La forteresse mortelle de l’europe

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Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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Mes fils d’actualités sur les réseaux sociaux sont remplis d’enfants morts. De petits corps, échoués sur les rives d’une plage de la Méditerranée.

Pourquoi sont-ils échoués sur les rives ? Les gouvernements européens veulent que nous blâmions les trafiquants. L’avantage qui consiste à le faire, c’est que ça permet effectivement aux gouvernements de mettre en œuvre des mesures encore plus répressives. Mais les trafiquants ne sont là que pour tirer rapidement profit d’un système que les gouvernements européens ont créé.

Il est incroyablement difficile d’entrer dans la « forteresse Europe » en qualité de réfugié-e. Selon le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, en dehors de tous les obstacles juridiques, même les réfugié-e-s sont confronté-e-s à une politique de « refoulement illégal », dans laquelle les forces gouvernementales grecques utilisent illégalement la violence et les menaces pour empêcher les demandeurs d’asile – dont beaucoup en provenance de Syrie via la Turquie – d’entrer dans l’Union européenne.

S’ils passent par la Bulgarie, ils sont enfermés dans « camps » prisons. Ils vivent de faibles rations de nourriture dans ce qu’Amnesty International appelle des conditions cruelles et inhumaines, et demeurent dans la crainte d’attaques racistes. S’ils essaient de traverser du Maroc à l’Espagne ou de la Libye à l’Italie, ils risquent la mort au beau milieu de la Méditerranée.

C’est dans ce contexte qu’il y a une urgence en mer. Comme l’Office international des migrations le souligne, il y a eu une montée en puissance drastique des contrôles aux frontières, en particulier des contrôles aux frontières maritimes de l’Europe, en particulier sous la forme de l’Opération Triton – une mesure répressive de contre-migration souvent décrite à tort comme une opération de recherche et de sauvetage.

Cela explique en partie pourquoi le taux de décès croît exponentiellement dans la Méditerranée, tout en diminuant dans d’autres parties du monde. Sans autres moyens de voyager, sans possibilité d’entrée légalement en tant que réfugié-e-s, les migrant-e-s prennent le bateau. Et c’est une embarcation de fortune, naviguant dans des conditions précaires, dans des circonstances de surveillance terrifiante.

Comme Al Jazeera l’a rapporté l’année dernière, le nombre de décès dans la mer Méditerranée est en hausse – plus de 3 000 au cours des neuf premiers mois de 2014, le plus mauvais chiffre depuis le début du siècle, qui s’ajoute au total de 40 000 personnes mortes à travers le monde dans des circonstances similaires depuis 2000 selon CNN. Une véritable catastrophe humanitaire.

La plupart des corps ne finissent pas échoués sur le rivage. La plupart d’entre eux ne sont jamais retrouvés ; ceux qui le sont ne disposent généralement pas de papiers. Personne ne sait qui ils sont ou même de quel sexe ils sont dans la plupart des cas.

Enfin, il y a un retour de bâton. Les gens peuvent se laisser entraîner dans la propagande raciste, mais personne n’aime à se considérer comme si brutalement inhumain qu’il laisserait volontiers des enfants se noyer en mer. Les gouvernements européens doivent accepter dans la honte certain-e-s réfugié-e-s, bien que le gouvernement britannique reste intransigeant. Le Financial Timesrapporte que :

Lors des négociations sur la prise en charge de 40 000 réfugié-e-s plus tôt cet été, un diplomate de l’UE a indiqué que des responsables britanniques ont plaisanté en disant qu’ils ne prendraient personne « et qu’ils doubleraient ce chiffre s’ils y étaient vraiment contraints. »

Mais il est important de noter que ces réfugié-e-s ne constituent qu’une petite minorité des immigré-e-s au sein de et venant vers l’Union européenne. Le succès du racisme anti-immigré-e-s dépend de notre acceptation de l’idée selon laquelle l’Europe « ne peut pas accueillir » tant de migrant-e-s. Mais le fait est que la plupart des immigrant-e-s arrivent vers l’Europe par avion avec des visas de travail. Quand vous voyez des statistiques faisant état d’un grand nombre d’« immigrants illégaux », la majorité sont des migrant-e-s dont le visa est venu à son terme alors qu’elles et ils étaient en poste.

