, évidemment”, répond le barista. “Deuxièmement, les pays européens et les États-Unis. Troisièmement, les autres pays et nationalités arabes.” Et en bas de l’échelle ? “Toujours le Népal, l’Inde, le Sri Lanka.” Comme le suggère John McManus, il manque peut-être une couche : “Tous les agents de sécurité sont des Africains noirs.”Question de nationalité plus que de couleur de peau
Les notions de discrimination sexuelle et raciale nous sont familières, mais ce qui est décrit ici est la discrimination par nationalité. C’est au Qatar qu’elle est la plus flagrante et la plus décomplexée, en partie parce que le monde entier s’y retrouve. Mais elle existe dans toutes les villes mondiales et sur tous les lieux de travail internationaux. La discrimination fondée sur la nationalité ne recoupe que partiellement la discrimination raciale : un Noir américain aura généralement un statut plus élevé qu’un Ghanéen, de même qu’un Suédois est mieux classé qu’un Lituanien. Cette hiérarchie tacite des nationalités a une influence sur le parcours de vie de chacun d’entre nous.Le principe sur lequel se fonde cette hiérarchie considère la nationalité comme une compétence. L’auteur Alex Bellos écrit à ce propos : “L’expression ‘joueur de football brésilien’ équivaut à ‘chef cuisinier français’ ou ‘moine tibétain’. La nationalité exprime une autorité, une vocation innée pour le métier – quelles que soient les aptitudes naturelles.” Un footballeur brésilien sera donc valorisé par rapport à un Mexicain aussi bon, tandis qu’un ingénieur allemand sera embauché plus rapidement qu’un Guatémaltèque.
La nationalité détermine l’emploi
Nous représentons tous, en partie, nos marques nationales. Notre nationalité est la première chose que de nombreux employeurs potentiels prennent en compte. Les universitaires Jon Horgen Friberg et Arnfinn H. Midtbøen écrivent dans leur étude sur l’industrie hôtelière et l’industrie de transformation du poisson en Norvège : “Vous postulez pour un emploi de réceptionniste dans un hôtel ? Votre ‘suédoisité’ peut indiquer votre capacité à fournir un service amical et agréable. Vous postulez pour un emploi d’emballeur de poisson ? Le fait d’être lituanien garantit aux employeurs que vous travaillerez dur et que vous ne vous plaindrez pas des longues heures”.Une personne ayant la “mauvaise” nationalité ne peut pas accéder facilement à un emploi correspondant à ses talents. Un directeur d’hôtel norvégien a raconté à Jon Horgen Friberg et Arnfinn H. Midtbøen le cas d’une ancienne réceptionniste d’origine turque : “Elle était assidue, polie, répondait aux mails et aidait les clients. Pourtant, elle n’a jamais reçu de retours positifs de la part des clients. Alors elle m’a demandé : ‘Qu’est-ce qui ne va pas ?’. J’ai dû lui dire : ‘Tu sais quoi, c’est juste que ça ne fonctionne pas. Tu fais tout comme il faut, le problème est plus lié à ta personne”. Il lui a donc confié un poste en coulisses.