A quel moment faut-il sinquiéter ? Où est la frontière entre achats compulsifs et "coup de cur" ?
Pr. M. L. : Il est inutile de se précipiter chez un psy parce que lon a craqué pour une petite robe à 250 euros alors que "ça nétait pas le moment". Vous savez bien que cétait une folie et que vous devrez vous priver sur autre chose pour équilibrer votre budget. Cest toute la différence entre achat "impulsif" et achat "compulsif".
Les acheteurs compulsifs ne savent résister à aucune tentation. Ils nhésiteront pas à acheter trois ou quatre autres articles le même jour, quitte à mettre leurs finances en danger. Ces accrocs au shopping ne pensent quà une chose : dépenser leur argent pour soffrir tout et nimporte quoi.
La frontière est dans la non utilisation de lobjet, lorsque lon commence à acheter des vêtements que lon est sûr de ne jamais porter. Ces "fringales dachats", comme les appellent les psychiatres, sont proches du comportement des toxicomanes. Dans ce cas, il existe en effet une véritable dépendance vis-à-vis de lachat.
Ces acheteurs compulsifs se rendent-ils compte que leurs achats peuvent mettre en danger leurs finances et que leur vie peut basculer ?
Pr. M. L. : Ils sen rendent très peu compte mais se disent que cest normal, car on est tous déjà revenu avec des achats inutiles. Et puis, toute la société fait quon va masquer cette addiction, car on est dans une société de consommation et cela ne peut être que gratifiant de faire marcher léconomie du pays. Tout est donc fait pour occulter cette addiction. Cest comme quand on est obèse, il ny a pas décriteau à lentrée du magasin qui dit : "Ne mangez pas, vous êtes obèse".
Jusquoù un acheteur compulsif est-il prêt à aller pour satisfaire sa dépendance ?
Pr. M. L. : Extrêmement loin. Jai des patientes qui mont raconté quelles se prostituaient rien que pour sacheter des objets inutiles. Cela peut aller jusquà la faillite. Il y a même des personnes qui ne paient pas leurs impôts afin de garder cet argent pour consommer toujours plus.
Mais je nai jamais eu de cas de personnes qui allaient jusquà voler pour satisfaire leur dépendance, car le plaisir nest pas le même. Le plaisir de la consommation et celui de la transgression sont complètement différents.
Pour se sortir de lachat compulsif, faut-il forcément dépenser moins dargent ?
Pr. M. L. : Non pas du tout. Cest comme si on disait du tabac quil faut moins fumer pour sen débarrasser. Sortir de lachat compulsif, ce nest pas forcément dépenser moins, cest surtout dépenser mieux et soffrir ce quon aime ou ce dont on a besoin. Les acheteurs compulsifs libérés de leur fièvre ont changé leur relation à lachat, à largent et aux objets. Ils nachètent plus seuls, dans la honte et la culpabilité.
Quels conseils pourriez-vous donner à ces personnes pour quelles réapprennent à acheter mieux ?
Pr. M. L. : Il faut apprendre à connaître ses vrais désirs. En arrêtant de se mentir sur ce que lon croit vouloir. Il faut avancer sur la connaissance de soi-même, en sécoutant étape par étape. En pratiquant des exercices et en se rendant dans des magasins pour tester sa résistance à lachat. En tenant ses comptes sur un carnet. En essayant de comprendre quelles sont les pensées, les émotions et les angoisses qui me donnent envie dacheter des objets. Mais ce genre de thérapies ne sadresse quaux plus dépendants.
Tous ceux qui, par moments, ne contrôlent pas ce quils dépensent et surtout, achètent des objets inutiles, peuvent malgré tout sen inspirer. Ils pourront, au terme dun petit travail de réflexion sur eux-mêmes, continuer à sacheter quelques objets inutiles, mais ils le feront en pleine conscience et sans mettre en danger léquilibre de leur famille ou celui de leur budget.
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