Atlas Systèmes, spécialisée dans les solutions technologiques et les services de l’information, entreprend une aventure ambitieuse : le développement d’un ordinateur made in Morocco. Baptisé «Atlas», cet équipement permet une absence totale de collecte de données grâce à sa déconnexion des GAFAM. Il propose également une suite applicative Atlas pour la messagerie, visio et les maps. L’ordinateur sera commercialisé en ligne et dans des points de vente dédiés. Sa partie matérielle est aujourd’hui fabriquée par un sous-traitant européen, ce qui permet une livraison «rapide». Le point avec la promotrice du projet, Manar Belfqih, CEO d'Atlas Morrocan Computers.
Le Matin : Atlas Moroccan Computers développe le premier ordinateur marocain qui protège nos données. Parlez-nous de la genèse de cette aventure ?
Manar Belfqih : Tout a commencé avec la création du Moroccan Center for Business Intelligence. En tant que responsable directe de certains dossiers clients, notamment en Afrique, je me suis rendu compte que la transition numérique sur le continent ne se faisait pas dans les règles de l'art. D'autant que l’on n'adoptait pas de stratégie de raccourcis, à l'image de ce que la Chine a réalisé pour obtenir aujourd'hui le statut de puissance mondiale, une position acquise en moins de 30 ans. En d'autres termes, apprendre des échecs et des faiblesses des autres pays permet d'aller rapidement et efficacement pour prendre de l'avance et être plus compétitif. Surtout lorsqu'il s'agit de sujets aussi stratégiques pour le pays.
Concernant le Maroc, nous sommes à l'aube de l'ère du digital. C'est à la fois un défi et une opportunité en or. L'idée est de réussir cette transition numérique en prenant en compte les enjeux du digital qui, à ce jour, présente beaucoup de menaces pouvant atteindre à la souveraineté d'un pays. Depuis ce constat, j'ai cherché des partenaires locaux. Problème ? Je n'en ai pas trouvé. C’est qui est dommage, puisque la question de la transition numérique représente un enjeu capital pour la souveraineté de notre pays et pour sa résilience dans le cyberespace à long terme. Encore un enjeu d’importance majeure dans la géopolitique actuelle. Bien que ce soit un sujet transverse qui concerne l'intérêt général, et le regroupement de tous les acteurs, cela ne suscitait toujours pas un vif intérêt (dans la pratique) chez les citoyens et investisseurs, notamment.
Il est vrai que l'on parle beaucoup de ce sujet aussi bien chez les politiques que chez les acteurs de l'écosystème qui naissent de plus en plus, mais le gap entre la stratégie et l’exécution est énorme. Après un vif échange avec un de mes clients qui croit en cette cause et par conséquent a accepté de me soutenir dans ce projet comme premier investisseur, nous avons réussi à monter une équipe pour apporter une solution pratique. D'où la naissance de la société Atlas Moroccan Computers et donc de la première solution numérique marocaine à promouvoir les marques marocaines et à stocker vos données sur le territoire national.
Vous vous lancez dans un secteur hautement concurrentiel et qui plus est dominé par des géants mondiaux de la technologie. Comment entendez-vous vous positionner sur le marché des ordinateurs, sachant que le consommateur marocain a une préférence pour les marques internationales eu égard à leur fiabilité technologique et leur performance avérée ?
Oui, en effet, c'est un marché très compétitif. Et c'est là tout l'enjeu des politiques et des parties prenantes dans ce domaine «transverse», où la sensibilisation doit être au sommet des priorités. La question que tout le monde devrait se poser, c'est : quel est le danger aujourd'hui avec ces marques étrangères ? Et là, nous parlons principalement des géants du numérique américains GAFAM (Google [Alphabet], Apple, Facebook [Meta], Amazon et Microsoft), chinois, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), et NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber), etc. Et surtout, quel est leur impact sur notre souveraineté digitale ? Tout d'abord, il faut savoir que la numérisation de toutes les activités, ce que nous appelons la transition numérique, est à la fois une nécessité et une menace directe, si toutefois elle n'est pas accompagnée parallèlement de tout son écosystème de cyberdéfense, que cela soit pour nos entreprises marocaines, notre culture, notre compétitivité et notre cybersécurité. Cela concerne tout le monde, du simple citoyen au domaine de la défense nationale en passant par les entreprises marocaines qui risquent gros avec l'extraterritorialité du droit américain.