L'hôtel de la mort

Amine

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Bienvenue à l’“hôtel de la mort”

Pour ceux qui meurent le matin, on attend jusqu’à minuit pour transporter leurs corps hors du bâtiment. On ne veut pas déranger les autres pensionnaires”, explique ce médecin, qui a ouvert dans les environs de Hô Chi Minh-Ville un centre d’accueil pour les malades en phase terminale rejetés par leurs familles et la société. Depuis six ans, des centaines de personnes atteintes du sida ou d’un cancer ont été admises dans cet hospice construit sur une rizière abandonnée dans la commune de Binh My. Les frais d’hébergement et de soins pour les pensionnaires du centre, qu’ils appellent l’“hôtel de la mort”, sont pris en charge par le médecin, qui désire garder l’anonymat, et des bienfaiteurs locaux. “Je suis heureux à la simple idée que mon coeur batte toujours à mon réveil”, avoue An, un ancien malfaiteur qui coule ses derniers jours dans ce refuge.

Il se souvient avoir assisté au décès soudain d’amis du centre alors qu’ils étaient simplement en train de bavarder ensemble. Les anciens proposent souvent leurs services aux patients nouvellement admis. Thai, le dernier arrivé dans la communauté, s’est vu attribuer le lit précédemment occupé par Tr., une jeune fille poussée à se prostituer par son beau-père et qui est morte au centre. “Elle n’avait absolument personne de sa famille à ses côtés durant les derniers moments de sa vie, la pauvre ne pouvait que pleurer dans nos bras”, se rappelle Thao, avant d’ajouter, “les gens viennent ici puis s’en vont pour toujours.

J’ai la chance de me trouver ici depuis plus de deux ans.” “Nous sommes plusieurs dizaines à vivre ensemble”, note de son côté Hao, un autre pensionnaire, “mais, chaque nuit, nous perdons une ou deux personnes. Nous les lavons et les habillons comme il faut, afin que tout le monde puisse se recueillir devant eux une dernière fois.” Les défunts sont ensuite emmenés dans une boutique de pompes funèbres du district de Go Vap qui offre gracieusement des cercueils aux malades du sida, puis à l’incinérateur de la province de Binh Duong. Leurs cendres sont ensuite ramenées à l’“hôtel”. Pendant ce temps, dans la petite communauté, la vie continue. Dans la cuisine, chacun donne un coup de main, tandis que les invalides trouvent un certain réconfort à regarder la télévision ou à papoter.

J’espère que les résidents continueront de s’aimer les uns les autres et de s’entraider”, confie le propriétaire du centre. “Je souhaite ardemment que la société cesse toute discrimination envers les malades du sida et qu’elle leur permette de vivre l’esprit en paix, avant leur grand départ.” Cependant, l’“hôtel de la mort” risque de bientôt fermer ses portes. Selon Vo Van Thong, un officier de police local, le terrain pourrait être réquisitionné pour des projets immobiliers.

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