Les filles des cités réinventent le feuilleton

Personne ne la connaît et, pourtant, Nargesse Bibimoune est une auteur à succès. Cette étudiante en sciences politiques, qui, à 22 ans, espère quitter sa banlieue lyonnaise pour « travailler dans l’humanitaire », a piqué 17000 lecteurs de sa plume. Ou plutôt de sa souris : Nargesse est la figure de proue d’un phénomène numérique, les chroniques Facebook.

Sur le réseau social, Nargesse a passé un an et demi à raconter le quotidien d’une petite frappe de cité, Youssef. Le tout a tant marché qu’une petite maison d’édition vient de publier son roman plein d’états d’âme et de l’esprit des dalles. « Dans la peau d’un thug » est pure fiction : Nargesse a bien grandi dans un immeuble HLM « mais il est tout petit et il n’y a aucun problème, raconte-t-elle. Cette histoire a été un exutoire après une relation amoureuse que j’avais mal vécue. J’ai eu besoin de comprendre la personne que j’avais en face de moi. »

Le cœur, c’est le moteur des chroniqueuses. Sur la Toile, elles sont des centaines à mettre en scène leurs vie rêvée de Bridget Jones, version quartiers. Dans ces romances en mille et un épisodes, il est question d’amours impossibles, de coups de foudre qui bousculent une morale religieuse souvent musulmane, de caïds au cœur frémissant et de filles qui piquent des fards. Tremble, Harlequin!

Julie, en ce moment, en fait rêver plus d’une (environ 3500) avec « Valé, fille du chef de la mafia Nord » kidnappée par un voyou évidemment beau, brun et ténébreux. Toute la semaine, elle fait de la mise en rayon dans un supermarché de Dunkerque (Nord). Sa vie « n’est pas trépidante ». Mais le soir venu, devant la télévision du salon familial, elle se renseigne sur Cosa Nostra et écrit les 60 épisodes de sa chronique nordique. Sa famille pense qu’elle chatte avec des copines.

Laïla* aussi noircit en secret des cahiers d’écolière, avant de les retranscrire sur Internet. La jeune femme, très soucieuse de son anonymat, fait un carton : plus de 37500 personnes ont lu sa « Chronique d’une Cendrillon promise à un prince de tess ». l’histoire — autobiographique — d’un mariage arrangé et d’une héroïne rongée par la tentation de l’adultère. « Pendant des mois, j’ai eu cent messages par jour en moyenne, avec des lectrices choquées et d’autres qui me racontaient leur propre histoire et demandaient des conseils », affirme Laïla.

Sa chronique, commencée au détour d’un été d’ennui, a vite pris beaucoup de place. « Je passais plusieurs heures à écrire chaque jour, dès que j’étais seule, et il me fallait communiquer avec les lectrices. Elles se retrouvaient dans mon personnage, parce que c’est un anti-héros. C’est pour elles que j’ai accepté de faire de mon histoire un livre. Elles me le réclamaient. »

L’ouvrage publié chez Edilivre va s’appeler « Entre amour et raison » et devrait sortir dans quelques semaines. Le mari et les parents de Laïla n’en savent rien. Mais sur sa page Facebook, comme sur celles des autres chroniqueuses, les commentaires des fans bruissent d’impatience. On les entendrait presque frapper sur leurs claviers « la suiiiite »!

* Le prénom a été changé.

« Dans la peau d’un thug », Nargesse Bibimoune, IS Editions, 300 pages, 17 €

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c'est la nouvelle Faïza guene......
 
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