L'interdiction de la burqa aux Pays-Bas, une mesure inapplicable ?

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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Aux Pays-Bas, la loi interdisant le port du voile intégral est entrée en vigueur ce jeudi, mais son application s’annonce très compliquée, en raison des réticences des services publics et de la police.

L'interdiction de la burqa aux Pays-Bas, une mesure inapplicable ?

Depuis jeudi, le port du voile intégral est interdit dans l’espace public aux Pays-Bas. Votée l’été dernier par les partis de droite néerlandais, y compris par la formation libérale du Premier ministre Mark Rutte, cette loi ne vise en théorie pas spécifiquement la burqa mais tous les vêtements couvrant le visage, comme le voile intégral donc, mais aussi les cagoules et les casques. Contrairement à la loi française votée en 2010 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, la loi qui s’applique aux Pays-Bas n’interdit pas le port du voile intégral dans les rues mais seulement dans les écoles, les hôpitaux, les transports et les bâtiments publics, pour y assurer «la sécurité et le bon fonctionnement des services publics» selon un communiqué du ministère de l’Intérieur. Les contrevenants encourent une amende de 150 euros.

Pas une priorité pour la police

Malgré le très faible nombre de femmes portant une burqa aux Pays-Bas – une étude de 2009 estimait qu’elles étaient une centaine à y avoir recours régulièrement et environ 400 occasionnellement – la loi s’annonce très compliquée à appliquer. La police a déjà annoncé qu’elle n’en ferait pas une de ses priorités et qu’elle souhaitait éviter que les femmes intégralement voilées ne puissent entrer dans un commissariat pour déposer plainte. Selon le ministère de l’Intérieur, il incombe aux employés des écoles, des hôpitaux et des institutions et aux chauffeurs de refuser l’accès à une femme portant un voile intégral ou d’appeler la police.

«La police nous a annoncé qu’elle n’interviendrait pas dans le délai habituel de 30 minutes pour ces cas, si jamais elle intervient, a expliqué Pedro Peters, porte-parole de la société de transports publics de Rotterdam. Cela signifie que la loi est inapplicable. Si une personne portant une burqa utilise nos services, notre personnel n’aura pas de soutien policier pour l’aider à réagir. Ce n’est pas aux agents de transport de faire appliquer la loi.» Les chauffeurs ont reçu l’ordre d’informer les femmes voilées intégralement de la loi mais de les laisser entrer dans les bus, métros et tramways.

Plusieurs hôpitaux du pays ont affirmé qu’ils «ne refuseraient pas de prodiguer des soins à qui que ce soit, peu importent les vêtements portés». La fédération néerlandaise des centres médicaux universitaires a aussi repoussé la possibilité d’appliquer la loi par eux-mêmes, avançant la crainte que les femmes voilées se détournent désormais des soins médicaux. Le milieu de l’éducation n’a pas l’air d’être plus enthousiaste. La loi qui devait entrer en vigueur tôt en juillet a été reportée à ce 1er août à la demande des écoles. Elles craignaient qu’elle ne complique la fin d’année en créant des tensions avec les mères voilées. Opposée à l’interdiction, la ville d’Amsterdam ne devrait pas non plus chercher à la faire appliquer.

Un parti pour payer les amendes

Face à cette levée de boucliers généralisée, le journal conservateur Algemeen Dagblad a suggéré à ses lecteurs une solution : faire respecter la loi par eux-mêmes. «Si vous êtes dérangés par une burqa dans un endroit où elles sont interdites, vous pouvez demander à sa porteuse de la retirer ou de quitter les lieux», écrit le quotidien qui suggère aussi d’appeler la police ou de procéder à une «arrestation citoyenne».

Le parti communautaire Nida qui se décrit comme une formation «d’inspiration islamique» et met l’accent sur la lutte contre la discrimination envers les musulmans, a annoncé qu’il payerait les éventuelles amendes reçues par les femmes voilées. A l’autre bout de l’échiquier politique, le leader d’extrême-droite Geert Wilders s’est réjoui de l’entrée en vigueur d’une loi qu’il réclamait depuis 2005. Et profité de l’occasion pour suggérer aux femmes qui veulent porter un voile intégral «d’aller vivre en Arabie Saoudite ou en Iran».

https://www.liberation.fr/planete/2...-aux-pays-bas-une-mesure-inapplicable_1743190
 
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