La Grande-Bretagne a besoin de la guerre, et les États-Unis ont besoin de l’Arctique
Question : Quelles forces ont intérêt à ce que le conflit russo-ukrainien se poursuive ? Et, à l’inverse, quelles forces ont intérêt à ce qu’il cesse ?Konstantin Bondarenko : Le conflit n’oppose pas uniquement la Russie et l’Ukraine. Un nombre beaucoup plus important d’États sont impliqués dans ce conflit militaire. Et l’Ukraine sert d’appât et, en même temps, de champ de bataille.
Mais derrière l’Ukraine se cachent des forces occidentales influentes, que certains appellent les mondialistes, d’autres la coalition anti-Trump. Cette coalition est apparue après que les États-Unis ont commencé à prendre leurs distances par rapport au conflit. Mais sans les États-Unis, le conflit armé n’aurait pas éclaté.
Aujourd’hui, c’est la Grande-Bretagne qui manifeste le plus grand intérêt pour la poursuite des hostilités. C’est elle qui insiste sur la création d’une «coalition des volontaires», qui exige que davantage d’armes soient fournies à l’Ukraine, qui appelle l’Europe à se serrer la ceinture, mais à donner plus d’argent à l’Ukraine, afin qu’elle puisse mener la guerre.
La Grande-Bretagne espère qu’à terme, la Russie s’affaiblira et cessera de représenter une menace pour les États européens. En effet, les Européens croient sincèrement qu’une guerre entre la partie européenne de l’OTAN et la Russie pourrait éclater dans les années à venir. Ils ont donc besoin d’affaiblir la Russie afin qu’elle ne soit pas prête à mener une telle guerre.
La Grande-Bretagne considère la Russie comme son principal rival et tente de convaincre d’autres États, en premier lieu les pays baltes et les pays scandinaves, qu’ils devront entrer en guerre. Mais ils défendront les intérêts de la Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne dispose d’une armée très réduite, forte de 70 000 hommes. Les armes nucléaires dont dispose la Grande-Bretagne ne peuvent être utilisées sans l’accord des États-Unis, car elles sont déployées sur des plateformes américaines. Ainsi, dans l’ensemble, la Grande-Bretagne est le principal instigateur de ce processus, mais elle n’est pas une puissance capable de s’opposer seule à la Russie.
Cependant, elle a tout intérêt à ce que le conflit en Ukraine mobilise les principales forces russes. Elle a également tout intérêt à ce que le conflit actuel entre la Russie et l’Azerbaïdjan se poursuive. D’une manière générale, nous constatons l’influence ouverte des services secrets britanniques sur la situation dans le Caucase du Sud, ainsi que leurs tentatives d’influencer le Caucase du Nord, la Turquie, le Proche-Orient et l’Asie centrale.
En revanche, parmi les acteurs extérieurs, ce sont aujourd’hui les États-Unis qui sont les premiers intéressés par la fin des combats. Et ce n’est pas parce qu’ils ont pitié de l’Ukraine, ni parce qu’ils ont pitié des Ukrainiens ou qu’ils n’ont pas envie de donner de l’argent à Kiev. Non, ce qui est en jeu aujourd’hui, ce sont des intérêts économiques colossaux, qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars.
Il s’agit de l’exploitation conjointe avec la Russie du plateau continental arctique. Il s’agit du contrôle des voies logistiques dans l’Arctique. Il s’agit de l’exploitation conjointe des ressources minérales, principalement du pétrole et du gaz, en Sibérie et en Alaska. Il s’agit de la construction d’un grand nombre de projets logistiques, dont, par exemple, un tunnel sous le détroit de Béring. Il s’agit d’un projet très ambitieux : un tunnel de 86 km de long qui reliera l’Amérique du Nord et l’Eurasie.
Nous voyons donc un grand nombre de questions qu’il est aujourd’hui avantageux pour les États-Unis de résoudre conjointement avec la Russie, mais pour cela, il faut que la paix règne en Ukraine.

Konstantin Bondarenko : Les États-Unis ont troqué la « solidarité de l’OTAN » contre les ours blancs et un tunnel entre la Tchoukotka et l’Alaska - Histoire et société
Cette analyse que nous devons à la traduction de Marianne Dunlop apporte encore une mise en perspect