Ainsi, ce n’est pas que l’Europe « ne peut pas accueillir » les immigrant-e-s qui arrivent, préoccupation qui ne peut être temporairement mise de côté qu’en cas d’urgence. C’est que les économies européennes ont besoin et dépendent des immigré-e-s qui arrivent. La détermination de l’Union européenne à maintenir une « forteresse » n’a rien à voir avec le fardeau que constitueraient les réfugié-e-s dans ces Etats, et beaucoup plus à voir avec la gestion politique de la main-d’œuvre.

Mais en faisant des étrangers des parasites, un fardeau, des usurpateurs de ressources nationales, et ainsi de suite, les gouvernements européens et leurs fidèles médias génèrent un fantasme politique dangereux.

En fin de compte, si les migrant-e-s qui arrivent en Europe sont un problème, alors celles et ceux qui sont déjà là (première, deuxième ou troisième génération, selon la façon dont on est codé racialement) doivent également être un problème. Peu importe qu’ils aient la citoyenneté, le simple fait que nous ayons eu affaire à un tel fardeau, selon cette logique, est un signe de « notre » bienveillance, générosité et tolérance.

Mais cela ne peut qu’être aggravé dans les moments de crise, lorsque l’économie est en récession, lorsque les journaux nous disent que l’immigration mène l’Europe au bord de la guerre civile, lorsque la diversité culturelle n’est plus une ritournelle multiculturelle fade mais réellement un discours de combat… Eh bien, s’ « ils » sont un problème, ne serait-ce pas bien si nous pouvions d’une manière ou d’une autre ne plus avoir à vivre avec « eux » ? Voilà le fantasme qui fait finalement le lit du Farageisme [du nom de Nigel Farage, chef de file de UKIP au Royaume-Uni, NdT], du Trumpisme [référence à Donald Trump], ou au pire de Marine Le Pen et d’Aube dorée.

Et c’est ce qui constitue aussi les limites de l’humanitarisme dans cette situation. Tel que je vois les choses, ce n’est pas tant qu’un certain niveau de référence, de sympathie humaine fondamentale soit apparu malgré tout le racisme et la xénophobie.

Nous assistons plutôt à ce que dans la bonne vieille terminologie marxiste on pourrait appeler les contradictions de l’idéologie dominante. L’élément progressiste-humanitaire de l’idéologie européenne est entré de manière évidente et douloureuse en conflit avec les éléments nationalistes et racistes.

Et il est bon que le réflexe progressiste-humanitaire prévale pour le moment. Cela donne aux antiracistes un espace pour souffler et un angle à partir duquel attaquer la forteresse : pour l’instant, le slogan « Les réfugié-e-s sont les bienvenu-e-s ici » a une résonance claire. Mais il n’affecte pas à lui seul les coordonnées idéologiques sous-jacentes selon lesquelles les immigrant-e-s sont un fardeau et une menace, une population à problèmes qui doit être contrôlée.

Nous ne devrions pas attendre le choc créé par la dévastation et le désastre pour faire notre travail politique pour nous.

Source : Jacobin.
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par SB pour Etat d’Exception (avec l’aimable autorisation de l’auteur).
 
Disons que la couche civilisationelle chez les humains est aussi mince qu'une cocquille d'oeuf. A la moindre crise, il y a des fissures, et si la pression augmente, l'instinct sauvage et animal (donc entre autres territorial, tribaliste etc...) refait surface. C'est vrai pour les peuples en Europe comme l'expose l'article, mais c'est aussi vrai pour les peuples de l'autre cote de la Med ou tribalisme, religionisme dont daeshisme etc. font apparaitre les pires instincts sauvages. Ces peuples ont plus en commun une foi qu'ils sortent de leur cocquille civilisationelle qu'ils ne voudraient l'admettre... et ce qu'ils ont en commun n'est pas beau a voir: c'est la nature humaine quand les conditions sont mauvaises.
 
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