La peur de la gauche accélère l'exil fiscal des riches

"Je vais demander à mon agent immobilier d'estimer la valeur de mes appartements et de mes vignobles en France, explique un chef d'entreprise français d'origine libanaise, spécialisé dans l'industrie de produits chimiques. Et j'attendrai le 22 avril de voir comment se passent les choses. Si elles sont défavorables à mes intérêts, je lui demanderai de tout liquider et j'irai m'installer aux Etats-Unis, où l'on respecte les personnes et les revenus des gens qui travaillent."

Il n'est pas un cas isolé. Tous le disent : conseils en gestion de patrimoine, avocats fiscalistes, agents immobiliers spécialisés dans le haut de gamme. "Nous n'avons jamais vu autant de gens partir à l'étranger. Des clients qui redoutent les élections et craignent que ce soit pire après, quel que soit le vainqueur", témoigne un grand assureur français.


"Certains préparent leur départ. Ce sont aussi bien des gens qui ont récemment vendu leur entreprise que des détenteurs d'un patrimoine d'origine familiale que l'on appelle le 'old money'. On voit même des personnes ayant un patrimoine inférieur au seuil de la dernière tranche de l'ancien barème de l'ISF [impôt de solidarité sur la fortune], soit 16 millions d'euros, envisager de se délocaliser", analyse-t-il.

Son témoignage est corroboré par celui d'Eric Vincent, de l'agence Paris-Rive gauche-Emile Garcin. "Nous avons des clients qui réfléchissent sérieusement à leur déménagement en prévision des élections. Ils nous demandent d'estimer leurs biens en France et, dans la conversation, on comprend que c'est parce qu'ils réfléchissent à une expatriation. Ce sont des gens de catégorie sociale assez élevée qui ont des postes ou des fonctions très importantes dans des conseils d'administration ou des entreprises", raconte cet agent immobilier.

La possibilité d'une victoire à la présidentielle du candidat socialiste, dont le projet de réforme fiscale cible les grandes entreprises et les plus fortunés, n'arrange pas leurs affaires. Thierry Chomel de Varagnes, directeur associé de l'agence Paris-Rive gauche de Barnes, est catégorique : "J'ai des clients qui m'ont dit clairement que s'il était élu, ils reverraient leur organisation patrimoniale et quitteraient la France."


VERS LA BELGIQUE, LA SUISSE ET LE ROYAUME-UNI

Les destinations les plus fréquentes des candidats au départ sont la Belgique, la Suisse et le Royaume-Uni. Ces trois pays présentent l'avantage d'être proches de la France et bien plus attractifs sur le plan fiscal.

Hélène Van de Velde est responsable de l'agence Emile Garcin de Bruxelles. "Depuis le début de cette année, témoigne-t-elle, nous avons de plus en plus de demandes de renseignements de clients qui cherchent à savoir quels sont les prix, quels sont les bons quartiers."

"Ici, on est très taxé sur le travail et moins sur la fortune, poursuit-elle. Beaucoup de Français viennent s'installer en Belgique tout en travaillant en France car une heure vingt de TGV entre Bruxelles et Paris, c'est parfois moins long qu'un trajet embouteillé entre Neuilly et Paris."
 
suite:

Mais le paradis des plus fortunés restent sans conteste le Royaume-Uni et la Suisse. Outre-Manche, le régime fiscal dit des résidents non domiciliés permet à tout non-Britannique s'installant au Royaume-Uni de n'être imposable que sur les revenus dégagés ou transférés dans ce pays.

"Les gens s'installent à Londres et mettent leur patrimoine au Luxembourg ou en Suisse. Ils échappent ainsi à toute l'imposition sur les revenus ou les plus-values", explique Stéphane Jacquin.

C'est-à-dire le montant annuel de l'impôt à verser. Cette spécialité helvétique permet aux riches étrangers d'être imposés selon leur train de vie (frais de logement, d'habillement, dépenses en cures ou vacances, frais d'entretien de yacht, avions privés et limousines,etc.) et non en fonction de leurs revenus et de leur fortune.

L'ANNÉE 2012 S'ANNONCE EXCEPTIONNELLE

Quelque 5 500 personnes en ont bénéficié en 2010, dont 2 000 Français selon les estimations, rapportant à la Suisse 668 millions de francs (553,9 millions d'euros). Dans sa liste des "300 plus riches" pour 2011, le journal Bilan a recensé 43 exilés français, dont deux nouveaux arrivants, qui disposent d'un patrimoine supérieur à 100 millions de francs.

"Beaucoup n'ont pas encore pris la décision finale, mais ils ont déjà sur leur table de nuit le dossier constitué", témoigne le responsable d'un family office (gestionnaire de patrimoine familial) qui compte parmi ses clients de très riches industriels. "Nous nous préparons à leur arrivée, car les vaches à lait maltraitées finiront par aller brouter chez nous", ajoute-t-il, avouant que certains de ses collègues se frottent les mains et vont même jusqu'à souhaiter la victoire à l'élection présidentielle du socialiste François Hollande.


______________________________________________________________
http://www.lemonde.fr/election-pres...che-de-la-presidentielle_1639331_1471069.html
 
Haut