e premier dit : « Le sionisme n’aurait jamais pu gagner sans l’holocauste ». Le second ajoute : « Netanyahou, il a fait un peu exprès de laisser faire pour reconquérir Gaza ». Qui sont-ils ? Où s’expriment-ils ? Combien de temps s’écoulera-t-il avant qu’ils ne soient injuriés dans tous les médias, convoqués par la police et gardés à vue ? Eh bien il s’agit respectivement de Daniel Cohn-Bendit et de Luc Ferry, ça se passe sur LCI et nous sommes le 19 mai 2025. Quant à la réprobation publique et à la convocation au commissariat, nous attendons encore. Ainsi va la tectonique des plaques.
Lire aussi Gilbert Achcar, « Gaza ou la faillite de l’Occident », Le Monde diplomatique, juin 2025.
L’ahurissant retournement de veste qui s’opère sous nos yeux, et l’autoblanchiment collectif à sa suite, resteront comme un cas d’école dans l’histoire de la propagande. Un retournement venu de la région la plus hypocrite du bloc propagandiste : les « humanistes ». Horvilleur, Sfar, Sinclair. Célébrés pour leurs grandes consciences – qui s’étaient parfaitement accommodées de dix-huit mois de massacre de masse, avaient traîné dans la boue ceux qui, ayant vu juste du tout début, ont pris tous les risques : symboliques, juridiques, physiques mêmes, pour hurler contre le crime génocidaire et contre l’ignoble assimilation de tout soutien à la Palestine à de l’antisémitisme. Les intouchables ayant donné le signal, la masse des négateurs s’est mimétiquement ébranlée, faisant mine d’ouvrir les yeux – mieux : prétendant les avoir eus toujours ouverts.
Mais comment les « humanistes » ont-ils fini par se décider ? Non par un mouvement de conscience universelle, mais pour protéger une série d’intérêts : à commencer par les leurs propres, symboliques et réputationnels, trop menacés de persister ainsi à la remorque d’un crime qui passe toutes les bornes ; ceux du projet sioniste ensuite dont il faut impérativement tenter de maintenir à flot les créances politiques et morales en plein naufrage, précisément en en incarnant le visage « humaniste ».
Et voici néanmoins l’os mis à nu : la question du sionisme, l’axiome qu’il fallait préserver à tout prix, que ce soit par la silenciation, ou bien par la contrition mais qui maintient l’essentiel – le lieu où, pendant le grand retournement, la répression continue. Socialistes et écologistes, rangés dès le 7 octobre dans le camp colonial, négateurs de soixante-dix-sept ans d’occupation, censeurs de toutes les voix qui tentaient de faire entendre la cause palestinienne, mutiques au massacre tant que l’autorisation de parler n’avait pas été donnée, socialistes et écologistes votent il y a un mois l’infâme loi de censure universitaire qui reconduit l’égalité de l’antisionisme et de l’antisémitisme – et pénalise le premier au nom du second. Et ceci, supplément d’aberration, alors même que la catégorie de sionisme est l’unique moyen de ne pas charger indistinctement tous les Juifs d’un crime auquel nombre d’entre eux ne se reconnaissent aucune part. De sorte que l’antisionisme n’est pas l’équivalent de l’antisémitisme : il en est l’unique rempart.
Il faut bien admettre qu’en ces lieux la panique européenne est à son comble : au nom de quoi les auteurs du judéocide pourraient-ils trouver à redire à l’État d’Israël ? L’écrasante culpabilité historique, compliquée d’une conversion philosémite des plus troubles, ont logiquement conduit à un blanc-seing – et le message a été reçu. Or voilà : il n’y aura aucun règlement ni dans la région ni – par un classique effet de retour – ici, à moins de sortir de la misérable euphémisation humanitaire des « humanistes », et de refaire de la politique, c’est-à-dire de remettre l’indiscutable en discussion...............
Lire aussi Gilbert Achcar, « Gaza ou la faillite de l’Occident », Le Monde diplomatique, juin 2025.
L’ahurissant retournement de veste qui s’opère sous nos yeux, et l’autoblanchiment collectif à sa suite, resteront comme un cas d’école dans l’histoire de la propagande. Un retournement venu de la région la plus hypocrite du bloc propagandiste : les « humanistes ». Horvilleur, Sfar, Sinclair. Célébrés pour leurs grandes consciences – qui s’étaient parfaitement accommodées de dix-huit mois de massacre de masse, avaient traîné dans la boue ceux qui, ayant vu juste du tout début, ont pris tous les risques : symboliques, juridiques, physiques mêmes, pour hurler contre le crime génocidaire et contre l’ignoble assimilation de tout soutien à la Palestine à de l’antisémitisme. Les intouchables ayant donné le signal, la masse des négateurs s’est mimétiquement ébranlée, faisant mine d’ouvrir les yeux – mieux : prétendant les avoir eus toujours ouverts.
Mais comment les « humanistes » ont-ils fini par se décider ? Non par un mouvement de conscience universelle, mais pour protéger une série d’intérêts : à commencer par les leurs propres, symboliques et réputationnels, trop menacés de persister ainsi à la remorque d’un crime qui passe toutes les bornes ; ceux du projet sioniste ensuite dont il faut impérativement tenter de maintenir à flot les créances politiques et morales en plein naufrage, précisément en en incarnant le visage « humaniste ».
Et voici néanmoins l’os mis à nu : la question du sionisme, l’axiome qu’il fallait préserver à tout prix, que ce soit par la silenciation, ou bien par la contrition mais qui maintient l’essentiel – le lieu où, pendant le grand retournement, la répression continue. Socialistes et écologistes, rangés dès le 7 octobre dans le camp colonial, négateurs de soixante-dix-sept ans d’occupation, censeurs de toutes les voix qui tentaient de faire entendre la cause palestinienne, mutiques au massacre tant que l’autorisation de parler n’avait pas été donnée, socialistes et écologistes votent il y a un mois l’infâme loi de censure universitaire qui reconduit l’égalité de l’antisionisme et de l’antisémitisme – et pénalise le premier au nom du second. Et ceci, supplément d’aberration, alors même que la catégorie de sionisme est l’unique moyen de ne pas charger indistinctement tous les Juifs d’un crime auquel nombre d’entre eux ne se reconnaissent aucune part. De sorte que l’antisionisme n’est pas l’équivalent de l’antisémitisme : il en est l’unique rempart.
Il faut bien admettre qu’en ces lieux la panique européenne est à son comble : au nom de quoi les auteurs du judéocide pourraient-ils trouver à redire à l’État d’Israël ? L’écrasante culpabilité historique, compliquée d’une conversion philosémite des plus troubles, ont logiquement conduit à un blanc-seing – et le message a été reçu. Or voilà : il n’y aura aucun règlement ni dans la région ni – par un classique effet de retour – ici, à moins de sortir de la misérable euphémisation humanitaire des « humanistes », et de refaire de la politique, c’est-à-dire de remettre l’indiscutable en discussion...............

Le sionisme et son destin
Par Frédéric Lordon (La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 19 juin 2025)
blog.mondediplo.net